Question de M. DÉTRAIGNE Yves (Marne - UC) publiée le 19/04/2018

M. Yves Détraigne appelle l'attention de M. le Premier ministre sur l'impact de la grève de la SNCF sur l'économie française.
Alors que l'entreprise connaît sa deuxième semaine de grève, force est de constater que ce mouvement social n'a pas pour seul effet de désorganiser le transport des voyageurs. Au-delà des secteurs directement concernés, l'ensemble de l'économie française risque donc d'être la première victime de ce conflit social.
Partout en France, de nombreux trains de fret sont à l'arrêt alors que des secteurs entiers dépendent du rail pour s'approvisionner en matière premières et livrer leurs produits, notamment dans la chimie, la sidérurgie et l'agriculture.
Dans le transport des marchandises, les conséquences pour les utilisateurs de fret vont rapidement se chiffrer à plus milliers, voire millions d'euros de pertes. Un train équivalant à cinquante camions, la livraison de matière première par la route est alors une solution de repli trop onéreuse et écologiquement non viable.
Déjà mises en difficultés par les concurrences russe et ukrainienne, les exportations françaises de céréales sont ainsi très handicapées par ces problèmes de logistiques. Plus de la moitié des contrats signés impliquant une logistique ferroviaire pourraient en effet ne pas être honorés : les trains n'alimentant plus les ports, les clients étrangers se tournent par conséquent vers d'autres pays. La France va donc perdre des parts de marchés qu'elle ne retrouvera pas forcément une fois le conflit terminé.
Inquiet de ce mouvement social très pénalisant pour l'économie française, il lui demande donc de quelle manière il entend pallier les effets désastreux de cette crise et répondre aux inquiétudes des dirigeants des petites et moyennes entreprises.

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Transmise au Ministère de l'économie et des finances


Réponse du Ministère de l'économie et des finances publiée le 14/06/2018

La grève de la SNCF affecte l'ensemble de l'économie et non le seul secteur des transports. Son impact économique global, sur l'activité française, se matérialise effectivement de façon directe et indirecte, mais il est peu probable qu'il soit in fine « très pénalisant » pour l'économie française. Les effets directs de la grève se matérialisent, tout d'abord, par une diminution de l'activité dans le secteur des transports, à la fois pour le fret et pour le transport de passagers, avec en miroir une baisse de la consommation des ménages qui sont parfois amenés à annuler leurs déplacements. Le 3 mai 2018, la SNCF communiquait sur un manque à gagner de l'ordre de 20 millions d'euros par jour de grève, soit un coût pour l'entreprise de près de 250 millions d'euros depuis le début du mouvement. Le prolongement du mouvement de grève à la SNCF a un impact sur la croissance par des effets indirects : difficultés d'approvisionnement des entreprises, difficultés prolongées pour les salariés d'accéder à leur lieu de travail, etc. Ainsi, l'impact de la grève via le fret ferroviaire est sensible puisque, depuis le 3 avril, seuls 50 % des trains de fret ont circulé en moyenne sur l'ensemble de la période (y compris les jours de non-grève). Le secteur du négoce et de la transformation des produits céréaliers est particulièrement affecté de ce point de vue : par exemple, 50 % de l'approvisionnement des amidonniers se fait par train. Une poursuite du mouvement pourrait conduire à des interruptions de production et génèrerait un surcoût pour les entreprises qui devront recourir à des moyens de transports alternatifs, si les solutions de surstockage, mises en place en début de période de conflit, ne peuvent perdurer. La grève n'est pas non plus sans impact sur le tourisme. Le taux d'occupation des hôtels en avril serait inférieur de 4 à 8 points aux prévisions, et le chiffre d'affaires des établissements aurait baissé de 10 à 20 % en avril par rapport à mars (selon les régions). Cet impact semble pour l'instant davantage toucher les petites structures que les grands groupes hôteliers, mais pourrait concerner à terme l'ensemble du secteur, si la clientèle étrangère opte massivement pour d'autres destinations. À ce jour, une estimation précise de l'impact de la grève n'est toutefois pas aisée. En effet, peu d'indicateurs quantitatifs sont disponibles et certains facteurs diffèrent des mouvements de grève passés, ce qui rend la comparaison directe ardue : tout d'abord, l'évolution structurelle de l'économie a conduit à une réduction sensible de l'activité de fret ferroviaire au profit du transport routier. Par ailleurs, le développement du télétravail et des outils numériques devrait limiter l'impact de la grève sur les entreprises via les contraintes amoindries de déplacements des salariés. À l'inverse, la durée et l'étendue temporelle - en raison du caractère « intermittent » - plus importantes pourraient affecter les capacités de rattrapage de l'économie à moyen et long termes. Finalement, le secteur du tourisme devrait subir un effet marqué, en raison de la période de grève qui s'étale sur la première moitié de la période estivale. Néanmoins, à l'aune des épisodes de grève passés des vingt-cinq dernières années, l'ampleur des effets attendus sur la croissance ne devrait pas dépasser de l'ordre de 0,1 à 0,3 point de PIB trimestriel. Par ailleurs, de tels épisodes sont, pour certains, suivis d'une période de rebond et de rattrapage, si bien que l'effet sur la croissance annuelle de l'activité est généralement négligeable. La priorité du Gouvernement est donc de circonscrire, dans le temps, la durée du mouvement social : si, comme prévu, celui-ci cesse à la fin du 2ème trimestre, son impact sur les entreprises françaises ne suscite pas de fortes inquiétudes. Enfin, le Gouvernement est attaché au redressement du fret ferroviaire, dont la part modale a été divisée par deux depuis 1990, au profit de la route. Le fret ferroviaire représente un levier essentiel pour le dynamisme économique de notre pays et pour une mobilité propre. Le projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire, adopté par l'Assemblée nationale le 17 avril 2018 et qui sera examiné par le Sénat à la fin mai, vise à redonner des perspectives au transport ferroviaire dans son ensemble. Le fret ferroviaire bénéficiera, notamment, de l'effort sans précédent réalisé en matière d'investissement, dans le réseau et de l'accroissement de la compétitivité de SNCF Mobilités, qui demeure un acteur majeur dans le transport ferroviaire de marchandises. Le développement du fret appelant également des réponses spécifiques, le Premier ministre a demandé, le 17 avril 2018 à la ministre chargée des transports, de présenter un plan pour la relance du fret ferroviaire, en lien avec la SNCF. Ce plan comprendra notamment un programme d'investissement, dans les voies de fret et une remise à plat des péages ferroviaires.

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