Question de Mme LANFRANCHI DORGAL Christine (Var - Les Républicains-A) publiée le 19/04/2018

Mme Christine Lanfranchi Dorgal attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la situation économique des opérateurs privés de l'archéologie préventive, agréés par le ministère de la culture.
En effet, les salariés de l'archéologie préventive s'inquiètent pour leurs emplois, la principale entreprise du secteur, qui compte deux cent cinquante salariés, ayant été placée en redressement judiciaire.
Outre la crise économique affectant le secteur, il semble que les opérateurs privés aient subi les effets d'une distorsion de concurrence avec les activités de l'institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP). L'autorité de la concurrence ayant relevé ce problème dans une décision du 1er juin 2017, l'INRAP s'est engagé à mettre en place une comptabilité analytique au 1er janvier 2018, comme le conseil de la concurrence le demandait dès 1998, ainsi que la Cour des comptes en 2013, cela pour assurer une stricte séparation comptable et financière, étanche et fiable, entre les activités non lucratives relevant de la mission de service public confiée à l'INRAP et ses activités lucratives ouvertes à la concurrence, et donc empêcher « la mise en œuvre de pratiques tarifaires pouvant constituer des prix prédateurs ou pouvant produire des effets d'éviction ».
À ce jour, on ne trouve aucune indication que l'INRAP ait respecté cet engagement. Elle l'interroge sur la situation.
De plus, le secteur étant extrêmement régulé et dépendant de décisions publiques, il semble urgent de lancer une mission de l'inspection des finances pour voir si des mesures peuvent être mises en place au plus vite afin d'éviter le pire pour la douzaine d'opérateurs privés concernés et leurs six cents emplois. Elle souhaiterait donc connaître l'avis du Gouvernement sur cette proposition.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics publiée le 23/05/2018

Réponse apportée en séance publique le 22/05/2018

Mme Christine Lanfranchi Dorgal. Ma question concerne la situation économique des opérateurs privés de l'archéologie préventive agréés par le ministère de la culture, ainsi que leurs salariés, inquiets pour leur emploi.

La principale entreprise du secteur, laquelle compte 250 salariés, a été placée en redressement judiciaire. Certes, la crise économique peut constituer une explication, mais il semble également que les opérateurs privés subissent les effets d'une distorsion de concurrence avec les activités de l'Institut national de recherches archéologiques préventives, l'INRAP.

Cet institut a été créé par l'État en 2001, en même temps que l'obligation de diagnostic et, si nécessaire, de fouilles pour tout aménagement dans les zones sensibles sur le plan archéologique.

Subventionné par l'État, l'INRAP dispose du monopole des diagnostics préventifs, mais il peut aussi soumissionner aux marchés publics de fouilles au même titre que les opérateurs privés.

En juin 2017, l'Autorité de la concurrence a reconnu un risque de « subventions croisées pouvant aboutir à des prix prédateurs ou produire des effets d'éviction ». Cette instance a donc demandé à l'INRAP une séparation comptable entre ses missions de service public et ses activités commerciales. Cet engagement a-t-il été respecté depuis lors ?

En outre, sachant que la loi du 17 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine a régulé ce secteur, qui dépend des décisions publiques, il semble urgent de lancer une mission de l'Inspection générale des finances. Il faut aussi imaginer au plus vite des mesures afin d'éviter que la douzaine d'opérateurs privés concernés et leurs 600 emplois ne subissent le pire.

Je souhaite connaître l'avis du Gouvernement sur cette proposition.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics – monsieur le secrétaire d'État, je vous saurais gré de bien vouloir respecter les deux minutes trente qui vous sont imparties.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics. Je vais m'y efforcer, monsieur le président !

Madame la sénatrice Christine Lanfranchi Dorgal, l'activité des entreprises du secteur de l'archéologie préventive s'est contractée entre 2013 et 2016, en raison d'une baisse significative des opérations à réaliser.

Cette situation a conduit plusieurs acteurs à se retirer, et la principale entreprise du secteur est aujourd'hui placée en redressement judiciaire.

Je peux vous assurer que les services de l'État suivent avec attention la situation de l'ensemble de ces acteurs et mettent en œuvre les moyens dont ils disposent pour les accompagner dans ce contexte économique difficile.

L'Autorité de la concurrence a été saisie en 2015 par des opérateurs privés se plaignant de pratiques de l'INRAP pouvant créer des distorsions de concurrence. Dans le cadre de cette procédure, l'INRAP s'est notamment engagé à mettre en place, au plus tard le 1er janvier 2018, une comptabilité analytique permettant d'assurer une stricte séparation comptable entre, d'une part, ses activités relevant de sa mission de service public et, de l'autre, ses activités lucratives, donc ouvertes à la concurrence.

Dans sa décision du 1er juin 2017, l'Autorité de la concurrence a mis un terme à la procédure engagée contre l'INRAP. Elle a estimé que les engagements proposés répondaient aux préoccupations de concurrence exprimées et présentaient un caractère substantiel, crédible et vérifiable.

Conformément à ces engagements, l'INRAP a mis en œuvre depuis le 1er janvier 2018 un nouveau modèle de comptabilité analytique, qui a été présenté et validé lors du conseil d'administration de l'établissement du 28 mars dernier.

Il relève de la seule compétence de l'Autorité de la concurrence de vérifier que la comptabilité analytique mise en place par l'INRAP correspond bien aux engagements rendus obligatoires par l'Autorité. À cette fin, l'INRAP doit transmettre à l'Autorité de la concurrence une restitution annuelle comprenant un état synthétique de la comptabilité analytique auditée, ainsi que l'attestation de conformité du système de comptabilité analytique établie par l'auditeur missionné.

Par ailleurs, du fait de la spécificité du secteur de l'archéologie préventive, plusieurs missions lui ont déjà été consacrées ces dernières années, et des mesures visant à remédier aux dysfonctionnements constatés ont ainsi été proposées. On les trouve, notamment, dans le rapport remis par la députée Martine Faure en 2015 et dans le rapport annuel de la Cour des comptes, en 2016. De même, par sa décision du 1er juin 2017, l'Autorité de la concurrence a permis de faire l'état de la situation de la concurrence dans ce secteur.

Sur le fondement de ces constats, le Gouvernement a récemment pris l'initiative de plusieurs mesures visant à prévenir toute distorsion de concurrence entre les acteurs de l'archéologie préventive, notamment en garantissant l'égal accès de tous aux documents nécessaires à la réalisation d'opérations d'archéologie préventive.

Dans ces conditions, l'utilité du lancement d'une mission de l'Inspection générale des finances, que vous préconisez, ne nous paraît pas strictement établie. Je peux toutefois vous assurer que le Gouvernement sera attentif à ce que l'ensemble de ces mesures soient mises en œuvre, et à ce que les décisions de l'Autorité de la concurrence soient parfaitement respectées.

M. le président. La parole est à Mme Christine Lanfranchi Dorgal.

Mme Christine Lanfranchi Dorgal. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse très détaillée.

Permettez-moi d'ajouter que ce mode de fonctionnement peut aussi avoir des répercussions sur les finances des collectivités locales, qui sont maîtres d'ouvrage pour les marchés de fouilles. Celles-ci ont en effet l'obligation, conformément aux règles de la commande publique, de soumettre le choix du candidat retenu comme le mieux-disant selon les critères du prix et de la valeur technique à la direction des affaires culturelles dont elles dépendent. La validation du marché par cette DAC conditionne son exécution.

Or il arrive que le candidat pressenti par une collectivité locale et celui que la DAC propose ne soient pas les mêmes, et que l'écart de prix entre les deux projets – parfois très important, j'en ai eu la preuve – menace de fragiliser le financement de l'opération dans son ensemble.

Dans ces conditions, ne pourrait-on pas imaginer un autre mode de fonctionnement, afin notamment que l'INRAP, qui détient le monopole des diagnostics, ne soumissionne pas aux marchés publics ouverts aux entreprises agréées par le ministère de la culture ? Ce n'est qu'un vœu pieux…

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