Question de Mme HARRIBEY Laurence (Gironde - SOCR) publiée le 08/06/2018

Question posée en séance publique le 07/06/2018

Mme Laurence Harribey. La Commission européenne vient de proposer une baisse des budgets de la politique agricole commune, la PAC, après ceux de la politique de cohésion.

Dans un jeu de rôles absolument parfait, le Gouvernement s'y est opposé. Pourtant, voilà quelques jours, le commissaire Oettinger, auditionné au Sénat, soulignait un double jeu de la France.

Après avoir laissé entendre, au Conseil européen de février 2018, que la France pouvait être favorable à un redéploiement des fonds européens vers les nouvelles priorités, aujourd'hui on crie au loup et, en même temps – je dis bien « en même temps » –, on bloque les contributions nationales. Comment justifier cette évolution contradictoire ? Comment allez-vous réussir à mener de front la défense de politiques dites de solidarité – PAC, cohésion –, la mise en œuvre de nouvelles politiques – transition écologique, migrations –, elles aussi facteurs de solidarités nouvelles, tout en refusant de porter le budget communautaire au-delà de 1,13 % des PIB consolidés ?

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes publiée le 08/06/2018

Réponse apportée en séance publique le 07/06/2018

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Madame la sénatrice Harribey, vous l'avez dit, la proposition de budget présentée par la Commission n'est qu'un projet. Elle prend en compte les nouvelles priorités qui s'imposent pour le budget de l'Union européenne, en matière de sécurité, de défense ou de gestion des migrations. Nous soutenons cette partie du budget.

En revanche, la proposition relative à la PAC n'est pas acceptable. Stéphane Travert et moi-même l'avons dit dès le 2 mai aux commissaires européens, y compris à M. Oettinger, qui connaît parfaitement notre position, ainsi qu'à l'ensemble de nos partenaires. Les baisses drastiques de crédits qu'impliquerait la mise en œuvre de cette proposition auraient une incidence directe sur la viabilité de nombreuses exploitations agricoles.

Pour nous, il ne fait aucun doute que la politique agricole commune est au cœur des enjeux stratégiques de l'Union européenne : c'est un élément de notre souveraineté, de notre sécurité alimentaire, ainsi que de notre compétitivité. La PAC permet d'aider l'agriculture à relever le défi de l'environnement et du changement climatique.

Que le commissaire Oettinger ait pu semer le doute jusque sur les bancs de la représentation nationale, je ne peux que le regretter. Au demeurant, ce ne sont pas les seuls propos récents du commissaire Oettinger que j'aie eu à déplorer.

M. Alain Richard. Absolument !

Mme Nathalie Loiseau, ministre. Il a en effet mélangé notre position sur la PAC, qui ne saurait être plus claire, et notre demande de constitution, au titre du budget de 2018 et pour toutes les politiques, d'une réserve de précaution pour faire face aux crises. Cela relève, tout simplement, d'une bonne gestion budgétaire.

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Nathalie Loiseau, ministre. Nous avons dit que nous étions favorables à une progression du budget, à condition de procéder à des modernisations. Moderniser la PAC, oui ; la sacrifier, non ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour la réplique.

Mme Laurence Harribey. Permettez-moi une autre analyse, madame la ministre.

C'est sans doute l'ambiguïté de la position française en début d'année qui a encouragé la Commission européenne à oser proposer un début de démantèlement de la PAC. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

C'est aussi, de façon plus collective, le résultat d'un manque de vision et de choix quant à la nécessaire réécriture du projet européen pour répondre aux nouveaux enjeux, définir un nouveau modèle agricole et alimentaire et résorber les fractures territoriales.

Cela suppose un renouvellement en profondeur et partagé, qui ne peut se résumer à des effets de com' ou à une tarentelle qui va et qui vient.

À propos de tarentelle, avant l'improbable coalition populiste en Italie, il y a eu un gouvernement Renzi qui avait beaucoup de points communs avec le nôtre. Prenons garde collectivement de ne pas donner prise à cette évolution en France, à un an des élections européennes. Cela suppose une relation adulte entre les acteurs de la vie démocratique et une position française clairement énoncée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

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