Question de M. VIAL Jean-Pierre (Savoie - Les Républicains) publiée le 26/07/2018

M. Jean-Pierre Vial interroge M. le secrétaire d'État, auprès du Premier ministre, chargé du numérique sur la couverture des zones d'appel à manifestation d'intention d'investissement (AMII).

Depuis bientôt quinze ans, la couverture numérique du territoire est un enjeu de tous les gouvernements pour mettre la France à la hauteur des infrastructures nécessaires à la société numérique et éviter un décrochage et un handicap de plus des territoires ruraux, devant cette règle malheureusement immuable du rapport entre population et territoire des 80 pour 20.

Une fois encore la réalité met à l'épreuve les discours, les promesses et les ambitions affichées.

Alors que la France s'est battue pendant des années à Bruxelles pour faire reconnaître le principe de l'exception française dit « du timbre-poste » qui permet de mutualiser le coût d'un service par la contribution de tous, elle a décidé d'y déroger elle-même, sous la sollicitation, il est vrai, des opérateurs qui promettaient l'accélération de la couverture numérique en s'engageant à prendre en charge la couverture des zones urbaines.

Ainsi, les opérateurs et fournisseurs de services numériques ont préempté les zones urbaines les plus densément peuplées, constituant ainsi les « zones AMII » qui sont tout simplement les principales agglomérations soit, pour la Savoie : Chambéry-Aix-les-Bains et Albertville.

Force est de constater que les collectivités, malgré la complexité, la lourdeur et les difficultés politiques et administratives, se réforment plus vite que la prétendue révolution numérique.

Aujourd'hui des communes rurales ont été contraintes ou se sont vu imposer de se regrouper avec des agglomérations, en perdant d'ailleurs en même temps les avantages consentis aux territoires ruraux.

Depuis, lors de la conférence des territoires du 14 décembre 2017, le Gouvernement a annoncé la création du dispositif d'appel à manifestation d'engagements locaux (AMEL) visant à accélérer la couverture en fibre optique des territoires ruraux.

La moindre des cohérences c'est, quel que soit l'opérateur, qu'il soit de zone AMII ou AMEL, d'éviter une fracture supplémentaire au sein d'une même collectivité en l'espèce, pour la Savoie, les territoires de Chautagne, de l'Albannais, des Bauges, du Beaufortain et du Val d'Arly, au regard aujourd'hui de leur collectivité de rattachement : Grand Lac, Grand Chambéry et Arlysère.

En effet, l'État dans son rôle de garant de l'aménagement du territoire et de gardien de l'égalité de tous devant les services et politiques publics, se doit d'agir pour qu'il y ait une identité de services effective et de calendrier pour une réelle cohésion territoriale en matière d'infrastructure numérique, en imposant aux opérateurs une desserte cohérente de zones « AMII », dans le respect des limites territoriales de leur collectivité.

C'est pourquoi il souhaite connaître les engagements du Gouvernement, afin que soit garantie cette nécessaire harmonisation de la couverture en fibre optique, au sein des intercommunalités et agglomérations concernées par les couvertures « AMII ».

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Transmise au Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales


Réponse du Ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse publiée le 24/10/2018

Réponse apportée en séance publique le 23/10/2018

M. Jean-Pierre Vial. Depuis bientôt quinze ans, la couverture numérique du territoire est un enjeu de tous les gouvernements pour mettre la France à la hauteur des infrastructures nécessaires à la société numérique et éviter un décrochage et un handicap de plus en plus fort des territoires ruraux.

Une fois encore, la réalité met à l'épreuve les ambitions affichées ! Alors que la France s'est battue pendant des années à Bruxelles pour faire reconnaître le principe de l'exception française dite du timbre-poste, qui permet de mutualiser le coût d'un service par la contribution de tous, elle a décidé d'y déroger elle-même, sous la sollicitation – il est vrai – des opérateurs.

Ainsi, les opérateurs et fournisseurs de services numériques ont préempté les zones urbaines les plus densément peuplées, constituant les zones dites AMII, qui sont tout simplement les principales agglomérations, soit, pour la Savoie, Chambéry, Aix-les-Bains et Albertville.

Force est de constater que les collectivités, malgré la complexité, la lourdeur et les difficultés politiques et administratives, se réforment plus vite que la prétendue révolution numérique.

Aujourd'hui, des communes rurales ont été contraintes ou se sont vu imposer de se regrouper avec des agglomérations, en perdant de ce fait les avantages consentis aux territoires ruraux.

Depuis, lors de la conférence des territoires, le Gouvernement a annoncé la création du dispositif AMEL, qui vise à accélérer la couverture en fibre optique des territoires ruraux.

La moindre des cohérences est d'éviter, quel que soit l'opérateur ou la zone – AMII ou AMEL –, une fracture supplémentaire au sein d'une même collectivité, en l'espèce pour la Savoie les territoires de Chautagne, de l'Albanais, des Bauges, du Beaufortain et du Val d'Arly, au regard de leur collectivité de rattachement : Grand Lac, Grand Chambéry et Arlysère.

Dans son rôle de garant de l'aménagement du territoire et de gardien de l'égalité de tous devant les services et politiques publics, l'État se doit d'agir pour qu'il y ait une identité dans les services effectivement rendus et dans le calendrier, afin d'assurer une réelle cohésion territoriale en matière d'infrastructure numérique, en imposant aux opérateurs une desserte cohérente des zones AMII, dans le respect des limites territoriales des collectivités.

Je souhaite connaître les engagements du Gouvernement pour mettre en œuvre ces objectifs.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Jean-Pierre Vial, la couverture numérique de l'ensemble de nos territoires constitue une priorité du Gouvernement. Avoir accès au très haut débit ou à une couverture mobile de qualité est un enjeu majeur pour l'attractivité des territoires et pour la lutte contre les fractures territoriales. C'est pourquoi nous cherchons à accélérer le déploiement du très haut débit, en nous appuyant sur l'initiative privée comme sur l'initiative publique.

Concernant les zones d'initiative privée, les opérateurs Orange et SFR avaient pris des engagements volontaires de déploiement de la fibre optique jusqu'à l'abonné sur environ 3 600 communes, comportant environ treize millions de locaux.

Dans votre département, monsieur le sénateur, ce sont 42 communes qui bénéficieront d'ici à 2020 d'un déploiement par l'opérateur Orange d'un réseau de fibre à l'abonné, entièrement mutualisé, permettant à tous les foyers et entreprises savoyards d'avoir accès au très haut débit.

Concernant les zones d'initiative publique, l'État confirme son soutien aux collectivités territoriales et a sécurisé une enveloppe de 3,3 milliards d'euros. Cette enveloppe a notamment permis de soutenir les projets portés par les collectivités territoriales pour le déploiement de plus de onze millions de prises en fibre optique.

En complément, pour les zones où les projets publics ne couvraient pas l'ensemble des locaux, certaines collectivités ont fait le choix de chercher des investissements privés complémentaires – c'est le dispositif dit AMEL.

Le cas de la Savoie est à cet égard unique, car le département a choisi de résilier sa première délégation de service public pour bénéficier de meilleures conditions de déploiement et de faire appel au secteur privé en dehors des zones d'initiative privée. Les discussions entre les opérateurs et le département sont en cours et concernent notamment 63 communes des trois établissements publics de coopération intercommunale que vous avez mentionnés.

Par souci de cohérence avec la zone d'initiative privée, le Gouvernement n'acceptera pas d'engagements des opérateurs privés en dehors du cadre légal.

Avec le dispositif AMEL, nous avons ainsi enrichi la boîte à outils des collectivités territoriales, afin de leur permettre d'accélérer la couverture numérique de leur territoire, en cherchant la meilleure équation économique entre investissements publics et privés et en veillant à garantir une cohérence entre les territoires en matière d'offres et de technologie.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vial, pour répondre à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Vous disposez de trente secondes, mon cher collègue.

M. Jean-Pierre Vial. Monsieur le ministre, je constate que vous êtes quelqu'un de pluridisciplinaire…

En tout cas, je ne peux évidemment pas vous faire le reproche d'une réponse qui ne correspond pas tout à fait à la réalité : le département de la Savoie n'a pas choisi de mettre un terme à la délégation de service public, il y a été contraint.

J'entends bien les grands discours, qui s'appuient sur des considérations très générales, certes louables, mais en pratique, la question est simple : certains territoires ruraux sont pénalisés, quand ils doivent se regrouper avec de grandes agglomérations. Dans ces cas-là, la moindre des choses est d'obtenir la même qualité de service que les autres collectivités. J'espère que le Gouvernement veillera effectivement, dans le cadre de ses relations avec les opérateurs, à ce nécessaire respect de l'égalité des territoires.

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