Question de M. SUEUR Jean-Pierre (Loiret - SOCR) publiée le 28/06/2018

M. Jean-Pierre Sueur appelle l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les modalités de réparation du préjudice subi par les victimes du Distilbène (DES). La prise de ce médicament, qui a été prescrit à des femmes au cours de leur grossesse entre 1948 et 1977, et dont la toxicité est aujourd'hui avérée, a eu des conséquences délétères sur la santé de trois générations : elles-mêmes (« mères DES »), leurs enfants (« fils et filles DES ») et leurs petits-enfants (« petits-enfants DES »). Il lui rappelle qu'elle a considéré, dans une réponse à une question écrite n° 1037 publiée le 31 mai 2018 (Journal officiel des questions du Sénat, p. 2 711), que le dispositif mis en place dans le cadre du dépistage organisé du cancer du col de l'utérus, comprenant la prise en charge intégrale de l'analyse du frottis par l'assurance maladie tous les trois ans, constituait une réponse adaptée aux risques auxquels sont exposées les « filles DES ». Or, cette réponse méconnaît tout de la nécessité du suivi spécifique de ces victimes, dont le risque de développer un cancer ACC du col utérin et du vagin est démultiplié. Les « filles DES » ont par ailleurs un risque accru de dysplasie du col et du vagin. C'est pourquoi une consultation médicale annuelle et adaptée constitue la condition indispensable d'une prévention pertinente pour elles. Il faut d'ailleurs observer que l'institut national du cancer (INCa) a précisé que les femmes sous traitement immunosuppresseur pendant de longues durées, les femmes porteuses du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) et les femmes exposées in utero au DES (« filles DES ») présentaient un risque majoré de cancer du col de l'utérus et nécessitaient un suivi spécialisé. Or, contrairement aux deux autres catégories de femmes, les « filles DES » ne bénéficient d'aucun statut particulier. De ce fait, elles ne sont pas incitées à effectuer un dépistage suffisamment régulier eu égard à leur vulnérabilité spécifique. Cela peut constituer un risque majeur pour leur état de santé. Il lui demande en conséquence quelles dispositions elle compte prendre afin d'octroyer un statut spécifique à ces femmes, victimes du DES, et de les faire bénéficier d'une prise en charge à 100 % par le régime général d'assurance maladie d'une consultation gynécologique annuelle, adaptée à leur situation et comprenant la réalisation d'un frottis spécifique.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du Premier ministre, chargé des personnes handicapées publiée le 01/08/2018

Réponse apportée en séance publique le 31/07/2018

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la secrétaire d'État, si je pose cette question orale, qui concerne la santé de milliers de femmes dans notre pays, c'est parce que j'ai posé une question écrite, comme d'ailleurs plusieurs de mes collègues, à laquelle je n'ai pas obtenu de réponse satisfaisante. Ces femmes espèrent donc aujourd'hui, comme nous, obtenir une réponse à la hauteur de leurs attentes.

Je parle des femmes victimes du Distilbène, le DES. Vous savez que la prise de ce médicament, qui a été prescrit à des femmes au cours de leur grossesse entre 1948 et 1977, et dont la toxicité est aujourd'hui avérée, a eu des conséquences délétères sur la santé de trois générations : elles-mêmes, leurs enfants et leurs petits-enfants.

Je rappelle que, dans la réponse à la question écrite que j'ai citée, Mme la ministre des solidarités et de la santé a indiqué que le dispositif mis en place dans le cadre du dépistage organisé du cancer du col de l'utérus, comprenant la prise en charge intégrale de l'analyse du frottis par l'assurance maladie tous les trois ans, constituait une réponse adaptée aux risques auxquels sont exposées les « filles DES », victimes à leur tour du Distilbène.

Or cette réponse ne convient pas, car elle méconnaît la nécessité du suivi spécifique de ces victimes, dont le risque de développer un cancer ACC du col utérin et du vagin est démultiplié. Les « filles DES » sont par ailleurs exposées à un risque accru de dysplasie du col et du vagin. C'est pourquoi une consultation médicale annuelle et adaptée constitue la condition indispensable d'une prévention pertinente pour elles.

J'observe d'ailleurs que l'Institut national du cancer a précisé que les femmes sous traitement immunosuppresseur de longue durée, les femmes porteuses du virus de l'immunodéficience humaine et les femmes exposées in utero au Distilbène présentaient un risque majoré de cancer du col de l'utérus et exigeaient un suivi spécialisé.

Or, contrairement aux deux autres catégories de femmes que je viens de citer, les victimes du Distilbène ne bénéficient d'aucun statut particulier. De ce fait, elles ne sont pas incitées à effectuer un dépistage suffisamment régulier, eu égard à leur vulnérabilité spécifique. Cela peut constituer un risque majeur pour leur santé.

C'est pourquoi je vous demande, madame la secrétaire d'État, quelles dispositions vous comptez prendre afin d'octroyer un statut spécifique aux femmes victimes du Distilbène et de les faire bénéficier...

Mme la présidente. Veuillez conclure.

M. Jean-Pierre Sueur. J'ai presque fini, madame la présidente, mais vous reconnaîtrez que le sujet est important.

Quelles dispositions comptez-vous prendre afin de permettre à ces femmes de bénéficier d'une prise en charge à 100 % par le régime général d'assurance maladie d'une consultation gynécologique annuelle adaptée à leur situation et comprenant la réalisation d'un frottis spécifique ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur Sueur, chacun connaît ici votre investissement sur ce sujet depuis de nombreuses années, et je vous remercie de votre question, à laquelle je vais répondre au nom de Mme Buzyn.

Comme vous le savez, le Distilbène est un œstrogène de synthèse qui a été prescrit à partir des années 1940, vous l'avez rappelé, pour réduire le risque de fausse couche, et qui a été interdit en 1980, à la suite de diverses alertes sanitaires sur la nocivité du produit.

Les femmes qui y ont été exposées in utero sont confrontées à des anomalies du col de l'utérus et des trompes pouvant entraîner une stérilité ou des accidents de grossesse.

Ainsi, depuis 2006, les femmes souffrant d'une grossesse pathologique liée à l'exposition in utero au DES peuvent bénéficier d'un congé de maternité spécifique. Elles peuvent se voir attribuer le versement d'indemnités journalières maternité dès le premier jour de l'arrêt de travail et jusqu'au début du congé prénatal légal. Une telle prise en charge permet aujourd'hui de compenser la nécessité pour ces femmes de cesser le travail bien avant le début du congé prénatal.

Ces femmes présentent également, et vous l'avez indiqué, un risque accru de développer certains cancers féminins. Le risque majoré de cancer du col de l'utérus a conduit l'Institut national du cancer à recommander un suivi particulier, avec la réalisation d'un frottis annuel.

Le dépistage organisé du cancer du col de l'utérus prévoit la prise en charge à 100 % d'un frottis pour les femmes n'en ayant pas réalisé lors des trois dernières années. L'arrêté qui définit le périmètre du dépistage précise bien que la deuxième génération des femmes exposées au Distilbène est incluse dans la population cible. Il est donc essentiel d'intégrer celles qui ne réalisent pas de frottis ou pas suffisamment régulièrement.

Pour les assurées qui réalisent un frottis annuel, le frottis et la consultation, sans dépassements d'honoraires, sont intégralement pris en charge par l'assurance obligatoire et complémentaire dans le cadre des contrats responsables, lesquels représentent 95 % des contrats du marché.

Les frais de suivi des personnes ayant des difficultés financières peuvent être pris en charge par l'action sociale des caisses, lesquelles pourraient être sensibilisées à ce sujet.

Enfin, le site de l'assurance maladie - ameli.fr - fournit les informations sur les examens nécessaires au suivi de ces femmes et les renseignements utiles sur l'allongement de la période de versement de l'indemnité journalière maternité. À court terme, l'information sur la réalisation du frottis annuel pourrait y être développée, sur la base de recommandations médicales établies.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour répondre à Mme la secrétaire d'État.

M. Jean-Pierre Sueur. Permettez-moi de revenir sur deux points.

En premier lieu, je sais très bien que les femmes victimes du Distilbène bénéficient de modalités spécifiques pour leur congé de maternité, puisque c'est un amendement que j'ai défendu ici de haute lutte qui a permis de les obtenir. Qu'il me soit d'ailleurs permis de préciser que, entre le moment où la loi contenant cet amendement a été adoptée et le moment où les deux décrets d'application ont été publiés, il s'est passé quatre ans, six mois et quelques jours, ce qui est un sujet de réflexion...

En second lieu, j'ai bien pris note de vos explications, madame la secrétaire d'État. Il me semble qu'elles constituent un complément aux réponses aux questions écrites. Je vais en faire part à l'ensemble des personnes concernées, notamment à l'association qui regroupe les victimes du Distilbène et à sa présidente, Mme Anne Levadou.

J'espère que nous allons vers la prise en charge intégrale d'une consultation gynécologique annuelle pour ces femmes. Il me semble que c'est la volonté et l'objectif que vous avez exprimés, et je vous en remercie.

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