Question de Mme DARCOS Laure (Essonne - Les Républicains) publiée le 12/04/2018

Mme Laure Darcos appelle l'attention de Mme la secrétaire d'État, auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées sur les préoccupations grandissantes au sujet de la réforme de la tarification des établissements et services médico-sociaux accueillant et accompagnant les personnes handicapées, élaborée par l'équipe projet « services et établissements : réforme pour une adéquation des financements aux parcours des personnes handicapées (SERAFIN-PH). Cette réforme, qui vise à moduler les financements des établissements et services médico-sociaux en fonction des situations des résidents, de leurs besoins et des prestations qui leur sont apportées, laisse craindre une démarche fondée sur la seule baisse des charges structurelles au détriment des besoins réels des personnes handicapées et des projets éducatifs personnalisés. L'élaboration du référentiel tarifaire pour l'allocation des ressources aux établissements et services constitue à cet égard une des principales sources d'inquiétude des familles et des équipes pluridisciplinaires accompagnant les enfants handicapés, qui estiment inadéquate la transformation des structures en simples plateformes d'évaluation et de coordination ayant pour missions l'identification des besoins de chaque jeune et la mobilisation des professionnels chargés de réaliser les actes. Considérant la nécessité de pérenniser les instituts médico-éducatifs et les établissements pour adultes, foyers d'accueil médicalisé et maisons d'accueil spécialisé, qui offrent une prise en charge globale et rassurante pour les personnes handicapées et leurs familles, elle lui demande de bien vouloir lui préciser les orientations de la réforme à venir et les inflexions susceptibles d'être apportées afin de tenir compte des attentes exprimées.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du Premier ministre, chargé des personnes handicapées publiée le 20/06/2018

Réponse apportée en séance publique le 19/06/2018

Mme Laure Darcos. Madame la secrétaire d'État, 158 000 enfants et 332 000 adultes handicapés sont accompagnés par 15 000 établissements et services médico-sociaux dans notre pays.

Le gouvernement précédent avait décidé de lancer une procédure de révision de la tarification de l'ensemble de ces établissements et services.

L'actuel gouvernement poursuit cette démarche et la feuille de route du projet SERAFIN-Personnes Handicapées a été validée pour 2018. Il a notamment acté le lancement d'une étude nationale des coûts destinée à « appréhender les relations entre les besoins, les accompagnements, les modes d'accueil, les caractéristiques des personnes et le coût des prises en charge ».

Cette réforme, vous le savez, madame la secrétaire d'État, inquiète au plus haut point les familles, les associations, mais aussi les élus. Nombre d'entre eux, en Essonne, m'ont fait part de leur profonde préoccupation quant à la perspective de fermeture de leur institut médico-éducatif, de leur foyer d'accueil médicalisé ou encore de leur maison d'accueil spécialisée.

Ils sont inquiets, parce qu'ils mesurent combien ces établissements sont indispensables pour leurs administrés. Ils sont inquiets, parce qu'ils savent que ces unités de vie offrent aux enfants handicapés non seulement un accueil et un accompagnement remarquables, mais aussi une socialisation nécessaire à leur épanouissement.

L'élaboration du référentiel tarifaire pour l'allocation des ressources aux établissements et services constitue le principal motif d'insatisfaction des familles et des équipes pluridisciplinaires accompagnant les enfants handicapés.

La perspective d'une réforme fondée sur la seule baisse des charges structurelles au détriment des besoins réels des personnes handicapées et des projets éducatifs personnalisés est rejetée avec force.

Dans le contexte anxiogène qui caractérise toute réforme, et celle-ci en particulier, pouvez-vous m'assurer, madame la secrétaire d'État, que la prise en charge globale des personnes handicapées dans des établissements adaptés à leur handicap et à leur projet de vie ne sera pas remise en cause ?

Pouvez-vous m'assurer que la réforme favorisera des parcours de vie sans rupture pour les personnes handicapées ni diminution de la qualité de l'accompagnement dont elles bénéficient aujourd'hui ?

Enfin, pouvez-vous m'assurer que l'allocation des ressources aux établissements et services sociaux et médico-sociaux sera équitable et permettra à ces derniers de disposer des moyens nécessaires pour répondre à leur mission première ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État, auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice Darcos, vous m'interrogez sur la réforme de la tarification des quelque 15 000 établissements et services médico-sociaux, qui accompagnent près de 500 000 enfants et adultes en situation de handicap.

Je souhaite en premier lieu le rappeler, la transformation de ce financement est indispensable.

Le constat sans concession dressé dans leur rapport par Mme Jeannet et M. Vachey en octobre 2012 reste largement d'actualité. Le niveau des dotations des établissements et services, qui représentent au total un peu plus de 16,5 milliards d'euros, est le fruit de l'histoire, et se traduit par de fortes iniquités entre établissements similaires. Il est donc impératif de revoir ces budgets, car il n'existe aucun lien objectif entre les modalités de l'accompagnement proposé par l'établissement ou le service, le public accueilli et le niveau du budget alloué.

Je souhaite aussi vous éclairer sur le sens de ces travaux, que j'ai confirmés et que j'ai confiés à l'équipe « projet » lors de ma prise de fonction. Tout le travail de refonte de la tarification doit soutenir l'objectif politique prioritaire d'une réponse adaptée aux attentes des personnes en situation de handicap. Le financement des établissements et services doit être fondé sur l'objectivation et la liaison entre les besoins des personnes qui sont accueillies et les réponses qui leur sont apportées.

Cette orientation est plus que jamais nécessaire dans le cadre de la démarche « Une réponse accompagnée pour tous », généralisée depuis le 1er janvier 2018. Au travers de cette démarche est engagée une évolution systémique de l'organisation de la réponse aux personnes handicapées afin de mieux soutenir le parcours de vie en milieu ordinaire, pour les personnes qui le souhaitent, et garantir des réponses adaptées pour tous au sein des établissements pour les autres. Le dispositif de financement rénové doit précisément apporter la souplesse nécessaire pour adapter le financement des établissements et services à la complexité de certaines situations individuelles.

Je souhaite enfin vous rassurer et, à travers vous, les établissements et services, ainsi que les personnes handicapées, sur notre méthode de travail.

Le projet SERAFIN-PH, comme l'ensemble des grands chantiers de réforme tarifaire du champ sanitaire, social ou médico-social, est un chantier de long terme. J'ai présidé, le 27 avril dernier, son comité de pilotage, qui a permis d'arrêter la feuille de route de l'année et le calendrier de réalisation des différents travaux d'étude sur les modèles tarifaires ou les évolutions de financement envisageables. Nous prendrons le temps de ces travaux pour disposer de données robustes et consensuelles, comme le sont les nomenclatures arrêtées dans le cadre de la première étape de ces travaux.

À ce stade, aucun choix n'a été prédéfini ni arrêté. La méthode de travail concertée et coconstruite du projet SERAFIN-PH ne vise en aucune manière à menacer la qualité des accompagnements des personnes, enfants ou adultes ; au contraire, il doit la faire progresser. Vous pouvez compter sur ma détermination, car c'est l'ADN de ma mission que de partir des personnes et de leurs besoins pour coconstruire une politique.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos, pour répondre à Mme la secrétaire d'État.

Mme Laure Darcos. Madame la secrétaire d'État, je ne doute absolument pas de votre bonne volonté et de votre bonne foi. J'ai des échos très favorables sur votre action et je puis vous assurer de notre soutien pour mener à bien cette réforme.

Ce que craignent les associations de familles, c'est un traitement global du sujet. Vous avez parlé de prendre le temps ; je peux vous dire que c'est important pour ces familles de savoir que vous aurez le temps de regarder au cas par cas. Je suis sûre qu'en effet il y a des meilleurs modes de fonctionnement à trouver pour certains.

Je vous invite d'ores et déjà à l'institut médico-éducatif de Saint-Germain-lès-Arpajon, chez moi, en Essonne. Les équipes y font un travail remarquable ; il n'est qu'à voir le sourire de ces enfants handicapés, qui sont tellement bien dans cet établissement. Ce n'est qu'un exemple, mais il peut – pourquoi pas ? – vous éclairer dans la mise en œuvre de cette réforme.

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