Question de M. PELLEVAT Cyril (Haute-Savoie - Les Républicains) publiée le 14/06/2018

M. Cyril Pellevat attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la situation d'Air France. La compagnie aérienne connaît un mouvement de grève d'une grande ampleur depuis le début de l'année 2018. Depuis le mois de février 2018, 15 jours de grève sont déjà survenus et d'autres mouvements de grève sont à prévoir, notamment au cours de l'été, compromettant à la fois les déplacements des clients d'Air France et la situation financière de la compagnie.

Les grévistes réclament une augmentation générale des salaires de 6 % qui correspondrait, selon eux, à un rattrapage de l'inflation. L'écart toujours plus accentué entre l'augmentation des salaires d'Air France et l'augmentation des salaires des compagnies aériennes étrangères alimente aussi cette réclamation. Les grévistes souhaitent désormais corriger ce retard accumulé en matière de salaires.

Or, la direction d'Air France rejette cette revendication telle qu'elle est demandée. Depuis plusieurs années, Air France se serait mobilisée afin de réduire les coûts, d'assurer des marges de manœuvre et de réduire les pertes. La hausse de 6 % des salaires demandée par l'intersyndicale représenterait un coût trop élevé pour l'entreprise, ce qui, selon elle, viendrait annuler les efforts réalisés sur la rentabilité de la compagnie.

Dans ce contexte de conflit social, la direction a soumis à referendum un projet d'accord salarial le 4 mai 2018. Avec un taux de participation de 80 %, les salariés ont rejeté la proposition à 55,44 %, entraînant la démission du PDG d'Air France-KLM qui s'y était engagé si la consultation lui donnait tort. Depuis le 15 mai 2018, une gouvernance de transition a été mise en place en attendant l'aboutissement du processus de succession à la tête de l'entreprise.

Aussi, il lui demande de bien vouloir lui indiquer quelle est l'ampleur du risque que le coût croissant de la grève compromette la potentialité d'une hausse des salaires, quelles mesures sont envisageables pour sortir de cette crise et quelles mesures adopter face au risque de perte de confiance dans la compagnie de la part des vacanciers cet été.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics publiée le 25/07/2018

Réponse apportée en séance publique le 24/07/2018

M. Cyril Pellevat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chargé d'une mission sur l'aménagement aéroportuaire du territoire, je me suis intéressé de près à la situation de la compagnie aérienne Air France- KLM, qui connaît une crise d'une grande ampleur.

Le 4 mai dernier, dans un contexte de conflit social, le P-DG d'Air France-KLM, Jean-Marc Janaillac, a démissionné, à la suite de l'échec du référendum qu'il avait lui-même engagé. La difficulté est grande pour les actionnaires de trouver un P-DG pour une entreprise complexe, au dialogue social difficile.

Monsieur le secrétaire d'État, j'aborderai trois points.

Tout d'abord, je m'interroge sur l'utilité de la présence de l'État au capital du groupe privatisé Air France-KLM, car les syndicats disposent ainsi d'une arme importante. L'État a-t-il une stratégie de désengagement, et si oui, à quel terme ?

Je voudrais ensuite porter votre attention sur le problème de gouvernance d'Air France. Certes, les médias ne le relaient pas l'information, mais Air France subit actuellement une grève des bagagistes, ainsi qu'une grève de la maintenance. Entre le 15 juin et le 15 juillet dernier, quelque 84 vols ont été annulés pour cause technique et 55 vols pour manque d'équipage.

Le problème de gouvernance et de management ne se situe pas seulement au niveau de la direction. Toute l'entreprise est concernée et souffre d'un manque d'anticipation des formations et des départs en retraite, alors même que le personnel de l'entreprise est vieillissant.

La hausse de 6 % des salaires demandée par l'intersyndicale représente un coût trop élevé pour l'entreprise. Il y a un véritable malaise social chez Air France.

Monsieur le secrétaire d'État, quelle est la vision de l'État actionnaire concernant la gouvernance de cette société ? Le Gouvernement a-t-il un avis ? Ne faut-il pas aller plus loin dans la refonte de la gouvernance ?

J'aborderai enfin le défaut de stratégie globale. Air France va devoir faire face dans les prochaines années à un renouvellement de sa flotte. Beaucoup d'avions ont plus de vingt ans. Il faut investir vite, mais il s'agit d'un investissement de 1,5 à 2 milliards d'euros.

Comment la compagnie va-t-elle financer le renouvellement de sa flotte ? Monsieur le secrétaire d'État, quelle est la stratégie de développement d'Air France ? Si nous prenons l'exemple de Joon, produit hybride dont la visibilité et l'identification sont très difficiles, il est compliqué de comprendre la stratégie mise en place.

Permettez-moi pour terminer de vous poser une question d'actualité. Alors que sont en cours les assises du transport aérien censées donner à la France les moyens de combattre la concurrence déloyale efficacement, la direction générale de l'aviation civile, la DGAC, vient de faire un cadeau à la compagnie Emirates Airlines, qui va pouvoir augmenter la fréquence de ses vols entre Dubaï et la France. Comment justifiez-vous cette décision ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics. Monsieur Pellevat, vous avez posé de nombreuses questions. Je répondrai en vous indiquant quelles sont les priorités du Gouvernement dans la période à venir, mais je précise d'emblée que je ne dispose pas des éléments pour répondre à votre dernière question concernant les décisions récentes de la DGAC – je me les procurerai et vous les transmettrai.

Les résultats du groupe Air France pour 2018 vont malheureusement être lourdement affectés par les grèves du printemps dernier, puisque la compagnie estime que le coût de ces grèves s'élève à au moins 300 millions d'euros. Cette situation est d'autant plus préoccupante que, malgré la hausse du trafic annoncé par la compagnie pour le mois de juin dernier, en augmentation de 3,7 %, ce manque à gagner dégrade sa situation.

Il est donc indispensable que le groupe Air France-KLM déploie une stratégie offensive de développement, l'un des leviers étant la compétitivité par rapport à ses grands concurrents, notamment européens. La priorité est donc que le groupe se dote à nouveau d'un dirigeant apte à définir la stratégie d'entreprise face aux défis de compétitivité et de développement auxquels le groupe doit faire face, notamment pour sa filiale Air France.

L'objectif immédiat de l'État, en qualité de premier actionnaire d'Air France-KLM, est que le conseil d'administration de l'entreprise choisisse rapidement un nouveau dirigeant, en accord avec les grands actionnaires présents au conseil d'administration, pour conduire le redressement de l'entreprise, qui fait face à une concurrence très forte sur différents marchés.

La nouvelle équipe dirigeante d'Air France-KLM aura bien sûr pour mission de motiver l'ensemble des collaborateurs autour de nouveaux axes de développement pour le groupe, ce qui répondra à la plupart de vos interrogations relatives au management et à la gouvernance de l'entreprise.

À ma connaissance, et à ce jour, le processus de recrutement n'est pas terminé, et le comité de nomination poursuit ses travaux. Nous souhaitons que le candidat qui sera proposé au conseil d'administration puisse disposer d'une solide expérience internationale, être un manager reconnu et porter une vision pour le groupe, qui fait face à des défis majeurs, de manière à l'aider à sortir de l'impasse dans laquelle il se trouve aujourd'hui.

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, pour répondre à M. le secrétaire d'État.

M. Cyril Pellevat. Je vous remercie de ces éléments de réponse, monsieur le secrétaire d'État. Vous l'avez dit, le coût des grèves est estimé à 300 millions d'euros, mais l'image de la compagnie est également ternie. Les voyageurs ont désormais pris l'habitude de voyager avec une autre compagnie ; d'après les échos que l'on peut entendre, je ne suis pas sûr qu'ils reviendront vers Air France.

Concernant ma dernière question, je comprends que vous ne disposiez pas de l'intégralité des informations et j'attends donc la réponse de la DGAC. Malgré le gel des droits de trafic accordés aux compagnies du Golfe, Emirates Airlines a obtenu le feu vert pour passer de vingt à vingt et un vols par semaine à Paris et de cinq à sept vols hebdomadaires à Lyon, soit une augmentation de sa capacité en sièges en France de 10 %.

J'ai peur que cette augmentation n'affecte fortement et à long terme Air France, mais aussi d'autres compagnies aériennes françaises.

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