Question de Mme GRELET-CERTENAIS Nadine (Sarthe - SOCR) publiée le 22/06/2018

Question posée en séance publique le 21/06/2018

Mme Nadine Grelet-Certenais. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

À l'heure où le Président de la République s'insurge contre le « pognon de dingue » versé à nos concitoyens les plus modestes et en appelle à « la responsabilisation des pauvres », je souhaiterais vous interroger sur ce sujet, car il est grave et mérite mieux que des formules aussi scandaleuses que dangereuses pour notre contrat social.

Cette musique droitière, nous la connaissons. Vous cherchez à démontrer que les minima sociaux ne « fonctionnent pas » en vue de préparer les coupes budgétaires à venir, évaluées à 7 milliards d'euros par Bercy : c'est le montant des cadeaux fiscaux aux plus fortunés.

D'autres acteurs, plus responsables, en prise avec les réalités de notre pays, imaginent les solidarités de demain. Je pense notamment aux treize départements socialistes qui ont mis sur pied un projet d'expérimentation d'un revenu de base. Leur proposition est simple : offrir aux citoyens vivant sous le seuil de pauvreté une allocation qui fusionnerait le RSA, la prime d'activité et potentiellement les aides au logement.

Ce projet présente l'avantage de traiter la question majeure du non-recours aux aides sociales, de simplifier le système de prestations et de lutter efficacement contre la précarité. Bien sûr, ce programme d'éradication de la grande pauvreté ne pourra se faire sans argent public pour être expérimenté à grande échelle.

Madame la ministre, êtes-vous prête à soutenir cette initiative originale lors de l'examen des projets de loi de finances ? Vous semblez déjà évoluer vers un renforcement de l'expérimentation « territoires zéro chômeur » lancée sous le précédent quinquennat. En sera-t-il de même pour cette nouvelle expérimentation ambitieuse ? Avez-vous pris la mesure de « l'urgence à agir » en matière de lutte contre la pauvreté ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur quelques travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

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Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée le 22/06/2018

Réponse apportée en séance publique le 21/06/2018

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Nadine Grelet-Certenais, nous avons suivi très attentivement les débats relatifs au revenu de base et au projet d'expérimentation porté par ces treize départements. Effectivement, ce projet pose des problèmes que nous avons remarqués, qui correspondent aux priorités de la stratégie « pauvreté » sur laquelle nous travaillons.

Il s'agit d'abord de lutter contre le non-recours – je rappelle que cela représente 30 % pour le RSA – et de porter une attention particulière à la pauvreté des jeunes.

Cependant, ces expérimentations ne posent pas les bonnes questions. Leur objectif notamment nous interroge : voulons-nous attribuer à chaque personne en situation de pauvreté une allocation monétaire pour solde de tout compte ?

Le projet du Gouvernement est totalement différent : il est global pour mieux prendre en compte la situation réelle des personnes. Nous voulons travailler sur la question des freins périphériques au retour vers l'emploi et renforcer le rôle incitatif des prestations.

Aujourd'hui, nous le savons, nos aides sociales sont inéquitables, différentes selon le statut et selon l'âge, illisibles – c'est un maquis, aucun d'entre nous, aujourd'hui, ne sait les citer –, insuffisamment tournées vers l'accompagnement.

Notre souci, c'est de prévenir la pauvreté à toutes les étapes de la vie, de l'enseignement primaire – c'est ce que fait Jean-Michel Blanquer avec le dédoublement des classes de CP, le plan Mercredi, le plan Devoirs faits – jusqu'à l'insertion sur le marché du travail, à laquelle Muriel Pénicaud travaille avec la réforme de la formation professionnelle. La première arme de lutte contre la pauvreté, c'est l'accès à un diplôme, à une qualification.

Nous voulons mettre un terme au déterminisme social, aux situations qui enferment les personnes dans l'inactivité ou la sous-activité. Nous ne voulons plus nous contenter d'une politique d'insertion qui ne permet qu'à 10 % des allocataires du RSA de retrouver une activité chaque année.

Notre projet, c'est bien l'efficacité et l'investissement humain, dans lequel nous misons toutes les forces de la Nation. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – MM. Emmanuel Capus et Dominique Théophile applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Nadine Grelet-Certenais, pour la réplique.

Mme Nadine Grelet-Certenais. Madame la ministre, sans les transferts sociaux et fiscaux, notre pays compterait 5 millions de pauvres supplémentaires. La redistribution est au cœur de notre fraternité et fait la force de notre modèle social.

Après un an d'exercice du pouvoir, le résultat de votre politique s'avère foncièrement injuste.

Vous parlez d'émancipation sociale, mais, en catimini, vous baissez une nouvelle fois les APL pour les plus pauvres. Vous vantez les modèles allemand et britannique alors que leur taux de pauvreté est bien supérieur au nôtre.

Le revenu de base est un bon outil pour lutter contre l'exclusion sociale, saisissez-le ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur quelques travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

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