Question de Mme SOLLOGOUB Nadia (Nièvre - UC) publiée le 26/07/2018

Mme Nadia Sollogoub appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur le problème de la retraite des vétérinaires sanitaires. Ces professionnels de la santé animale ont effectué à la demande de l'État, avant 1990, sous mandat sanitaire, des prophylaxies collectives pour enrayer les épidémies qui menaçaient les élevages français. Pour autant, l'État n'a pas à l'époque versé les cotisations sociales correspondant aux salaires concernés qui leur auraient ouvert des droits de protection sociale et à une retraite. La décision du Conseil d'État du 14 novembre 2011 a enjoint à l'État de régulariser la situation. Il a en conséquence mis en place une procédure harmonisée de traitement des 1 600 demandes d'indemnisation. Cette procédure ministérielle transactionnelle d'indemnisation des vétérinaires sanitaires, telle que lancée en 2012, a normalement pris fin le 15 mai 2018. Environ mille praticiens ont vu leur situation régularisée. Or, il apparaît que tous les cas pendants n'ont pas été réglés. Nombre de vétérinaires concernés se sont vu opposer par l'administration la prescription quadriennale. Demeure également la question du sort réservé aux vétérinaires retraités ayant agi en justice avant que la jurisprudence ne soit définitivement fixée et qui n'ont, à ce jour, pas reçu une indemnisation pleine et entière. Une réouverture de la possibilité d'examiner des dossiers lors d'une période complémentaire semble donc indispensable. Elle suppose que soit levée la prescription qui a été systématiquement opposée aux 600 praticiens dont les dossiers sont restés en suspens, ces derniers s'étant tout de même en leur temps acquittés avec efficacité de la mission qui leur avait été confiée par l'État. Elle lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures qu'entend prendre le Gouvernement pour régler définitivement ce dossier dans des conditions équitables pour les vétérinaires sanitaires. 

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 23/01/2019

Réponse apportée en séance publique le 22/01/2019

Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le ministre, je me permets d'attirer votre attention sur le délicat sujet de l'indemnisation des vétérinaires ayant participé, dans le cadre d'un mandat sanitaire, à l'éradication des grandes épizooties entre les années 1955 et 1990.

Ces professionnels de santé animale ont effectué, à la demande de l'État, des prophylaxies collectives permettant de protéger le cheptel français. À l'époque, l'État a omis de verser les cotisations sociales correspondant aux salaires concernés, qui leur auraient ouvert des droits au titre de la protection sociale et de la retraite.

Par sa décision du 14 novembre 2011, le Conseil d'État a enjoint à l'État de régulariser cette situation. Environ 1 600 demandes d'indemnisation ont alors été recensées, et une procédure harmonisée de traitement a été instaurée.

À la date du 9 avril 2018, environ 1 000 vétérinaires auraient été indemnisés ; mais, pour les dossiers restants, on a invoqué un « dépôt tardif » et un délai de prescription, qui les a écartés du processus de régularisation.

Les vétérinaires sanitaires concernés, « hors délais », désormais constitués en association, vivent très mal cette situation particulièrement injuste. C'est donc pour pouvoir obtenir le traitement rapide, conformément au principe d'égalité, des derniers dossiers de ces praticiens désormais âgés que je me tourne vers vous.

À l'heure où la profession agricole va mal, et alors que l'aide des vétérinaires pourrait de nouveau être précieuse pour éviter la propagation d'éventuelles pathologies, la régularisation de ce dossier serait un signe fort.

Aussi, monsieur le ministre, pourriez-vous m'indiquer les mesures que le Gouvernement entend prendre pour résoudre définitivement cette question, dans des conditions tout simplement équitables ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Madame la sénatrice Nadia Sollogoub, je vous remercie de votre question très précise, qui concerne une profession dont je sais qu'elle vous tient à cœur, et qui porte sur les demandes d'indemnisation formulées par des vétérinaires sanitaires à la suite du défaut d'affiliation au régime de sécurité sociale dont ils ont fait l'objet au titre des activités exercées avant 1990 dans le cadre du mandat sanitaire.

Tout d'abord, je tiens à souligner les efforts consentis au cours de l'année écoulée : comme vous le savez, l'ensemble des dossiers éligibles des conjoints survivants et autres ayants droit de vétérinaires sanitaires se sont vu proposer une transaction amiable. De même, la quasi-totalité des dossiers de vétérinaires retraités ont été résolus.

À ce jour, le ministère a procédé à la régularisation de 1 063 dossiers. L'année 2018 a permis la résolution de 246 d'entre eux. L'immense majorité des demandes introduites avant le 1er janvier 2018 a ainsi été traitée.

Les dernières demandes, déposées notamment en réaction à l'annonce officielle de l'imminence de la clôture du processus transactionnel, survenue au premier trimestre de 2018, sont présentement en cours d'instruction. Elles aboutiront dans les tout prochains mois ; les crédits nécessaires ont d'ores et déjà été inscrits en loi de finances initiale pour 2019.

Madame la sénatrice, comme vous l'avez évoqué, certains dossiers présentent des difficultés d'éligibilité. L'article 1er de la loi n° 68–1250 de décembre 1968 dispose que « sont prescrites au profit de l'État […] toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. »

Dans ses décisions nos 388198 et 388199 du 27 juillet 2016, le Conseil d'État a procédé à la déclinaison de la disposition législative précitée, dans le cas de figure tout à fait spécifique des vétérinaires sanitaires ayant subi un défaut d'affiliation au régime de sécurité sociale au titre des activités sanitaires – je vous accorde qu'il s'agit là d'un sujet très technique.

La Haute juridiction a jugé que les vétérinaires ne pouvaient plus être regardés comme ignorants de leurs créances à l'État au moment de la liquidation de leurs droits à pension et que, dès lors, le délai quadriennal avait pleinement vocation à courir.

En conformité avec l'esprit de la loi, seuls les vétérinaires qui relèveraient de difficultés financières d'une singulière sévérité pourraient prétendre au bénéfice d'un relèvement exceptionnel de la prescription ; il y va de l'égalité de chacun devant la loi.

Au-delà de ces difficultés, je puis vous assurer de la totale mobilisation de mes services pour la résolution des tout derniers dossiers d'ici à la fin de l'année 2019.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour répondre à M. le ministre.

Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le ministre, merci beaucoup de votre réponse. Je sais que vous êtes vous-même très engagé sur le terrain et que vous connaissez ce dossier très précisément.

M. Didier Guillaume, ministre. En effet !

Mme Nadia Sollogoub. L'enjeu, c'est bien le caractère éligible des derniers dossiers qui restent : on oppose aux derniers vétérinaires concernés le fait qu'ils n'étaient pas ignorants de la situation au moment où ils ont liquidé leur retraite. Or c'est bien l'élément qui pose problème.

J'ai moi-même rencontré des vétérinaires retraités qui ont assumé pleinement leur mission sans se demander dans quel cadre elle entrait. Certains ont même produit des feuilles d'indemnités intitulées, à tort, « note d'honoraires » : de toute évidence, ils ignoraient parfois qu'il s'agissait de salaires, étant donné que les conditions d'exercice étaient formulées de manière assez peu claire. Certains, en prenant leur retraite, ont d'ailleurs détruit de nombreux documents, car ils n'imaginaient pas en avoir besoin ultérieurement.

À mon sens, des mesures dérogatoires sont parfaitement indiquées.

M. Didier Guillaume, ministre. C'est un sujet !

Mme Nadia Sollogoub. Je vous remercie de votre tolérance.

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