Question de M. MOHAMED SOILIHI Thani (Mayotte - LaREM) publiée le 29/03/2018

M. Thani Mohamed Soilihi attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale concernant les difficultés de lecture rencontrées par les jeunes dans le département-région de Mayotte.

En 2016, le taux d'illettrisme des jeunes de 16 à 18 ans y était de 75 %, soit le taux le plus élevé de France, lorsque la moyenne nationale est sept fois moindre. Cet écart significatif explique aisément les faibles taux de réussite aux examens nationaux de l'académie de Mayotte.

Cette situation est le résultat d'un manque cruel d'infrastructures scolaires, qui permettraient d'accueillir l'ensemble des élèves, issus d'une forte pression démographique et migratoire, à laquelle l'île fait face et qui impose de mettre en place un système de rotation indigne d'un territoire de la République française.

Pour toutes ces raisons, il est légitime de se demander comment le dispositif, souhaité par le gouvernement à la demande du président de la République, consistant à ramener à 12 le nombre d'élèves par classe dans les zones concentrant l'échec scolaire, pourrait être décliné à Mayotte.

Il souhaiterait donc connaitre les mesures que le Gouvernement entend mettre en œuvre afin d'améliorer considérablement les conditions d'enseignement sur le territoire et par voie de conséquence, d'y résorber l'illettrisme.

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Transmise au Ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse


Réponse du Ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse publiée le 06/12/2018

Le département de Mayotte, qui fait face à une pénurie de locaux scolaires nécessitant une organisation atypique (rotation des classes), bénéficie d'une attention et d'efforts constants de la part du ministère de l'éducation nationale. Bien que la mise en œuvre du dédoublement des CP y soit rendue plus complexe que dans les autres territoires, 57 % des classes de CP REP à niveau simple ont pu être dédoublées à la rentrée 2018, soit cent classes sur 175 comportant quinze élèves ou moins. Globalement, le département de Mayotte bénéficie en 2018 d'un taux d'encadrement très favorable : le nombre de professeurs pour cent élèves y est en effet de 5,72 contre 5,50 en métropole et 5,55 au niveau national. La croissance des effectifs et la nécessaire résorption des classes à double flux engendrent des besoins importants auxquels l'État et les communes visent à répondre par le biais du programme pluriannuel d'investissement 2016-2019. Les constructions scolaires afférentes au 1er degré relèvent de la compétence des communes, avec le soutien du ministère des outre-mer. La dotation spéciale de construction et d'équipement des établissements scolaires à Mayotte s'élevait à 9 476 000 € en 2017. Dix millions d'euros supplémentaires ont été alloués la même année au titre du fonds exceptionnel d'investissement (FEI). Au-delà, des moyens supplémentaires, la lutte contre l'illettrisme doit être engagée dès le plus jeune âge. Ainsi, l'année de cours préparatoire est une année décisive, au cours de laquelle les élèves acquièrent les bases qui leur permettent de se projeter dans leur scolarité. Le Gouvernement a souhaité combattre la difficulté scolaire dès les premières années des apprentissages fondamentaux et soutenir les élèves les plus fragiles en dédoublant à la rentrée 2017 les classes de CP des REP+ et à la rentrée 2018 les classes de CP des REP et CE1 des REP+. L'objectif global dans lequel s'inscrit cette mesure est « 100 % de réussite en CP », ce qui consiste à garantir, pour chaque élève, l'acquisition des savoirs fondamentaux : lire, écrire, compter, respecter autrui. Le déploiement de ce dispositif sur le territoire de Mayotte, qui permettra l'acquisition par les élèves mahorais des savoirs fondamentaux, contribue directement à la lutte contre l'illettrisme à Mayotte. Globalement et pour assurer un accompagnement dans la durée aux différentes collectivités, des conventions de convergences sont en cours d'écriture. À l'instar des conventions ruralité elles auront pour objectif sur un temps pluriannuel défini, de mettre en exergue les priorités communales sur le service des écoles, l'impact sur le plan des constructions et des équipements, la formation nécessaire pour professionnaliser les acteurs et envisageront les partenariats à construire pour ensemble améliorer la qualité de ce service public. Le 15 mai 2018, la ministre des outre-mer en déplacement à Mayotte a annoncé un « Plan de développement de Mayotte pour améliorer le quotidien des mahorais » dont sept mesures concernent l'éducation. Parmi elles, l'engagement de l'État de plus de 500 M€ sur cinq ans en faveur de l'investissement dans les constructions scolaires du premier et du second degré. En outre, une mission d'appui sera diligentée afin d'élaborer un plan pluriannuel d'investissements sur dix ans en matière d'infrastructures des 1er et 2nd degrés tenant compte des perspectives démographiques du territoire et proposant une trajectoire d'investissements réaliste sur le plan technique et envisageant des solutions innovantes pour accélérer le rythme des constructions. Les programmations d'investissements dans les 1er et 2nd degrés prévoiront également la réalisation d'équipements destinés à renforcer l'offre de restauration scolaire. Afin d'améliorer les conditions d'enseignement sur le territoire, le vice-rectorat de Mayotte a mis en place différents dispositifs spécifiques visant à permettre une meilleure réussite scolaire. Une inflexion du pourcentage de jeunes repérés en difficulté de lecture lors de la Journée défense et Citoyenneté (JDC) est constatée entre 2014 et 2016 (respectivement 75 % et 73 %). En lien avec la plateforme de lutte contre l'illettrisme, les établissements scolaires organisent un échange d'informations à partir de l'évaluation effectuée lors de la JDC. Le vice-rectorat par l'intermédiaire de son département de formations de l'innovation et de l'expérimentation (DéFIE) en lien avec le centre académique pour la scolarisation des nouveaux arrivants et des enfants du voyage (CASNAV) met en place des formations d'initiative locale à destination des enseignants en FLSco (Français Langue de SCOlarisation). Par ailleurs, le dispositif « Parcours aménagé de la formation initiale » du vice-rectorat est mis en place pour quarante jeunes de 15 à 16 ans en situation de « raccrochage scolaire » sur le secteur du grand Mamoudzou, en collaboration avec le réseau associatif et le CASNAV ; son implantation est au lycée de Kaweni. D'autre part, le dispositif « Plurilinguisme » expérimenté à l'école maternelle depuis 2015 permet la structuration de la langue maternelle des enfants, que ce soit le shimaoré ou le kibushi, et l'introduction progressive de la langue française. En outre, afin de donner des repères partagés et de faciliter l'intégration de l'école dans le quotidien, les parents sont encouragés à visiter la classe et à y intervenir notamment au sein du dispositif « Éveil aux langues ». Le dispositif « ouvrir l'école aux parents pour la réussite des enfants » (OEPRE) a également été mis en place à Mayotte afin d'aider les parents à la lecture et à la compréhension (atelier d'alphabétisation, lecture et écriture…), de les aider à exercer l'autorité parentale, de les sensibiliser aux enjeux de l'école par un apprentissage du français, de favoriser la relation école-famille pour installer un climat propice aux apprentissages grâce à une meilleure maîtrise du français par les parents. Tous les établissements qui ont développé ce dispositif comptent plus de 200 parents par établissement qui participent aux activités de l'école. Ces parents, en retour des cours de français, sont aussi très présents pour assurer la sécurisation des abords des établissements. La création de 320 postes d'enseignants supplémentaires à la rentrée 2018 permet notamment la mise en place ou l'approfondissement de mesures d'adaptation de l'enseignement dispensé à Mayotte portant par exemple sur la maîtrise de la langue, le plurilinguisme, les pratiques favorisant les apprentissages fondamentaux, les dispositifs de lutte contre le décrochage, la scolarisation des élèves allophones. Tant d'un point de vue budgétaire (nombre d'emplois d'enseignants et crédits de construction) que d'un point de vue qualitatif (mesures adaptées et spécifiques au territoire), l'État continue donc de renforcer ses efforts pour soutenir la réussite des élèves à Mayotte.

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