Question de M. TOURENNE Jean-Louis (Ille-et-Vilaine - SOCR) publiée le 24/05/2018

M. Jean-Louis Tourenne attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur la situation des migrants afghans résidant actuellement en France, et menacés d'expulsion vers l'Afghanistan par application des procédures suivantes : obligations de quitter le territoire français (OQTF), renvois vers un autre pays de l'Union européenne dans le cadre de l'accord dit de Dublin III et retours « volontaires ».
La situation sécuritaire en Afghanistan est très préoccupante. En conséquence, il s'interroge sur l'application de ces procédures d'éloignement et sur leur légalité au regard du droit d'asile et du principe de non éloignement reconnus dans le préambule de 1946 et dans la convention de Genève de 1951 (art. 33 §1).
De plus, il souhaiterait connaître le nombre de procédures d'éloignement de migrants afghans auxquelles il a été procédé en 2017 et pour le premier trimestre 2018 pour les trois cas de figure susmentionnés (OQTF, Dublin III et retours volontaires).
Dans le cadre des retours volontaires vers l'Afghanistan, le programme d'action spécifique européen prévoit un partenariat avec l'« Afghanistan center for excellence » (ACE) dont l'objectif est le suivi et l'accompagnement des afghans. Dès lors, il souhaiterait connaître la situation et le devenir des migrants afghans concernés par cette procédure mais aussi la teneur des mesures mises en place par l'ACE.
Dans le cadre des mesures d'éloignement prévues par le règlement Dublin III, il s'interroge sur les renvois par ricochet vers l'Afghanistan que ce règlement permet. En permettant le renvoi d'un migrant vers le pays de l'Union européenne par lequel il est arrivé, le règlement Dublin III entraîne l'application du droit de ce pays pour l'appréciation, au fond, de la demande de droit d'asile déposée par ce dernier. Dans cette hypothèse, la protection juridique peut s'avérer plus faible que celle dont il aurait pu bénéficier en France. Dès lors, il lui demande si les principes constitutionnels et internationaux français ne devraient pas faire échec à la mesure de renvoi intra-européenne prévue dans le cadre de Dublin III s'il existe un risque pour le migrant d'être renvoyé, dans un second temps, vers l'Afghanistan.
Enfin, il souhaite connaître les motifs de l'allongement de la durée de rétention prévue par le projet de loi n° 464 (Sénat, 2017-2018), adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, notamment pour savoir si cet allongement a pour objectif d'atteindre la durée nécessaire, en cas de manquement des autorités afghanes, à la délivrance d'un laissez-passer consulaire européen (conformément à l'accord conclu entre l'Union européenne et l'Afghanistan le 13 février 2017) permettant le renvoi des migrants afghans vers leur pays.

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Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 01/08/2019

L'exécution d'une mesure d'éloignement offre des garanties permettant de prévenir les risques que l'intéressé pourrait encourir pour sa vie dans son pays d'origine. Ainsi, la mesure d'éloignement ne peut intervenir que si l'intéressé n'a pas demandé l'asile ou si cette demande a été rejetée. Un étranger ayant introduit une demande d'asile dans un pays de l'Union européenne peut faire l'objet d'une mesure de transfert, au titre du règlement n° 604-2013 du 18 février 2003, dit règlement « Dublin III », vers ce pays, qui offre de facto un système de protection des droits équivalent à celui de la France en matière d'asile. Les personnes transférées vers les États membres responsables de leur demande d'asile y bénéficient à chaque fois qu'ils le sollicitent d'un réexamen de leur demande d'asile ainsi que de toutes les voies de recours sur une éventuelle décision de rejet. La France ne saurait contester le bon fonctionnement de l'État de droit dans ces États européens qui sont signataires de la convention de Genève et de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale. À ce titre ils apportent des garanties systématiquement similaires à celles de la France. Cette position est confortée par un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 21 décembre 2011, considérant que le système européen de l'asile repose sur une présomption renforcée de respect des droits fondamentaux par les États membres et que les États membres peuvent s'accorder une confiance mutuelle à cet égard. En France, l'examen des demandes d'asile est assuré par l'office français de protection des réfugiés et apatrides qui dispose d'une indépendance consacrée par la loi pour statuer sur les dossiers individuels. Les mesures d'éloignement vers l'Afghanistan ne sont prononcées qu'après un examen attentif du dossier par l'autorité administrative. En particulier, l'administration s'assure systématiquement que l'intéressé ne sera pas exposé à des traitements inhumains ou dégradant sanctionnés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatif à l'interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants. Cette appréciation est, en outre, soumise au contrôle du juge. Une partie des retours se fait de façon volontaire et l'État propose des aides à cet égard. En 2018, 1 126 ressortissants afghans ont bénéficié de l'aide au retour volontaire attribuée par l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Ces retours s'effectuent également dans le cadre du dispositif européen de réinsertion économique (ERRIN). L'opérateur pour l'Afghanistan est international returns and reintegration assistance, dont le siège est situé en Grande-Bretagne. Il travaille en Afghanistan exclusivement avec l'agence Afghanistan Center of Excellence. En 2018, ce sont 1 126 aides à la réinsertion économique pour la création d'entreprises qui ont été distribuées par l'OFII dans le cadre du dispositif ERRIN. Enfin, l'allongement de la durée de rétention prévu par la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a pour objectif d'augmenter la délivrance par les autorités consulaires des pays tiers les documents de voyage nécessaires à l'éloignement de leurs ressortissants en situation irrégulière dans notre pays, qui interviennent souvent dans des délais supérieurs à ceux précédemment prévus pour la rétention. Pour mémoire, la déclaration politique Joint Way Forward, signée entre l'Afghanistan et l'Union européenne en octobre 2016, prévoit la possibilité pour l'État membre concerné de délivrer un laissez-passer européen en l'absence de réponse des autorités afghanes passé le délai d'un mois.

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