Question de M. FÉRAUD Rémi (Paris - SOCR) publiée le 07/06/2018

M. Rémi Féraud appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'application de la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées. Cette loi prévoit, en son article 22, qu'un rapport sur son application sera remis par le Gouvernement au Parlement deux ans après sa promulgation, soit en avril 2018.
Ce rapport doit dresser le bilan de plusieurs dispositifs désormais inscrits dans le droit français, tels que la création de l'infraction de recours à l'achat d'actes sexuels notamment, plus communément connue sous le terme de « pénalisation des clients ». Cette nouvelle infraction était très attendue et sa mise en œuvre rend absolument nécessaires une évaluation et un bilan tant quantitatif que qualitatif, de son application. Au-delà de l'efficacité des dispositifs répressifs, ce rapport sera un outil indispensable pour connaître l'évolution de la prostitution, de la prise en charge et de la situation sanitaire et sociale des personnes prostituées. Le délai de deux ans paraissait un délai raisonnable pour permettre d'évaluer les éventuels progrès enregistrés en matière de lutte contre la prostitution mais aussi les difficultés rencontrées dans l'application de cette nouvelle incrimination. Il aimerait, par conséquent, s'assurer que ce rapport est en préparation et savoir à quelle échéance il sera rendu public.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 08/11/2018

La loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 a instauré une nouvelle infraction en cas de recours à la prostitution, quel que soit l'âge ou la situation de la personne prostituée, et non plus uniquement, comme précédemment, lorsque cette personne est mineure ou particulièrement vulnérable. La pénalisation des clients de la prostitution vient ainsi compléter les dispositions de lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains aux fins d'exploitation sexuelle. La loi du 13 avril 2016 a été conçue comme un dispositif cohérent, permettant d'aborder la prostitution de façon globale en déclinant des mesures dans le champ de la prévention, de l'accompagnement et de la prise en charge des personnes prostituées, et de la répression des auteurs de violences et d'exploitation. Une circulaire du Garde des sceaux a été diffusée le 18 avril 2016 pour présenter les dispositions de droit pénal et de procédure pénale de la loi du 13 avril 2016. Dès son adoption, au sein des parquets les plus concernés par le phénomène prostitutionnel, des magistrats référents ont été désignés et des mesures d'évaluation ordonnées. Le parcours de sortie de la prostitution créé par la loi est aujourd'hui opérationnel. Le comité de suivi de la loi du 13 avril 2016, installé après l'adoption de celle-ci, réunit les différents ministères concernés (intérieur, justice, santé, éducation nationale, travail, secrétariat d'État chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes), ainsi que plusieurs associations. Piloté par la Direction générale de la cohésion sociale, il travaille actuellement à la rédaction du rapport sur l'application de la loi du 13 avril 2016. À ce jour, les données disponibles sur la politique pénale en matière de répression des clients de la prostitution portent sur l'année 2016, soit l'année d'entrée en vigueur de la loi ce qui ne permet pas de dresser un bilan exhaustif d'application de son application. Il convient toutefois d'observer qu'en 2016, le nombre d'auteurs dans les affaires nouvelles de recours à la prostitution a été multiplié par 2,5, passant de 314 auteurs en 2015 à 809 en 2016. Le taux de réponse pénale apportée aux faits poursuivables est de près de 96 % en 2016. Le recours à une réponse pédagogique, notamment l'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels, est prévu pour réprimer cette infraction. Le décret n° 2016-1709 du 12 décembre 2016 a précisé le contenu et les modalités de ce stage, permettant aux parquets principalement confrontés à ce problème de les mettre en œuvre. À la suite de la parution de ce décret, magistrats et associations se sont réunis pour organiser ces stages, qui sont désormais effectifs dans plusieurs ressorts.

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