Question de Mme MALET Viviane (La Réunion - Les Républicains) publiée le 17/05/2018

Mme Viviane Malet appelle l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur l'article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT).
Cet article dispose en effet que les collectivités locales et leurs groupements ne peuvent créer une société publique locale (SPL) que « (…) dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi ». Cette règle classique fait toutefois l'objet d'une interprétation discordante par les juridictions administratives. Ainsi, alors que la cour administrative de Nantes (CAA Nantes, 19 septembre 2014, Syndicat intercommunal de la Baie, req. n °13NT01683) impose que tous les actionnaires disposent d'une identité totale des compétences pour constituer une SPL et faire ainsi exercer par cette dernière des missions dites « in house » au bénéfice desdites collectivités, la CAA de Lyon (CAA 4 octobre 2016, req. n° 15LY01312) n'exige pas des collectivités actionnaires qu'elles détiennent toutes les compétences qu'exerce la SPL pour que cette dernière puisse réaliser, au bénéfice de ses actionnaires, des prestations « in house », mais uniquement que les missions prises en charge par la SPL « (…) n'excèdent pas de manière prépondérante le domaine de compétence de la collectivité actionnaire ».
Par ailleurs, le jugement rendu par le TA de Montpellier le 19 septembre 2017 (M. François Liberti, req n° 1506432), ouvre une autre voie d'assouplissement au « principe » de l'identité des compétences. Dans ce cas d'espèce en effet, le tribunal a jugé dans son considérant n° 6 que : « (…) si les collectivités territoriales et leurs groupements ne peuvent, en application de ces dispositions (L. 1531-1 du CGCT et L. 300-1 du code de l'urbanisme), être actionnaires d'une société publique locale dont l'objet social ne comporterait aucune des compétences qui leur sont attribuées, ces mêmes dispositions n'imposent pas, en revanche, que les actionnaires d'une société publique locale doivent être compétents pour exercer l'ensemble des activités entrant dans le champ de l'objet social de la société publique locale ; que la circonstance qu'une collectivité territoriale ou un groupement actionnaire ne dispose pas de l'ensemble des compétences entrant dans l'objet social de la société publique locale entraîne comme seule conséquence pour la société publique locale l'impossibilité de pouvoir intervenir au titre des prestations intégrées sur le territoire de cette collectivité ou de ce groupement pour la ou les compétences qu'il ne détiendrait pas ».
Il résulte de ces jurisprudences contradictoires (v. également les jugements du TA de Lille, ord., 29 mars 2012, Communauté de communes Sambre-Avernois, req. n° 1201729 ; de Clermont-Ferrand, 1er juillet 2014, Préfet du Puy-de-Dôme, req. n° 1301728 ou de Melun, 7 nov. 2014, Cne de Saint-Thibault-des-Vignes, req. n° 1206600) une incertitude juridique maximale pour les collectivités locales et leurs groupements voulant constituer une SPL. Cette situation est d'autant plus complexe qu'avec la réorganisation des compétences imposées par les lois n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM) et n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), il n'est juridiquement plus possible que les différentes collectivités territoriales (régions, départements et communes) puissent disposer d'une parfaite identité des compétences rendant donc, a priori, illégale la création de SPL avec des collectivités de rang différent.
Aussi, elle le prie de lui préciser la portée de l'article L. 1531-1 du CGCT et si cette disposition exige des collectivités locales et de leurs groupements qu'ils disposent de l'ensemble des compétences exercées par la SPL pour y adhérer ou la constituer.

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Transmise au Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales


Réponse du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales publiée le 10/01/2019

L'article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent créer des sociétés publiques locales (SPL) « dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi ». Ainsi, une collectivité ou un groupement ne peut pas faire via une SPL ce qu'il n'a pas le droit de faire lui-même. Une collectivité ou un groupement ne peut donc pas être actionnaire d'une société dont l'objet ne correspond pas à ses compétences. Ce point est constant dans le droit des sociétés d'économie mixte locales (SEML) et des SPL. Toutefois, il existait une incertitude sur l'interprétation à retenir concernant les sociétés à objet « mixte », dont les missions relèvent seulement en partie de la compétence de la collectivité ou du groupement. Jusqu'à présent, les décisions des cours administratives d'appel se partageaient entre deux interprétations. Selon la plus stricte (CAA Nantes, 19 septembre 2014), la collectivité ne peut participer à une SPL que si elle détient la totalité des compétences correspondant aux missions de la société. Selon la plus libérale (CAA Lyon, 4 octobre 2016), la collectivité ou le groupement ne peut pas participer au capital d'une SPL dont la partie prépondérante des missions outrepasserait son domaine de compétence. Dans une décision du 14 novembre 2018, le Conseil d'État confirme la lecture de la cour administrative d'appel de Nantes selon laquelle les collectivités doivent détenir l'ensemble des compétences correspondant aux missions de la société. Le considérant 4 de cette décision est ainsi rédigé : « Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, hormis le cas, prévu par l'article L. 1521-1 du code général des collectivités territoriales, où l'objet social de la société s'inscrit dans le cadre d'une compétence que la commune n'exerce plus du fait de son transfert, après la création de la société, à un établissement public de coopération intercommunale, la participation d'une collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités territoriales à une société publique locale, qui lui confère un siège au conseil d'administration ou au conseil de surveillance et a nécessairement pour effet de lui ouvrir droit à participer au vote des décisions prises par ces organes, est exclue lorsque cette collectivité territoriale ou ce groupement de collectivités territoriales n'exerce pas l'ensemble des compétences sur lesquelles porte l'objet social de la société. »

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