Question de Mme BERTHET Martine (Savoie - Les Républicains) publiée le 21/06/2018

Mme Martine Berthet attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur les nouvelles directives de l'office national des forêts (ONF) en matière de cessions de bois aux particuliers et d'affouage en forêts communales. En effet, l'instruction interne n° INS-17-T-90 interdit notamment la délivrance, par les agents de l'ONF, de bois de diamètre supérieur à 45 cm, de bois encroués, enchevêtrés ou sous tension, à proximité d'ouvrages (habitations, routes publiques, lignes électriques…) et interdit toute coupe dans les zones de pentes supérieures à 40 %, excluant ainsi de fait toute coupe en forêt de montagne. Les aménagements des forêts communales, documents approuvés par le préfet de région, contiennent un état d'assiette indiquant la destination des bois. En Savoie, l'ONF et la commune historique de Mâcot-la-Plagne (et donc la commune de La Plagne Tarentaise), par exemple, sont liés par une convention signée pour vingt ans, qui serait donc remise en cause de manière unilatérale par ces dispositions. De très nombreuses communes, comme Val Cenis ou Notre-Dame-du-Pré, sont concernées par ces nouvelles dispositions. L'affouage est une pratique ancienne qui contribue à l'entretien des forêts. Le retrait des arbres chablis et secs permet de prévenir les attaques de scolytes et l'absence d'entretien aurait des conséquences extrêmement dommageables pour la santé du patrimoine forestier. L'entretien des forêts permet également d'assurer la sécurité des populations vis-à-vis des risques d'incendies augmentés. Enfin, un moindre entretien des sentiers peut avoir, par voie de conséquence, une incidence sur l'activité touristique locale. De plus, le critère de dangerosité des pentes au-delà de 40 % est rédhibitoire en montagne. Lors de la signature du contrat d'objectifs et de performance 2016-2020, lequel prévoit notamment une mobilisation accrue de la récolte de bois en forêt communale, à hauteur de 8,5 millions de m3, les communes ont réaffirmé leur volonté de disposer d'un gestionnaire unique et se sont engagées à stabiliser leur soutien à l'ONF à hauteur de 30 millions d'euros d'ici 2020. Ces dispositions, appliquées sans concertation préalable avec les communes qui ont fait le choix de poursuivre leur partenariat avec l'ONF, apparaissent aux yeux des élus concernés comme une grave atteinte à la confiance qu'ils ont choisi d'accorder à l'office, ce qu'ils regrettent vivement. Elle lui demande si le Gouvernement entend revoir sa position afin que ces communes puissent continuer à garantir une politique de gestion durable et la diversité biologique des forêts en partenariat avec l'ONF, mais aussi leur productivité, leur capacité de régénération ainsi que leur vitalité et leur capacité de satisfaire les fonctions économiques, écologiques et sociales locales.

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Transmise au Ministère de l'agriculture et de l'alimentation


Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 26/07/2018

Si l'affouage présente un intérêt sylvicole et social indéniable, sa pratique présente des risques en termes de sécurité lorsque les bénéficiaires sont des particuliers exerçant pour leur propre compte sans avoir reçu de formation et ne disposant pas de l'équipement et du matériel répondant aux exigences applicables aux professionnels. L'instruction interne de l'office national des forêts (ONF) relative à la pratique de l'affouage ne remet aucunement en cause cette pratique mais au contraire elle la valorise tout en précisant les modalités de mise en œuvre dans l'intérêt général. Au titre de son devoir de conseil, l'ONF, auquel l'article L. 211-1 du code forestier confie la gestion des forêts des collectivités relevant du régime forestier, est tenu de préciser à une collectivité donnée qu'il ne peut lui délivrer les bois aux fins d'une exploitation par les habitants lorsqu'il existe un danger avéré inhérent aux conditions techniques d'exploitation. Or l'exploitation forestière, qui est une activité dangereuse en soi, l'est plus encore en montagne en raison du relief. Dans ces conditions, l'ONF a non seulement le devoir de conseiller à la collectivité de faire procéder à l'exploitation des bois par un professionnel au choix de ladite collectivité mais est également fondé à refuser la délivrance d'une coupe sur pied destinée aux habitants affouagistes et à ne délivrer les bois qu'une fois façonnés par le professionnel retenu par la collectivité. Au-delà du devoir d'information et de conseil qui lui incombe, l'ONF a également l'obligation juridique de refuser de contribuer par ses agissements à créer un risque ou faciliter sa réalisation. Au plan pénal, si un accident survenait lors de l'exploitation d'une coupe d'affouage par les habitants, l'ONF et ses agents mais également la collectivité et ses représentants pourraient être regardés comme les acteurs indirects de l'accident (article 121-3 alinéa 2 du code pénal). Or l'auteur indirect peut être condamné pénalement s'il a commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité que l'auteur ne pouvait ignorer. C'est pour ces raisons que l'association des communes forestières de Savoie recommande, dans la plaquette qu'elle a publiée en 2015, de recourir à l'affouage dit « façonné » c'est-à-dire après abattage par des professionnels. L'exercice de ce droit de refus de délivrance ne doit pas être confondu avec l'inscription à l'état d'assiette qui relève de la seule décision du conseil municipal et à laquelle l'ONF ne peut s'opposer que dans le cadre des dispositions de l'article R. 214-20 du code forestier.

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