Question de Mme BONNEFOY Nicole (Charente - SOCR) publiée le 05/04/2018

Mme Nicole Bonnefoy attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur l'interdiction des thérapies de conversion en France. Dans son « rapport sur la situation des droits fondamentaux dans l'Union européenne en 2016 », débattu en février 2018, le Parlement européen, suite à un amendement, a ajouté un article 63ter dans lequel il « se félicite des initiatives interdisant les thérapies de conversion pour les personnes LGBTI (lesbiennes, gays, bisexuelles, trans et intersexes) et la pathologisation des identités transsexuelles ; prie instamment tous les États membres d'adopter des mesures similaires qui respectent et défendent massivement le droit à l'identité de genre et l'expression du genre ». Le 1er mars 2018, le Parlement européen a massivement voté pour condamner les thérapies de conversion et exhorte les pays membres à interdire cette pratique. Aussi, elle lui demande si le Gouvernement est prêt ou non à appliquer cette interdiction préconisée par l'Europe, qui pourrait trouver sa place dans les prochaines lois bioéthiques.

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Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Ministère de la justice publiée le 12/07/2018

Les thérapies de conversion, ou thérapies de réorientation sexuelle, sont un ensemble de pratiques visant à changer l'orientation sexuelle d'une personne. Ces pratiques seraient communes dans certains pays où elles seraient employées sur des adolescents homosexuels ou transgenres contre leur gré. Ces thérapies peuvent passer par l'injection massive de testostérone ou par l'aversion, qui consiste à faire subir des électrochocs au sujet tout en lui montrant des images d'actes homosexuels afin de l'en dégoûter. Le Parlement européen s'est récemment emparé du sujet en votant en mars dernier une « motion » appelant les États membres à interdire les thérapies de conversion.  Le Gouvernement lutte quotidiennement contre les discriminations qui continuent de frapper les personnes homosexuelles, transsexuelles ou LGBT. Un délégué interministériel est en charge de ce sujet et veille à la mise en œuvre des mesures prises en la matière.  S'agissant plus précisément des thérapies de conversion, le droit existant permet déjà de réprimer les comportements les plus graves visés ci-avant. En effet, les infractions de violences volontaires, qui permettent la répression de toutes les atteintes à l'intégrité physique et psychique, peuvent s'appliquer, et ce d'autant plus que la répression visée par la proposition de loi se réfère à la notion d'incapacité totale de travail. Par ailleurs, si des pratiques de « conversion » consistent en des pressions graves ou réitérées ou des techniques propres à altérer le jugement d'une personne et conduisent la victime à des actes qui lui sont préjudiciables, il peut être fait application du délit d'abus de faiblesse (article 223-15-2 du code pénal). Enfin, il n'est pas exclu qu'une personne qui prétendrait pouvoir « soigner » l'orientation sexuelle d'une personne, au prétexte qu'il s'agirait d'une « maladie », puisse être sanctionnée pénalement pour exercice illégal de la médecine, dès lors que l'article L. 4161-1 du code de la santé publique emploie le terme de maladies « réelles ou supposées » (la jurisprudence a déjà retenu cette qualification pour un « mage » prétendant traiter, par ses pouvoirs divinatoires et magiques, les maladies physiques ou morales, et notamment les envoûtements, Crim., 28 janvier 2004, n°  03-80.930). À ce jour, les services de la Chancellerie n'ont pas à ce jour été informés de l'existence de tels phénomènes sur le territoire français. Ceci étant, et en réponse aux appels des organisations internationales, le ministère de la justice et le ministère de la santé et des solidarités travaillent ensemble à donner une qualification pénale plus précise à ces pratiques. À ce titre, deux pistes sont aujourd'hui étudiées : soit la création d'une circonstance aggravante des délits de violences, lorsque celles-ci visent à modifier l'orientation sexuelle de la victime, soit créer un délit spécifiqueassimilé à l'exercice illégal de la médecine, afin de sanctionner ces pratiques indépendamment des conséquences subies par les victimes.

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