Question de M. WATRIN Dominique (Pas-de-Calais - CRCE) publiée le 08/06/2018

Question posée en séance publique le 07/06/2018

M. Dominique Watrin. Ma question porte sur l'abaissement de 100 % à 10 % du pourcentage de logements accessibles aux personnes handicapées dans la construction neuve, disposition du projet de loi ÉLAN récemment adoptée à l'Assemblée nationale.

Il y avait déjà beaucoup trop de dérogations, mais, avec cette mesure, les 800 000 personnes en situation de handicap, sans compter les enfants ni les personnes vieillissantes en perte d'autonomie, ne pourront plus accéder qu'à quelques milliers de logements neufs chaque année.

Ce texte remet en cause le principe de l'accessibilité universelle : « une grave régression sociale », « un recul gigantesque », selon les associations.

En réalité, vous cédez au lobby des promoteurs immobiliers, qui réclamaient cette mesure, en faisant d'ailleurs porter indignement le chapeau de la réduction des pièces à vivre à l'accessibilité ! C'est une contre-vérité au regard d'une tendance beaucoup plus lourde à la réduction de la superficie globale des logements, de l'ordre de 10 % à 15 % en quinze ans.

Votre dispositif fait primer le marché sur la solidarité, la rentabilité sur les droits fondamentaux de nos concitoyens. Allez-vous le retirer ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement publiée le 08/06/2018

Réponse apportée en séance publique le 07/06/2018

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Je voudrais tout d'abord excuser M. le Premier ministre, en déplacement pour trois jours à Toulouse.

Je partage votre exigence, monsieur Watrin : il faut accompagner au mieux, chaque fois que c'est nécessaire, les personnes en situation de handicap. Beaucoup ici ont eu un parcours d'élu local, et nous savons tous l'importance de cette question pour l'aménagement de nos villes et l'urgence de faire en sorte que l'accessibilité soit une règle.

Il ne s'agit pas, avec le projet de loi ÉLAN actuellement débattu à l'Assemblée nationale et que vous examinerez prochainement, mesdames, messieurs les sénateurs, de revenir sur ce principe d'accessibilité. Nous passons simplement du 100 % adapté au 100 % adaptable. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

Cela signifie faire en sorte de lever les freins que de nombreux maires ont connus, les contraintes d'un aménagement global empêchant souvent une opération de se réaliser. (M. Alain Richard opine.) Au fond, le logement doit répondre aux besoins de chacun et l'accompagner tout au long de sa vie.

Cela n'empêchera nullement une personne à mobilité réduite de rendre visite à quelqu'un dans son appartement, car toutes les parties communes vont rester accessibles, de même que le séjour et les toilettes des logements.

Aujourd'hui, si vous vivez en couple avec des enfants, vous préférez sans doute avoir une chambre plus grande et une salle de bains plus petite. Mais peut-être que, dans vingt ans, vos exigences auront changé. Cette loi vous permettra de faire des aménagements rapides et à moindre coût, car ils auront été pensés bien en amont, dès la conception du logement.

Mme Éliane Assassi. Qui va payer ?

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État. Il est toutefois essentiel – le décret viendra préciser ce point – que cette adaptabilité soit définie en fonction des besoins, notamment en tenant compte des demandes des associations qui accompagnent le combat des personnes en situation de handicap.

Ce travail a commencé la semaine dernière, sous l'autorité de Mme Cluzel, de M. Mézard et de M. Denormandie, et c'est évidemment avec les représentants de ces associations que nous définirons les conditions de réalisation des 10 % aménagés et des 90 % aménageables. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour la réplique.

M. Dominique Watrin. J'entends votre réponse, monsieur le secrétaire d'État, mais je déplore votre entêtement. J'ai d'ailleurs déjà répondu à vos arguments.

Qui supportera les coûts liés au caractère « adaptable » de ces logements non accessibles ? On nous dit que, pour les logements sociaux, ce seront les bailleurs. Mais pour les autres logements, les personnes handicapées devront-elles financer elles-mêmes l'accessibilité ? Je vous rappelle que l'allocation aux adultes handicapés s'élève à 810 euros mensuels, ce qui conduit beaucoup d'allocataires à vivre sous le seuil de pauvreté.

En réalité, monsieur le secrétaire d'État, vous créez des citoyens de seconde zone, à rebours des promesses électorales de M. Macron. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

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