Question de M. PERRIN Cédric (Territoire de Belfort - Les Républicains) publiée le 10/05/2018

M. Cédric Perrin interroge Mme la ministre des solidarités et de la santé sur le retrait de l'ancienne formule du médicament Lévothyrox® et son remplacement par une autre formule mise sur le marché en mars 2017.

En septembre 2017, les centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV) de Rennes et de Lille avaient déjà recensé environ 9 000 cas déclarés faisant état d'effets indésirables. Le ministère de la santé a toutefois précisé qu'aucun de ces cas n'était d'effet grave.

Pour autant, il apparaît que le Gouvernement a reconnu la situation de quasi-monopole dont souffre cette spécialité en France, précisant qu'il convenait de l'ouvrir à d'autres médicaments. Il avait sur ce point confirmé l'importation de médicaments présents en Europe et alternatifs au Lévothyrox®.

Premièrement, il la remercie de lui indiquer si une demande de licence obligatoire a été présentée par un laboratoire tiers pour fabriquer un médicament reprenant l'ancienne formule du Lévothyrox®.

Sur ce point, il lui demande de préciser si la France est en mesure de mettre en œuvre l'une des deux exceptions prévues dans l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), conclu le 15 avril 1994 dans le cadre des négociations commerciales multilatérales de l'Uruguay round et adopté par les instances européennes le 17 mai 2006.

Annexé à l'accord instituant l'organisation mondiale du commerce (OMC), ce texte dispose que toutes les inventions doivent pouvoir être protégées par un brevet pendant vingt ans, qu'il s'agisse d'un produit (comme un médicament) ou d'un procédé (méthode de production d'un ingrédient entrant dans la composition d'un médicament). L'accord prévoit cependant deux exceptions limitées au droit de brevet, dont celle visant à accélérer la commercialisation d'un médicament. Par ailleurs, l'accord ADPIC permet la mise en œuvre de deux systèmes de flexibilité, à savoir les importations parallèles d'une part et, d'autre part, les licences obligatoires que les gouvernements peuvent délivrer pour autoriser un tiers à fabriquer le produit breveté sans le consentement du titulaire du brevet et ce, pour l'approvisionnement de leur seul marché intérieur. La délivrance de licences obligatoires n'est toutefois possible que moyennant certaines conditions visant à protéger les intérêts du détenteur de brevet.

Deuxièmement, et dans la mesure où aucune demande de licence obligatoire n'aurait été présentée par un laboratoire tiers, il la remercie d'indiquer la suite que le Gouvernement pourrait réserver à une telle demande au regard de la situation médicale connue à ce jour et des dispositions inscrites dans l'ADPIC.

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Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée le 31/05/2018

Les médicaments à base de lévothyroxine sodique sont indiqués pour traiter les hypothyroïdies (insuffisance de sécrétion de la glande thyroïde ou absence de celle-ci) ou les situations où il est nécessaire de freiner la sécrétion d'une hormone stimulant la thyroïde, appelée TSH (Thyroid Stimulating Hormone). Un arrêt de traitement peut engager le pronostic vital de certains patients, notamment ceux ayant subi une ablation de la thyroïde (thyroïdectomie). La lévothyroxine sodique est une hormone thyroïdienne de synthèse dite « à marge thérapeutique étroite » ce qui signifie que toute variation ou modification de la concentration de substance active dans l'organisme, même faible, peut conduire à certains effets indésirables. L'ajustement posologique est individuel et nécessite un contrôle clinique et biologique attentif, dans la mesure où l'équilibre thyroïdien du patient peut être sensible à de très faibles variations de dose. En 2010, du fait des notifications de cas de perturbation de l'équilibre thyroïdien des patients lors de la substitution d'une spécialité à base de lévothyroxine par une autre, une enquête de pharmacovigilance a été ouverte. Elle a conclu en 2012 que des différences de spécifications de teneur entre les spécialités génériques et LEVOTHYROX (spécialité de référence) pourraient expliquer la survenue de cas de déséquilibres thyroïdiens, ce raisonnement étant également applicable aux éventuelles variations de teneur en substance active pour une seule et même spécialité. À la suite de cette enquête, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a demandé aux titulaires des autorisations de mise sur le marché (AMM) des spécialités concernées de resserrer leurs spécifications, afin de pallier les risques d'effets indésirables et de garantir une stabilité plus importante de la teneur en substance active tout le long de la durée de conservation du produit et d'un lot de fabrication à un autre. En conséquence, MERCK SANTE a déposé une demande de modification de formule visant au remplacement du lactose par le mannitol (dépourvu d'effets notoires) et à l'ajout d'acide citrique, la substance active demeurant identique. En revanche, RATIOPHARM a demandé l'abrogation de ses AMM et BIOGARAN a arrêté, à partir d'octobre 2016, de commercialiser ses spécialités. Après autorisation par l'ANSM, la nouvelle formule de LEVOTHYROX a été mise sur le marché à partir de mars 2017, sachant qu'elle ne change ni l'efficacité ni le profil de tolérance du médicament. Les professionnels de santé et les patients ont été informés en amont de la commercialisation de la nouvelle formule de LEVOTHYROX, des informations récurrentes ayant été envoyées aux professionnels de santé entre février et avril 2017. Néanmoins, par précaution et en tenant compte du domaine thérapeutique concerné, et bien que la bioéquivalence entre l'ancienne et la nouvelle formule soit démontrée (il existe entre les deux formules une équivalence de la vitesse et de l'intensité de l'absorption de la substance active dans l'organisme), l'ANSM a recommandé, pour certains patients, de réaliser un dosage de TSH quelques semaines après le début de la prise de la nouvelle formule. Dans ce contexte, sans minimiser ni nier les symptômes ressentis par certains patients avec la nouvelle formule de LEVOTHYROX, laquelle convient à la majorité des patients, l'agence les a invités à consulter leur médecin traitant ou leur endocrinologue afin que puisse être déterminé le dosage le plus précis et qui leur convient, de la nouvelle formule du médicament. Par ailleurs, des mesures ont été prises par les autorités publiques afin de favoriser l'élargissement de l'offre thérapeutique. Tout d'abord, le laboratoire Serb a augmenté la production du médicament L-Thyroxine Serb, solution buvable en gouttes. L'utilisation a, dans un premier temps, été réservée prioritairement aux enfants de moins de huit ans, aux patients qui présentent des troubles de la déglutition et à ceux ayant déjà eu une prescription avant le 31 août 2017. Ces limitations ont été levées le 15 mars 2018. Ensuite, des stocks de produit strictement identique à l'ancienne formulation de LEVOTHYROX ont été mis à disposition sous forme de conditionnement trimestriel. Le médicament Euthyrox, comprimé sécable est importé d'Allemagne et il est accompagné d'une notice traduite en français, remise par le pharmacien ; il ne doit pas être confondu avec le produit Eutirox, destiné au marché italien et dont la formulation ne correspond pas strictement à l'ancienne formulation de LEVOTHYROX. La prescription d'Euthyrox est exclusivement destinée en dernier recours aux patients qui rencontrent des effets indésirables durables. Durant le mois d'octobre 2017, près de 200.000 boîtes ont été importées. Une nouvelle importation, à compter de la mi-décembre, a porté sur près de 215 000 boîtes en vue du renouvellement des traitements. Et à la demande des pouvoirs publics, MERCK SANTE va poursuivre les importations courant 2018. Néanmoins, une procédure est en cours au niveau européen pour autoriser la « nouvelle formule » dans les autres États membres où un produit identique à l'« ancienne formule » est encore disponible sous d'autres noms. Si cette procédure aboutit, il n'y aura plus, d'ici fin 2018, dans l'ensemble de l'Union, des spécialités à base de lévothyroxine « ancienne formule », ayant MERCK SANTE pour titulaire d'AMM. Une fois que les importations prendront fin, les patients à ce jour sous Euthyrox pourront se voir prescrire par leur médecin traitant, parmi les alternatives thérapeutiques pérennes disposant d'une AMM pleine et entière en France, la spécialité la plus adaptée à leur situation clinique. Le médicament L-Thyroxin Henning comprimé, commercialisé en Allemagne par SANOFI, a également été mis à disposition dès mi-octobre 2017 par le biais d'importations, une notice traduite en français étant remise au patient par le pharmacien. Ce médicament, qui est donc à ce jour importé, s'est vu délivrer le 25 janvier 2018 des AMM en France pour différents dosages ; il sera commercialisé sous couvert des AMM une fois admis au remboursement. Enfin, est disponible, depuis début décembre 2017, la spécialité générique THYROFIX, comprimé (quatre dosages), pour laquelle des AMM ont été délivrées à UNI-PHARMA et qui a été inscrite au répertoire des groupes génériques. Des AMM ont aussi été délivrées aux Laboratoires GENEVRIER pour la spécialité TCAPS sous forme de capsule molle (douze dosages), avec une commercialisation ayant débuté en avril 2018. L'agence, en liaison avec le Conseil national de l'ordre des pharmaciens, assure un suivi des ventes, permettant la plus grande réactivité pour l'approvisionnement du marché. Par ailleurs, un comité ministériel ad hoc, réunissant l'administration, des professionnels de santé et des associations de patients, se réunit régulièrement. Fin 2017, au vu des données de l'Assurance Maladie, il a été estimé à environ 500 000 le nombre de patients traités par l'une des alternatives précitées. Des mesures sont ainsi effectivement mises en œuvre afin d'offrir de réelles alternatives thérapeutiques de prescription. Le recours à la procédure de la licence dite d'office en vue de la fabrication de l'ancienne formule de LEVOTHYROX, telle que prévue par le Code de la propriété intellectuelle n'est donc pas apparu nécessaire en l'espèce. En outre, la possibilité de recours au dispositif de la licence d'office n'est juridiquement pas possible dans la mesure où, aux termes de la règlementation en vigueur, la lévothyroxine « ancienne formule » ne bénéficie plus d'un brevet et non plus d'AMM.

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