Question de Mme BONNEFOY Nicole (Charente - SOCR) publiée le 12/07/2018

Mme Nicole Bonnefoy attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur les modalités de récupération, par les autorités organisatrices de transport, de la taxe sur la valeur ajoutée dans le cadre des opérations de transport scolaire. Elle s'interroge sur les réponses qui ont été apportées à sa question orale n° 67 (Journal officiel des débats du Sénat du 22 novembre 2017, p. 5380). Ces éléments ont été confirmés ensuite systématiquement par le Gouvernement aux parlementaires qui s'inquiétaient de leur portée.

Elle lui demande donc pourquoi l'administration fiscale s'appuie dans son argumentaire sur une affaire finlandaise d'assistance juridique qui n'a qu'un lointain rapport avec la réalité du transport scolaire. En conséquence, la règle pratique dite « des 10 % » édictée par l'administration fiscale semble s'assimiler plus à un choix délibéré et arbitraire, « au doigt levé ». Elle lui demande donc une analyse plus fouillée et argumentée dans le domaine des opérations de transport scolaire, d'autant que le transport des élèves ne concerne pas forcément que le mode routier mais l'ensemble de la chaîne des mobilités : ferroviaire, interurbain, urbain, parfois même successivement. Elle lui demande sur quelle base s'effectue le « calcul » de l'administration fiscale dans la détermination du seuil de 10 % ; comment elle peut déterminer la contribution exacte des familles compte tenu de cette complexité ; si la part de financement du bloc communal, quand elle existe, peut venir « en soustraction » de la participation familiale, permettant ainsi d'assouplir ce seuil des 10 % si préjudiciable indirectement pour les familles et le pouvoir d'achat. Les familles en effet sont aussi des contribuables et abondent les budgets du bloc communal.

Enfin, elle lui rappelle la réponse apportée en 2015 par l'un de ses prédécesseurs, à un sénateur (question orale n° 1251, JO des débats du Sénat du 2 décembre 2015, p. 11 981) qui demandait une clarification de ce fameux seuil : « fixer un seuil à caractère général n'est pas envisageable ». Elle lui demande pourquoi ce seuil est envisageable désormais et pourquoi l'administration fiscale a changé de doctrine.

- page 3419


Réponse du Ministère de l'économie et des finances publiée le 08/11/2018

Lorsqu'elle constitue une activité économique et ainsi que le prévoit l'article 256 B du code général des impôts (CGI), l'activité de transports de personnes accomplie par une personne morale de droit public est, en tout état de cause, assujettie à la TVA. Ainsi, la fourniture, par une autorité organisatrice de transports (AOT), de prestations de transports de personnes à titre onéreux doit être soumise à la TVA. Une telle activité est réalisée à titre onéreux lorsqu'il existe un lien direct entre le service rendu et la contre-valeur reçue. Pour cela, le bénéficiaire de la prestation doit en retirer un avantage individuel et le niveau de cet avantage doit être en relation avec le prix payé. À ce titre, dans le situation du transport scolaire, le seuil de 10 % n'a pas été fixé « au doigt levé », mais résulte d'une étude systématique de la jurisprudence récente de la Cour de justice de l'Union Européenne (CJUE). La Cour, dans l'arrêt Gemeente Borsele (Aff. C 520/14) rendu le 12 mai 2016, a jugé en présence de contributions acquittées annuellement par les usagers ne couvrant que 3 % de la totalité des frais annuels de transport, qu'il résulte d'une telle asymétrie entre les frais de fonctionnement et les montants perçus en contrepartie des services offerts, une absence de liens réels entre la somme acquittée par les familles et la prestation de services fournie. Il s'ensuit qu'aucun droit à déduction de la TVA d'amont n'a pu être admis car dans de telles circonstances, la prestation est située en dehors du champ d'application de la TVA. Toutefois, cet arrêt ne fixe pas de seuil en pourcentage permettant de considérer que la prestation entre dans le champ d'application de la TVA s'agissant du transport. Par le passé, la CJUE, dans sa décision Commission contre Finlande (Aff. C-246/08), a cependant refusé la qualité d'assujetti à une personne publique dont les revenus d'une activité d'assistance juridique ne couvraient que 8 % des coûts engagés. Dans sa décision Gemeente Woerden (Aff. C 267/15), la Cour a admis que la commune soit qualifiée d'assujettie bien que celle-ci, dans les circonstances de l'affaire, ne percevait comme recettes que 10 % de ses coûts. Dès lors qu'en matière de transport scolaire, le prix demandé aux usagers est très inférieur au coût supporté par l'AOT, l'étude de la jurisprudence européenne conduit à l'instauration d'un seuil minimal de 10 %. Pour l'AOT, le seuil de 10 % s'apprécie en fonction de l'ensemble des recettes taxables issues de l'activité de transport scolaire, y compris, le cas échéant, les subventions complément de prix mentionnées au a) du 1 de l'article 266 du CGI, rapporté à l'intégralité de son coût de revient annuel. Enfin, il est précisé que la fixation d'un seuil répond à un objectif de sécurité juridique et qu'antérieurement, l'absence de précision sur ce seuil ne signifiait pas que l'ensemble des AOT étaient fondées à déduire la TVA grevant leurs dépenses d'amont sans prendre en compte le niveau des recettes acquittées par les usagers.

- page 5722

Page mise à jour le