Question de M. KANNER Patrick (Nord - SOCR) publiée le 06/07/2018

Question posée en séance publique le 05/07/2018

M. Patrick Kanner. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Il n'y a pas si longtemps, lorsqu'une loi d'envergure arrivait devant le Parlement, tout était fait pour que les élus de la Nation s'en emparent, en débattent et l'amendent dans les meilleures conditions. Ce temps est désormais révolu ; permettez-nous de le regretter.

En ce temps, nous examinions une loi d'envergure pendant deux, voire trois semaines. Je prendrai l'exemple de la loi Macron, une belle loi, vous en conviendrez ! Son examen avait pris le temps parlementaire nécessaire : trois semaines à l'Assemblée nationale et trois semaines au Sénat en première lecture, de très nombreux amendements, des heures utiles de débat en commission, le tout avec une promulgation à peine huit mois après sa présentation en conseil des ministres et un ministre qui, à l'époque, avait goût au débat parlementaire…

Monsieur le Premier ministre, avec votre gouvernement, dans le laps de temps consacré naguère à la discussion de la loi Macron, nous devons désormais examiner trois textes de la même importance : le projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable, voilà deux semaines, le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, la semaine prochaine, et le projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique dans la foulée, sans parler du projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, actuellement en débat.

Sur des sujets fondamentaux, vous donnez au Sénat trois fois moins de temps pour débattre !

Nous nous plaignons non pas d'un trop-plein, mais d'un « trop mal ». Nous ne voulons pas moins travailler ; nous voulons mieux travailler, parce que nous avons le souci de faire des lois de qualité et bien écrites pour les Français : c'est l'honneur du bicamérisme.

Monsieur le Premier ministre, après les dysfonctionnements du calendrier législatif de ce printemps, allez-vous établir en septembre, puis en janvier, un programme équilibré de travail et vous y tenir, pour le bon fonctionnement du Parlement, afin que le temps nécessaire au débat et à l'écriture de la loi soit respecté ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 06/07/2018

Réponse apportée en séance publique le 05/07/2018

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur la qualité et l'organisation du travail parlementaire, sur le temps qu'il est nécessaire d'accorder au débat pour que le Parlement puisse élaborer et voter la loi, conformément au rôle qui lui est confié par la Constitution.

Vous indiquez finement qu'il fut un temps où tout était parfait et qu'aujourd'hui tout est sombre. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme Sophie Taillé-Polian. Caricature !

M. Roger Karoutchi. Attendons la suite.

M. Martial Bourquin. La dérision au lieu d'arguments !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. C'est ce que j'ai cru comprendre de votre question, monsieur le président Kanner.

En 2017, les Français nous ont, me semble-t-il, indiqué qu'ils voulaient une forme de rupture avec ce qui avait jusqu'alors prévalu. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Gérard Longuet. Ils ne voulaient pas de Marine, c'est tout !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Ils nous ont dit qu'il fallait une forme de rupture, non pas avec l'essentiel de ce qu'est notre République, avec le bicamérisme, avec le rôle du Parlement, mais avec l'incapacité de transformer notre pays, peut-être en assumant et en prenant des décisions qui, pendant longtemps, ne l'avaient pas été.

En tout cas, c'est comme cela que j'ai, pour ma part, interprété l'élection du Président de la République et la très forte majorité donnée, à l'Assemblée nationale, à ceux qui soutenaient son programme.

M. Jean-Marc Todeschini. Lequel consistait, par exemple, à ne pas toucher aux retraites ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Il y a beaucoup à faire, en matière d'accès à l'enseignement supérieur, de droit du travail, de réforme du ferroviaire, de budget… Nous avons même parfois à prendre en compte des éléments auxquels nous ne nous attendions pas. Je remercie à cet égard le Sénat d'avoir su, en fin d'année dernière, adapter son calendrier pour étudier le projet de loi de finances rectificative qu'il a fallu déposer en raison de l'annulation d'un certain nombre de mesures par le Conseil constitutionnel et des coûts afférents.

Nous avons donc beaucoup de travail. Nous assumons le fait que le rythme législatif soit intense. Les débats le sont également, que ce soit à l'Assemblée nationale ou au Sénat. Sur tous les textes qui ont été présentés, ils ont été riches. Je ne crois pas que l'on puisse dire – mais peut-être avons-nous une différence d'appréciation sur ce point – que ces débats ont été tronqués. Ils auraient sans doute pu durer plus longtemps –c'est le propre des débats –, mais l'important est de savoir si les arguments ont bien pu être échangés, mûris, pesés. Mon sentiment est que ceux qui voulaient faire valoir des positions ont pu le faire, heureusement !

La question du volume horaire des débats est évidemment importante, mais je crois que celle de leur qualité l'est plus encore. Je serai, comme aujourd'hui, toujours disponible pour y participer. Permettez-moi de saluer, sans ironie aucune, la qualité du travail législatif effectué dans cet hémicycle. M. le président du Sénat peut en témoigner : je la souligne systématiquement. Je me plais à penser que la qualité de ce travail permettra d'enrichir encore l'action du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, vous avez employé le mot « rupture ». S'il s'agit, dans votre esprit, d'instaurer un parlementarisme de plus en plus rationalisé face à un pouvoir exécutif de plus en plus débridé, nous ne nous comprenons effectivement pas ! Nous vous demandons de respecter le Parlement, son travail d'enrichissement. En tout cas, vous ne m'avez pas répondu sur le calendrier des travaux à venir ; je le regrette. Merci néanmoins de reconnaître la qualité du travail de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

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