Question de M. GAY Fabien (Seine-Saint-Denis - CRCE) publiée le 12/07/2018

M. Fabien Gay attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire sur le projet de mine d'or industrielle en Guyane, Montagne d'or, déposé par un consortium russo-canadien, projet qui semble être une aberration totale. Au niveau économique d'abord, puisque ce projet disposera de subventions considérables, mais avec des retombées pour le territoire moindres. L'argument de la création d'emploi pour le territoire de Guyane n'est pas non plus fondé puisque les emplois ne seront pas pérennes et que rien ne garantit qu'ils resteront locaux.
Surtout, ce projet présente des risques considérables sur le plan écologique, notamment du fait de sa localisation entre deux réserves biologiques intégrales, sur une zone abritant des espèces menacées, ainsi que du fait des risques de ruptures des digues contenant les déchets cyanurés, de pollution des sols, etc.
Une mobilisation citoyenne s'est constituée en opposition à ce projet.
Il lui demande si l'État va prendre ses responsabilités vis-à-vis de la protection de l'environnement et mettre un terme à ce projet pharaonique dont les impacts, prévisibles, seraient désastreux pour l'environnement.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire publiée le 01/08/2018

Réponse apportée en séance publique le 31/07/2018

M. Fabien Gay. Madame la secrétaire d'État, demain, l'Humanité aura consommé l'ensemble des ressources que la planète peut renouveler en une seule année. La quantité de carbone émise dépassera ce que nos océans et nos forêts peuvent absorber. M. le président Chirac disait, en 2002, que la maison brûlait ; en 2018, on peut dire qu'elle est quasiment carbonisée.

Aujourd'hui, je veux vous parler du projet Montagne d'or, en Guyane. C'est un projet complètement fou, comme en attestent ces quelques chiffres : 80 tonnes d'or attendues en douze ans ; une fosse grande comme trente-deux fois le Stade de France ; une déforestation immense, couvrant d'innombrables hectares, et ce afin de construire une piste de 150 kilomètres pour rallier Saint-Laurent-du-Maroni ; 470 000 litres d'eau utilisés par heure, quand une famille guyanaise en consomme 80 000 par an ; 10 tonnes d'explosifs et autant de cyanure nécessaires par jour ; 80 000 tonnes de déchets miniers produits quotidiennement.

Les risques environnementaux sont donc très grands dans cette zone où la biodiversité est immense. Le projet sera implanté au milieu de quinze montagnes sacrées, très chères aux peuples autochtones. De surcroît, le barrage, prévu pour retenir les boues cyanurées et situé dans un département où la pluviométrie est très forte, pourrait céder, comme cela s'est déjà produit au Brésil, en 2015, ou en Roumanie, en 2010.

Madame la secrétaire d'État, ma question est simple : n'y a-t-il pas une véritable incohérence à voir le président Macron faire le tour de la planète en répétant, la main sur le cœur, « make our planet great again », tout en autorisant ce projet minier complètement fou, qui s'annonce comme un désastre environnemental, écologique, social et économique, tel qu'on n'en a jamais connu en France ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Gay, sur le projet de mine d'or industrielle « Montagne d'or », en Guyane, nous entendons vos inquiétudes et nous les partageons.

M. Fabien Gay. Ah bon ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. Lors de son déplacement en Guyane, en octobre dernier, le Président de la République a affirmé son attachement à l'exemplarité des projets qui seraient lancés sur ce territoire. S'il s'est dit favorable au développement d'une filière aurifère en Guyane, plusieurs critères doivent être respectés pour permettre l'indispensable préservation de la biodiversité, véritable priorité du Gouvernement. La France va d'ailleurs accueillir la prochaine réunion de l'IPBES, ainsi que, à Marseille, le congrès international de l'IUCN. Il s'agira également d'assurer le développement du territoire ou, encore, le bien-être de la population.

Évoquant les enjeux de cette mine, en particulier, le Président de la République s'est engagé, à la fin du mois de juin, lors de la clôture des assises des outre-mer, à ce que « seules des exploitations exemplaires en termes environnementaux et socio-économiques [puissent] être envisagées en France ».

Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès de Nicolas Hulot, était en Guyane la semaine dernière pour faire un point de situation, alors que le débat public sur la construction de la mine vient juste de se terminer. Le rapport sera rendu public en septembre.

Pour le Gouvernement, il était primordial que chacun puisse s'exprimer sur ce projet : les acteurs économiques, les ONG, les élus, mais aussi les représentants des peuples amérindiens. Le Gouvernement les a d'ailleurs rencontrés récemment.

M. Fabien Gay. Je le sais !

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. En fonction des conclusions de ce rapport, la procédure prévoit que le porteur de projet apporte des améliorations significatives. Le Gouvernement n'a pas, pour l'instant, pris de décision ferme, puisque la phase de consultation vient seulement de s'achever. Il sera particulièrement vigilant sur les aspects tant environnementaux que socio-économiques, s'agissant, d'ailleurs, de l'ensemble des projets relatifs à la Guyane.

À cet égard, je tiens à vous informer qu'une mission vient d'être lancée, avec le ministère de l'économie et des finances et le ministère des outre-mer, sur les enjeux socio-économiques et environnementaux des grands projets miniers en Guyane, en général. Cette mission permettra de faire des recommandations au Gouvernement sur les conditions dans lesquelles d'éventuelles exploitations minières de ce type pourraient y voir le jour.

Par ailleurs, vous aurez l'occasion de débattre de la réforme du code minier, comme Nicolas Hulot s'y est engagé. Je vais commencer à travailler sur la question.

Vous le voyez, il s'agit là d'un vrai sujet de préoccupation, que nous suivons de très près. Je me permets d'ajouter deux derniers points.

D'une part, vous faites allusion à des subventions.

M. Fabien Gay. Je n'ai encore rien dit à ce propos, mais je m'apprêtais à en parler !

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. Je vous réponds par anticipation ! (Sourires.) Sachez que ce sont en réalité des mesures fiscales, dont bénéficie tout projet économique en Guyane, sans distinction du secteur d'activité.

D'autre part, concernant les emplois créés, si le projet devait voir le jour, priorité serait alors donnée à des recrutements locaux.

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour répondre à Mme la secrétaire d'État.

M. Fabien Gay. Madame la secrétaire d'État, je ne sais même pas par où commencer tant il y aurait à dire ! Je vous sens d'ailleurs gênée sur ce sujet véritablement problématique, car vous sentez bien qu'il y a une vraie incohérence entre vos propos, la belle communication macronienne, et la réalité.

Ce projet divise. Selon un sondage du WWF, 69 % de la population y serait opposée. Toutes les ONG le combattent, tandis que les élus locaux sont, certes, plus mitigés.

Il y a, c'est vrai, la question de l'emploi : 700 postes à la clé. Mais consacrer 420 millions d'euros à un tel projet, c'est loin d'être une bagatelle, surtout pour 700 emplois non pérennes.

Vous nous dites, madame la secrétaire d'État, que priorité sera donnée aux recrutements locaux. Mais vous ne pouvez rien imposer à une société privée. Mon collègue Franck Montaugé a posé voilà quelques instants une question sur Engie : même quand l'État est actionnaire majoritaire, vous vous refusez à agir sur l'emploi. Ne prenez donc pas un tel engagement ! Partout où des projets miniers ont été déployés, la première année, les recrutements locaux sont privilégiés, avant que les emplois soient délocalisés. En l'espèce, nul ne doute qu'on ira chercher des emplois au Suriname voisin, pour baisser le coût du travail.

Ce projet Montagne d'or, vous le savez comme moi, est une aberration. Il se fonde sur un prix de l'or très élevé. Or celui-ci suit actuellement une courbe décroissante. Si ces 420 millions d'euros étaient consacrés à des projets d'avenir pérennes, notamment dans le domaine de l'emploi, alors, vous pourriez créer plusieurs dizaines de milliers d'emplois.

On ne peut plus mentir aux Guyanais et aux Guyanaises. Je vous le rappelle, l'an dernier, il y a eu une révolte sociale inédite. Beaucoup leur avait déjà été promis. J'ai moi-même rencontré leurs représentants, en même temps que vous. Ils m'ont dit ne pas avoir vu un centime de la couleur de l'argent que le Gouvernement leur avait promis l'année passée. Voilà la réalité !

Je le répète, ce projet est une aberration : sociale, économique et environnementale. Vous êtes gênée aux entournures, madame la secrétaire d'État, car vous sentez bien qu'il y a un problème à faire partie d'un gouvernement qui a fait le choix de protéger autant le capital, de ne servir que les intérêts financiers et à court terme, alors qu'il lui faudrait promouvoir une autre société, une vraie vision de l'avenir.

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