Question de M. BONHOMME François (Tarn-et-Garonne - Les Républicains-A) publiée le 29/03/2018

M. François Bonhomme attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conséquences du projet de loi de programmation pour la justice.
Les avocats du Tarn-et-Garonne ont organisé le 21 mars 2018 une journée d'action contre ce projet de loi avec grève totale des audiences de toute nature.
Jugeant la consultation effectuée en amont très insuffisante, ils estiment que la justice ne peut pas être réformée sans une large concertation avec l'ensemble de ses acteurs quotidiens, magistrats, avocats, greffiers, ce qui semble ne pas être le cas.
Ils s'opposent aux dispositions qui renforcent les pouvoirs du parquet et de l'enquête au détriment des droits des justiciables et qui portent atteinte aux libertés individuelles, aux droits de la défense et à la place des victimes.
Ils refusent une déjudiciarisation et la perspective des déserts judiciaires qui priveront le justiciable de l'accès au juge ou des garanties attachées à la présence de l'avocat, ainsi que la perspective d'une justice dématérialisée qui exclut le débat judiciaire contradictoire.
Les avocats réaffirment leur attachement à la cour d'appel de Toulouse et au maintien dans son ressort du tribunal de grande instance de Montauban.
Par ailleurs, il est regrettable que le rôle du Parlement sur un sujet aussi crucial pour le fonctionnement de notre démocratie soit réduit à autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnances. La profession d'avocat doit être associée à la rédaction des projets d'ordonnances et de décrets.
C'est pourquoi il lui demande si elle entend organiser une large concertation pour entendre les professionnels de la justice dans le cadre de ce projet de loi.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 18/10/2018

Le projet de loi de programmation et de réforme pour la justice entend porter les évolutions structurantes de la justice pour les cinq prochaines années. Une réforme d'ampleur de la justice ne peut se mener qu'en concertation avec l'ensemble des acteurs de la justice de notre pays avec comme objectif l'amélioration du service rendu au justiciable. À ce titre, il convient de rappeler que les professions judiciaires ont été associées aux chantiers de la justice, les avocats figurant au sein des groupes de travail soit comme membres, soit comme chefs de file. Les professions ont encore été consultées lors de l'élaboration de l'avant-projet de loi. Pour préparer au mieux les débats au parlement et le volet réglementaire de la réforme, des groupes de travail ont été constitués avec les représentants du barreau (conseil national des barreaux, barreau de Paris et conférence des bâtonniers) pour traiter des sujets de procédure civile, de procédure administrative contentieuse, de procédure pénale, ainsi que des questions liées aux territoires. Loin de priver le justiciable des garanties attachées à la présence de l'avocat, le projet de loi prévoit d'étendre le domaine de la représentation obligatoire en matière civile : ainsi, devant le premier juge, les parties devront désormais être représentées par avocat dans les contentieux les plus techniques (tarification de l'assurance des accidents du travail, contentieux fiscal et douanier, baux ruraux, exécution au-delà d'un certain montant). Il en ira de même en appel dans le contentieux de la sécurité sociale et de l'aide sociale. Le périmètre exact de la représentation par avocat, qui sera défini par voie réglementaire, fait l'objet d'une concertation avec la profession d'avocat. La transformation numérique est une exigence du service public de la justice, qui vise à améliorer les conditions de travail, l'intelligibilité des procédures pour le justiciable et la célérité de la justice. À ce titre, la création d'une procédure dématérialisée pour les petits litiges, qui est un engagement présidentiel, constituera une avancée en permettant à nos concitoyens d'obtenir une décision de justice sans avoir nécessairement à comparaître au tribunal, ce qui est parfois difficile en cas d'éloignement. Cette procédure sera soumise au consentement des parties en demande et défense et le juge pourra décider de tenir une audience s'il l'estime nécessaire pour garantir le déroulement équitable de la procédure. Les dispositions de procédure pénale du projet de loi tendent à simplifier la procédure pénale, ce qui répond à une demande très largement exprimée lors de la concertation menée en fin d'année 2017 sur ce point et ainsi que le reflète le rapport de M. Jacques Beaume, procureur général honoraire, et M. Frank Natali, ancien bâtonnier du barreau de l'Essonne. Au-delà, elle consolide les prérogatives du parquet dans sa direction de la police judiciaire, tout en respectant les exigences constitutionnelles et conventionnelles auquel la France est tenue. Le Conseil d'État a d'ailleurs largement validé les orientations du projet du Gouvernement, en ajustant lorsque nécessaire les équilibres. Enfin, le projet simplifie le parcours judiciaire des victimes, par exemple avec la plainte en ligne ou la constitution de partie civile par voie dématérialisée.  Enfin, la proximité de la justice reste une exigence essentielle. La cour d'appel de Toulouse et le tribunal de grande instance de Montauban seront maintenus, comme toutes les cours d'appels et tous les tribunaux de grande instance de France. Par ailleurs, afin d'améliorer la lisibilité de l'organisation judiciaire, le projet de loi prévoit la fusion des tribunaux de grande instance et des tribunaux d'instance. La répartition des contentieux entre ces deux juridictions est en effet complexe pour le justiciable, et celui-ci ne doit pas avoir à se demander laquelle de ces deux juridictions il doit saisir suivant la nature de son litige. Lorsqu'elles se situent dans la même ville, ces deux juridictions pourront ainsi regrouper leurs moyens. Dans les villes où il n'existe qu'un tribunal d'instance, celui-ci sera maintenu et ses compétences actuelles seront conservées. Il continuera à juger les mêmes contentieux du quotidien, et il gardera exactement le même nom, même s'il sera organiquement rattaché à un tribunal de grande instance. Aucun lieu de justice n'est donc fermé. L'habilitation à légiférer par ordonnance permettra de mettre en conformité le reste des textes avec cette fusion.

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