Question de M. GROSDIDIER François (Moselle - Les Républicains) publiée le 24/05/2018

M. François Grosdidier attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la responsabilité pénale des élus locaux.

Cette responsabilité pénale concerne des faits commis par les élus locaux dans l'exercice de leurs fonctions, que cette faute soit intentionnelle, ou non-intentionnelle. Ce sont bien les cas de faute non-intentionnelle – la négligence, l'imprudence ou le manquement – qui posent le plus de problèmes aux élus en raison de la judiciarisation progressive de l'accident.

La loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels, dite loi Fauchon, a tenté de réduire les cas dans lesquels cette faute pouvait être engagée et qui sont pourtant nombreux (incendies, effondrements d'équipements, accidents dus à un mauvais entretien de la chaussée, etc). Cette loi a ajouté un alinéa à l'article 121-3 du code pénal, qui stipule que les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage mais qui ont créée ou contribué à créer la situation qui a permis le dommage sans prendre les mesures permettant de l'éviter ne sont pénalement responsables que si elles ont violé sciemment une mesure de sécurité ou de prudence, ou commis une faute caractérisée. Le succès n'a pourtant pas été complet puisque cela n'a pas suffi à enrayer les condamnations personnelles de maires pour des fautes non-intentionnelles.

Il lui demande si le contentieux de la faute non-intentionnelle présente des spécificités liées au caractère purement électif et politique de l'accès au mandat ou bien à l'insuffisance des moyens dont les élus disposent, en fonction de la taille de leur collectivité, pour exercer à bien leur mandat et pour parer à des éventuelles mises en cause. Il apparaît en effet que le maire semble d'autant plus responsable devant la justice qu'il dispose de peu de moyens juridictionnels.

Il lui demande également si son ministère dispose de statistiques complètes sur le nombre de condamnations pénales des élus locaux afin de juger s'ils sont bien des justiciables comme les autres.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 05/07/2018

La responsabilité pénale en matière d'infraction non intentionnelle, régie par l'article 121-3 du code pénal, a évolué afin de limiter un accroissement des mises en cause, jugées excessives, de la responsabilité pénale des décideurs publics. La loi du 13 mai 1996 a porté un premier aménagement à l'article 121-3 en imposant aux juges une appréciation concrète de la faute non intentionnelle, en fonction des réels pouvoirs, compétences et moyens des responsables locaux mis en cause afin d'inciter les juridictions répressives à tenir plus largement compte des contingences propres à l'exercice des missions de service public. La vérification de l'accomplissement des « diligences normales » devait conduire à l'abandon des mises en jeu quasi-automatiques de la responsabilité pénale des maires et autres responsables locaux. La loi du 10 juillet 2000 dite loi Fauchon a ensuite modifié l'article 121-3 du code pénal pour assurer l'équilibre entre une pénalisation excessive des faits non intentionnels et une déresponsabilisation de leurs auteurs, qui porterait atteinte au droit des victimes et au principe d'égalité devant la loi, en procédant à une classification des fautes non-intentionnelles, qui distingue la faute simple et la faute qualifiée.Le législateur a introduit, au bénéfice des seules personnes physiques, une distinction selon que le comportement imputé au prévenu a causé directement ou indirectement le dommage pour restreindre le champ de la répression. Lorsque le lien de causalité entre le comportement fautif et le dommage est indirect, les juridictions doivent relever une faute qualifiée, soumise à des exigences supplémentaires : le prévenu n'est responsable pénalement que s'il a commis une faute d'une particulière gravité, alors qu'en cas de causalité directe, une faute simple suffit. La circulaire du Garde des Sceaux du 11 octobre 2000 (CRIM-00-9/F1-11.10.00) précise que « le législateur a ainsi entendu éviter que puissent être à l'avenir prononcées, pour des infractions involontaires, des condamnations paraissant injustifiées, ce qui, du fait de la législation alors applicable, a parfois été le cas dans le passé, spécialement lorsqu'elles concernaient des « décideurs publics », élus locaux ou fonctionnaires.Depuis cette réforme, il existe une gradation de la faute pénale d'imprudence. En cas de causalité indirecte, il faut d'abord constater que le prévenu a créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qu'il n'a pas pris les mesures permettant de l'éviter. La juridiction doit ensuite apprécier la faute en considération des circonstances matérielles dans lesquelles s'inscrit l'activité de l'agent et par rapport au comportement normal, prudent et diligent dans la sphère professionnelle considérée. Des dispositions spécifiques sont prévues pour les élus locaux aux articles L. 2123-34, L. 3123-28 et L. 4135-28 du code général des collectivités territoriales, qui imposent au juge répressif de prendre en compte leur situation particulière, le terme de « difficultés propres » étant expressément employé depuis la loi du 10 juillet 2000. Toutefois, il n'existe pas de données statistiques permettant d'évaluer la mise en œuvre de la responsabilité personnelle des élus locaux, dans la mesure où il n'est pas possible de distinguer, parmi les condamnations, celles visant un élu local.

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