Question de Mme PROCACCIA Catherine (Val-de-Marne - Les Républicains) publiée le 14/06/2018

Mme Catherine Procaccia interroge M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur la situation de la commune de Périgny-sur-Yerres. Depuis le 16 octobre 2017, un camp de Roms a illégalement élu domicile sur un terrain privé de la petite commune de Périgny-sur-Yerres dans le Val-de-Marne, occasionnant, depuis cette date, des désagréments et des dommages de toute sorte qui ont rendu la vie des riverains insupportable. Le nombre de familles avait décuplé et leurs activités bruyantes se sont développées de jour comme de nuit.
Alors que l'arrêté de péril avait été confirmé par le tribunal administratif de Melun le 7 novembre 2017, le préfet a choisi d'attendre puis d'appliquer la décision du tribunal de grande instance de Créteil qui a repoussé au 11 juin 2018 l'évacuation du site malgré le risque sanitaire réel.
Les élus et les riverains n'ayant reçu aucune information confirmant la date de démantèlement des baraquements, elle a interpellé par courrier le préfet. Après un long délai, il lui a répondu qu'il faisait procéder à « un recensement des occupants » afin que ceux dont la situation le permettait puissent « faire l'objet d'un accompagnement dans leur démarche d'insertion ».
Le département du Val-de-Marne a déjà connu le démantèlement de nombreux camps à Rungis, Limeil-Brévannes, Choisy-le-Roi, Vitry-sur-Seine ou Bonneuil-sur-Marne. Hélas d'autres réapparaîtront sans doute, c'est la raison pour laquelle elle voudrait savoir si la mise en œuvre par le préfet d'un plan d'insertion - complexe et lourd - est une raison pour retarder l'application d'une décision de justice.
Elle aimerait aussi connaître les critères sur lesquels s'appuient les préfets pour décider ou non d'une expulsion d'un campement (Roms ou gens du voyage) et quel est le poids réel des maires par rapport à l'avis des organisations non gouvernementales qui y sont en général opposées.

- page 2907


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 25/07/2018

Réponse apportée en séance publique le 24/07/2018

Mme Catherine Procaccia. Madame la ministre, chers collègues, le 16 octobre 2017, des Roms ont illégalement élu domicile sur un terrain privé de la petite commune de Périgny-sur-Yerres, dans notre département du Val-de-Marne. Ce camp a causé des désagréments et des dommages de toute sorte, qui ont rendu la vie des riverains impossible.

Depuis cette date, le nombre de familles vivant en son sein a décuplé, et leurs activités bruyantes se sont développées de jour comme de nuit.

Alors que l'arrêté de péril pris par le maire de la commune avait été confirmé par le tribunal administratif de Melun le 7 novembre 2017, le préfet a choisi d'attendre, puis d'appliquer la décision du tribunal de grande instance de Créteil, qui a repoussé l'évacuation du site le 11 juin 2018 malgré un risque sanitaire réel.

Les élus et les riverains n'ayant reçu aucune information confirmant la date du démantèlement des baraquements, j'ai alerté le préfet par courrier. Après un très long délai, celui-ci m'a répondu qu'il faisait procéder à « un recensement des occupants », afin que ceux dont la situation le permettait puissent être accompagnés dans leurs démarches d'insertion.

Notre département a déjà connu de nombreux camps de Roms, que ce soit à Rungis, à Limeil-Brévannes, à Choisy-le-Roi, à Vitry ou à Bonneuil. Ils ont été démantelés, mais, on le sait bien, d'autres apparaîtront.

La mise en œuvre, par le préfet, du plan d'insertion évoqué, dispositif complexe et lourd, suffit-elle à retarder l'application d'une décision de justice ?

En outre, je souhaite connaître les critères sur lesquels s'appuient les préfets pour décider ou non de démanteler un campement, qu'il s'agisse de Roms ou de gens du voyage.

Enfin, quel est le poids réel des maires face aux organisations non gouvernementales, ou ONG, lesquelles sont en général opposées à de tels démantèlements ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Madame Procaccia, vous avez rappelé les faits dont il s'agit : un camp illicite est installé à Périgny-sur-Yerres depuis la fin de l'année dernière ; le maire de la commune a pris un arrêté de péril le 24 octobre 2017 ; puis, par lettre en date du 23 novembre suivant, il a demandé au préfet du Val-de-Marne de mettre en œuvre cet arrêté.

Compte tenu, d'une part, de l'impossibilité de reloger les occupants exposés aux contraintes de l'hiver, et, d'autre part, de la proximité des fêtes de fin d'année, les services de l'État n'ont pas déféré immédiatement à cette demande. Ils souhaitaient identifier au préalable des solutions d'hébergement pour les publics les plus vulnérables.

Toutefois, par une ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Créteil en date du 30 novembre 2017, prise à la suite d'une procédure concomitante engagée par le propriétaire du terrain, le juge a assorti l'expulsion des occupants d'un délai de cinq mois à compter de sa signification.

Compte tenu du délai ainsi octroyé et de la nécessité de procéder à un diagnostic social, conformément aux principes directeurs fixés par la circulaire interministérielle du 26 août 2012 relative à l'anticipation et à l'accompagnement des opérations d'évacuation des campements illicites et de l'instruction du 25 janvier 2018 relative à la résorption des campements illicites et des bidonvilles, ce travail a été prescrit. Il a permis d'identifier un certain nombre de démarches d'insertion en cours ainsi que la présence sur site d'enfants scolarisés.

D'après les informations dont je dispose, ces éléments vous ont été exposés dans un courrier en date du 23 mai 2018. Ils ont également été communiqués au maire de la commune de Périgny-sur-Yerres, dans un courrier du mois de mai dernier.

L'évacuation du campement de Périgny-sur-Yerres peut désormais être envisagée. Je puis même vous dire qu'elle est imminente.

Bien sûr, je comprends tout à fait l'impatience qui se fait jour ; la décision prise par le maire est déjà ancienne. Toutefois, il faut tenir compte du droit en vigueur, notamment de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, la CEDH.

Au titre de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la CEDH veille à ce que les expulsions de campement n'exposent pas des publics vulnérables à des traitements inhumains et dégradants. En outre, sur le fondement de l'article 39 de son règlement, elle n'hésite pas à suspendre l'exécution d'opérations d'expulsion, en les subordonnant à la justification d'un diagnostic de vulnérabilité.

Le préfet a bien entendu respecté toutes ces étapes. Des opérations d'évacuation de campements sont régulièrement organisées dans le département, sur le fondement d'une décision de justice ou d'une décision de l'autorité de police, lorsque l'urgence est caractérisée. Bien entendu, ce travail est mené en lien avec les maires des communes concernées.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour répondre à Mme la ministre.

Mme Catherine Procaccia. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. J'observe néanmoins que l'urgence de l'évacuation avait été caractérisée par une décision du tribunal administratif.

Vous indiquez que la préfecture souhaitait attendre la fin de l'hiver. Mais, à moins d'un changement imputable au « nouveau monde », l'hiver s'achève en mars, et non en juillet… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Un fait me paraît particulièrement regrettable : le maire n'a bénéficié que d'une information lacunaire et, pour ma part, je n'ai reçu qu'une réponse très tardive. Que ce soit dans cette lettre ou oralement, le préfet a bien indiqué qu'il attendait la fin de l'année scolaire, mais voici plus de quinze jours que celle-ci est terminée.

Ainsi, vous pouvez comprendre notre mécontentement. À entendre le maire de la commune, les ONG ont beaucoup plus de poids qu'un tribunal administratif ou que les élus… (Mme la ministre manifeste sa circonspection.) À l'heure où les maires sont de plus en plus fragilisés, de tels réflexes ne vont pas dans le sens de la démocratie.

Le département du Val-de-Marne connaît très régulièrement l'implantation de tels camps : j'espère que, à l'avenir, le préfet n'emploiera pas de nouveau ces divers arguments pour remettre en cause les décisions prises. Il dispose d'un pouvoir, il représente le Gouvernement, mais la propriété privée existe, et le droit des collectivités territoriales également !

- page 11470

Page mise à jour le