Question de Mme PEROL-DUMONT Marie-Françoise (Haute-Vienne - SOCR) publiée le 28/06/2018

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont appelle l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur le manque de places en établissements spécialisés pour accueillir les enfants atteints d'autisme lourd, qui ne peuvent être intégrés en milieu ordinaire.
Les parents se trouvent particulièrement désemparés face à cette disponibilité limitée, à laquelle les pouvoirs publics se doivent de répondre.
Elle souhaite donc l'interroger sur les intentions du Gouvernement pour faire face à cette problématique.

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Transmise au Secrétariat d'État auprès du Premier ministre, chargé des personnes handicapées


Réponse du Secrétariat d'État auprès du Premier ministre, chargé des personnes handicapées publiée le 01/08/2018

Réponse apportée en séance publique le 31/07/2018

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Madame la secrétaire d'État, le Président de la République s'était engagé, lors du débat du second tour de l'élection présidentielle, à créer « tous les postes d'auxiliaire de vie scolaire pour que les jeunes enfants vivant en situation de handicap puissent aller à l'école ». Il avait également promis de créer « les postes et les structures pour que les enfants, en particulier les jeunes autistes, n'aient plus à aller à l'étranger lorsqu'ils ont besoin d'aller en centre spécialisé ».

En avril dernier, le Gouvernement a annoncé les mesures du quatrième plan Autisme mis en place sur cinq ans, notamment le triplement du nombre d'unités d'enseignement en maternelle, ces petites classes destinées aux enfants ayant besoin d'un soutien renforcé.

De nouvelles classes spécialisées devaient également être ouvertes en primaire, au collège et au lycée. Une centaine de postes d'enseignants spécialisés dans l'autisme devaient être créés pour soutenir les enfants autistes accueillis dans ces classes.

Au-delà de ces annonces, la réalité du quotidien des familles s'apparente chaque jour, et vous le savez, madame la secrétaire d'État, à un parcours du combattant.

En effet, les budgets alloués aux ARS, qui font face à une recrudescence de la prévalence de ce handicap, limitent grandement les prises en charge. Les unités localisées pour l'inclusion scolaire diminuent chaque année le nombre de places disponibles pour les enfants atteints d'autisme ou ne renouvellent pas leurs autorisations de scolarisation. C'est le cas dans mon département cette année, de nombreuses autorisations d'enfants scolarisés n'ayant pas été renouvelées. En outre, les budgets pour les places supplémentaires ne sont pas attribués aux instituts médico-éducatifs au prétexte qu'il faut privilégier l'inclusion en milieu ordinaire. Cette intention est louable, à condition qu'il y ait les moyens adaptés en face. Or tel n'est pas le cas.

Le choix du Gouvernement de diminuer le nombre de contrats aidés entraîne des conséquences désastreuses, comme la réduction du nombre d'auxiliaires de vie scolaire, ou AVS. Ces AVS sont pourtant essentiels pour les enfants en situation de handicap, singulièrement pour les enfants autistes. Ils leur permettent en effet de faire de grands progrès intellectuels et relationnels et connaissent, par leur formation, leurs besoins spécifiques.

Madame la secrétaire d'État, les budgets alloués aux ARS, ainsi que le nombre de places adaptées à ces enfants, sont insuffisants et mettent les parents dans des situations de grande détresse. Au-delà, cette situation constitue une discrimination inacceptable en rompant avec le principe d'égalité scolaire.

De nombreuses études démontrent que les troubles du spectre autistique constituent la maladie dont la prévalence a le plus progressé en trente ans. En France, une personne sur cent est atteinte de trouble du spectre autistique, soit deux fois plus qu'aux États-Unis, et 60 % des enfants autistes ne sont pas scolarisés.

Élus et associations ne cessent de dénoncer cette situation. Aussi, je vous demande, madame la secrétaire d'État, quelle réponse concrète vous entendez apporter dans l'urgence à ces familles en désarroi.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice Perol-Dumont, la politique d'inclusion des personnes handicapées portée par le Gouvernement dans son ensemble entend ne laisser personne de côté. Les solutions doivent être bien sûr individualisées, adaptées à chacun, en fonction de ses besoins spécifiques. C'est dans ce cadre qu'agissent aujourd'hui les différents acteurs de l'accompagnement, avec le dispositif « Réponse accompagnée pour tous », qui se déploie massivement sur le territoire. Il n'y a ni autisme lourd ni autisme léger. Il faut accompagner tous les enfants et tous les adultes, quel que soit leur besoin d'accompagnement.

La Stratégie nationale pour l'autisme au sein des troubles du neurodéveloppement 2018-2022, adoptée par le Gouvernement en avril dernier, bénéficie de 344 millions d'euros de mesures nouvelles, auxquels s'ajoutent 53 millions d'euros en provenance du troisième plan Autisme. Ces crédits serviront notamment à la création de nouvelles solutions d'accompagnement adaptées à l'enfant ou à l'adulte, afin d'éviter les situations de rupture et les parcours du combattant que vous dénoncez et que je connais parfaitement.

Je connais les difficultés des familles. Il s'agit de ne plus les ignorer et de veiller étroitement, avec les services, à trouver des réponses adaptées à ces situations individuelles.

Ainsi, l'instruction diffusée aux ARS en mai 2017 impulsant l'évolution de l'offre sociale et médico-sociale pour personnes handicapées préserve le développement quantitatif de l'offre : 50 % des crédits y sont affectés, en priorité dans les zones en tension, là où il y avait un important retard de développement, pour faire face à des situations sans réponse et pour les handicaps les plus mal couverts et mal accompagnés.

Pour la préparation des seconds projets régionaux de santé, j'ai également demandé aux ARS de veiller au développement de réponses mieux adaptées, notamment en réduisant de 20 % par an le nombre de personnes adultes accueillies en établissements pour enfants - possibilité ouverte par le fameux « amendement Creton » -, cette solution étant totalement inadaptée et irrespectueuse des besoins de prise en charge des adultes.

Notre politique publique doit désormais viser à transformer l'offre afin de renforcer les liens entre les différents dispositifs médico-sociaux et sanitaires. Il s'agit de garantir la cohérence et la complémentarité des accompagnements en apportant un appui aux familles et aux aidants. Enfin, notre politique doit également renforcer les liens avec le milieu ordinaire : soins, scolarisation, logement, emploi, accès à la culture et aux loisirs.

Nous sommes tous mobilisés de façon interministérielle pour apporter la réponse la mieux adaptée.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, pour répondre à Mme la secrétaire d'État.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Merci, madame la ministre. Je prends acte de votre réponse.

J'entends bien les annonces que vous faites. Toutefois, elles ne se traduisent pas sur le terrain aujourd'hui. Dans nos permanences, nous recevons régulièrement de jeunes couples en désarroi absolu. Quand on leur dit qu'on va mettre leur enfant dans un établissement ordinaire - c'est le mantra -, faute de place en établissement spécialisé, ils se disent : « Pourquoi pas ? » Le problème est que les moyens adaptés ne sont pas assurés. En outre, certains cas d'autisme ne relèvent pas du milieu ordinaire.

Madame la secrétaire d'État, il faut tenir les deux bouts de la chaîne, et il y a urgence. Je vous remercie de votre engagement dans ce domaine.

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