Question de M. LAURENT Pierre (Paris - CRCE) publiée le 10/05/2018

M. Pierre Laurent attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur les procédés d'intimidations et de condamnations qui seraient utilisés à l'encontre des personnes, physiques ou morales, venant en aide aux migrants « sans papiers ». La loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d'aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées a abrogé officiellement le « délit de solidarité » en protégeant les personnes qui assurent « des conditions de vie dignes et décentes à l'étranger » ou « préservent la dignité ou l'intégrité physique de celui-ci ». Malgré cela, de nombreux acteurs du terrain rapportent que des personnes ayant manifesté leur solidarité avec des étrangers sans titre de séjour continuent d'être inquiétées en subissant des convocations à la police, des gardes à vue, des perquisitions et des écoutes téléphoniques abusifs voire en étant poursuivies et parfois punies d'amende et d'emprisonnement. Ces acteurs demandent que les pouvoirs publics prennent des mesures en vue de mettre fin à ces pratiques. Il lui demande quelle réponse il compte apporter à cette demande.

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Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 25/10/2018

La loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 a notamment modifié le délit d'aide au séjour irrégulier pour ouvrir le champ de l'exemption pénale aux actions humanitaires et désintéressées. Clairement inscrites dans un objectif de préservation de l'action des personnes physiques et morales agissant dans un but exclusivement humanitaire sans considération de la régularité de la situation des destinataires de l'aide, ces dispositions devaient néanmoins être clarifiées et complétées pour répondre pleinement aux exigences de notre ordre juridique. Certains contentieux ont en effet révélé l'ambiguïté du texte de 2012 protégeant les actions désintéressées spontanément accomplies en vue d'apporter un secours immédiat à une personne en état de détresse physique ou psychologique manifeste. Conscient de ce besoin de clarification, le Gouvernement a inscrit dans le projet de loi « pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une immigration réussie », présenté au Parlement en avril 2018, des dispositions de nature à garantir l'immunité pénale pour les actions à caractère humanitaire. C'est ainsi que dès la première lecture de ce projet de loi, l'Assemblée nationale a voulu, avec le soutien du Gouvernement, inclure l'aide à la circulation dans le champ de l'exemption pénale prévu à l'article L. 622.4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette exigence s'est trouvée confirmée par la décision n° 2018/717-718 QPC du Conseil constitutionnel lue le 6 juillet 2018 qui, pour la première fois, a reconnu valeur constitutionnelle au principe de fraternité. Il résulte de cette décision la liberté d'aider autrui, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national, lorsque cette aide répond à un but strictement humanitaire, y compris dans l'aide à la circulation sur le territoire français. Le législateur a tiré les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel. La loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, intègre dans le champ de l'exemption pénale toute action désintéressée accomplie dans un but exclusivement humanitaire, incluant l'aide à la circulation sur le territoire français.  Ces dispositions sont d'application immédiate et il appartient à l'autorité judiciaire de les apprécier au cas par cas.

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