Question de Mme SOLLOGOUB Nadia (Nièvre - UC) publiée le 22/03/2018

Mme Nadia Sollogoub attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la refonte de la fiscalité agricole et son impact potentiel sur l'activité viticole. Lors de l'examen de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 au Parlement, le Gouvernement a annoncé une réforme de la fiscalité agricole pour le premier semestre 2018. L'objectif est de faire évoluer la fiscalité afin qu'elle soit davantage adaptée à la vie économique des exploitations agricoles, en confortant leur viabilité et leur compétitivité. Lors de la réunion de lancement en février 2018, le développement de l'impôt sur les sociétés dans le secteur agricole et l'évolution de la dotation pour aléas (DPA) et de la dotation pour investissement (DPI) ont notamment été présentés comme des pistes de travail importantes. Dans ce cadre, la profession viticole défend trois propositions ambitieuses pour faciliter la pérennité et la modernisation de son activité. Elle souhaite d'abord faciliter les transmissions dans un cadre familial. La viticulture n'est pas épargnée par les difficultés en la matière. C'est une activité de renommée internationale à forte attractivité et elle attire notamment des investisseurs extérieurs à l'agriculture. Située principalement en périphérie des agglomérations, elle subit également de plein de fouet les effets de l'urbanisation et de la pression foncière. Afin de faciliter le maintien des exploitations, la profession propose que le repreneur soit exonéré de droits de mutation sur l'outil d'exploitation (terres et bâtiments d'exploitation) à condition qu'il remplisse plusieurs conditions : il doit être un membre de la famille directe et il doit s'engager à conserver dans son patrimoine les biens exonérés pendant au moins dix-huit ans, sous peine d'être sanctionné sévèrement en cas de non-respect. Est également proposé d'orienter les exploitations vers la certification environnementale ; à l'heure où la pression des pouvoirs publics et de la société civile sur les vignerons ne cesse de s'accentuer : interdiction du glyphosate d'ici à trois ans, reportage à charge sur la viticulture, pressions des associations environnementalistes etc. Or, le coût d'une certification environnementale par un organisme certificateur est particulièrement lourd pour les petites exploitations. L'idée est donc d'octroyer un crédit d'impôt aux exploitants pour atténuer le coût administratif de la certification environnementale et inciter le plus grand nombre à des pratiques de plus en plus vertueuses et reconnues. Est enfin avancée la création d'une réserve de gestion des risques, parce que l'agriculture en général et la viticulture en particulier sont de plus en plus soumises à des aléas qui menacent la pérennité des exploitations : aléas climatiques, aléas de marchés et aléas administratifs et réglementaires. Il est donc proposé d'autoriser le vigneron à profiter des bonnes années pour constituer une réserve de gestion des risques. Ce dispositif qui viendrait remplacer la dotation pour aléas (DPA) permettrait aux entreprises agricoles de déduire une provision dont le plafond serait déterminé non en valeur mais en pourcentage du résultat d'exploitation. Corrélativement, un montant au moins égal à 40 % de la déduction doit être mis en épargne financière. Si cette réserve n'était pas utilisée, elle serait réintégrée après dix exercices. Elle lui demande en conséquence quelle est son analyse et quelles suites il entend donner à ces propositions.

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Réponse du Ministère de l'économie et des finances publiée le 14/03/2019

S'agissant de la transmission des exploitations agricoles, le cadre fiscal actuel répond d'ores et déjà à l'objectif de favoriser les transmissions, y compris et surtout dans le cadre familial. Aux termes de l'article 793 du code général des impôts (CGI), les biens ruraux donnés par bail à long terme ou à bail cessible et la fraction des parts de sociétés civiles agricoles, de type groupements fonciers agricoles et groupements agricoles fonciers, représentative de ces mêmes biens bénéficient d'une exonération de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) à hauteur de 75 % de leur valeur. L'article 793 bis du CGI prévoit une obligation corrélative de conservation de cinq ans pour le donataire et une durée de bail d'au moins deux ans lorsque le preneur est le donataire ou un membre de sa famille. Sensible à la problématique de la hausse du prix des terres agricoles, le Gouvernement a souhaité rehausser le seuil au-delà duquel ce taux d'exonération est réduit de 75 % à 50 % de la valeur des biens. Celui-ci a ainsi été porté de 101 857 à 300 000 euros par la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019. Par ailleurs, en application des articles 787 B et 787 C du CGI, la transmission d'exploitations agricoles, qu'elles soient constituées sous forme de société ou d'entreprise individuelle, bénéficie du dispositif d'exonération dit « Dutreil » lequel favorise largement la transmission des outils professionnels. La transmission est ainsi exonérée de DMTG à hauteur de 75 % de la valeur des biens sous réserve du respect de certaines conditions telles que la conservation des biens pendant un total de six ans et l'exercice des fonctions de direction dans l'entreprise. Ce dispositif est d'autant plus efficace qu'il s'applique sans limitation de montant. En outre, réalisée en pleine propriété et avant les 70 ans du donateur la transmission réalisée dans le cadre du dispositif « Dutreil » bénéficie d'un avantage supplémentaire sous la forme d'une réduction de droits de 50 % prévue à l'article 790 du CGI. Enfin, les mesures précitées sont cumulables avec les dispositifs de droit commun tel que l'abattement individuel en ligne direct prévu à l'article 779 du CGI, s'élevant à 100 000 euros par parent et par enfant. Il n'apparaît pas nécessaire d'ajouter à cet ensemble largement dérogatoire au droit commun qui permet d'exonérer de DMTG l'essentiel des transmissions à titre gratuit d'exploitations agricoles, voire la totalité pour les plus petites d'entre elles. Un allégement plus conséquent de la fiscalité agricole centré sur les seules exploitations viticoles, outre qu'il ne profiterait qu'aux plus riches d'entre elles qui ont le moins besoin d'être aidées, présenterait en outre un risque élevé de censure constitutionnelle au regard du principe constitutionnel d'égalité entre les redevables. En ce qui concerne la certification environnementale, en application de l'article L. 611-6 du code rural et de la pêche maritime, les exploitations agricoles utilisant des modes de production particulièrement respectueux de l'environnement peuvent faire l'objet d'une certification qui comporte plusieurs niveaux d'exigences environnementales dont le plus élevé repose sur des indicateurs de performance. À ce titre, l'article D. 617-4 du code rural et de la pêche maritime précise que la certification de troisième niveau, permettant l'utilisation de la mention « exploitation de haute valeur environnementale », atteste du respect, pour l'ensemble de l'exploitation agricole, des seuils de performance environnementale portant sur la biodiversité, la stratégie phytosanitaire, la gestion de la fertilisation et de la ressource en eau. La mention « issu d'une exploitation de haute valeur environnementale », utilisée dans la publicité, l'étiquetage ou la présentation des produits dans les conditions prévues à l'article R. 641-57-1 du code rural et de la pêche maritime, permet ainsi de valoriser les efforts des viticulteurs et des agriculteurs en matière de préservation de l'environnement. Par ailleurs, aux termes de l'article 244 quater L du code général des impôts (CGI), les entreprises agricoles bénéficient d'un crédit d'impôt au titre de chacune des années 2011 à 2017 au cours desquelles au moins 40 % de leurs recettes proviennent d'activités mentionnées à l'article 63 du CGI relevant du mode de production biologique conformément aux règles fixées dans le règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil, du 28 juin 2007, relatif à la production biologique et à l'étiquetage de produits biologiques. Le montant de ce crédit d'impôt est de 2 500 euros. Dans ce cadre, sans mésestimer son intérêt, la certification de haute valeur environnementale ne poursuit pas le même objectif que le crédit d'impôt, ce dernier visant à soutenir le développement de la production en agriculture biologique. Par conséquent, le crédit d'impôt ne peut être accordé à des agriculteurs et des viticulteurs qui s'engagent dans un processus de bonnes pratiques environnementales dans la gestion quotidienne de leurs exploitations, mais qui ne vont pas jusqu'à les convertir au mode de production biologique. En outre, une telle ouverture du crédit d'impôt aurait pour conséquence d'augmenter le coût de cette dépense fiscale qui est d'ores et déjà très dynamique. Enfin, s'agissant de la gestion des risques dans le secteur agricole, conformément aux engagements pris par le Gouvernement devant l'Assemblée nationale lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, une réflexion autour de la fiscalité agricole a été menée par le Gouvernement au cours du premier semestre de l'année 2018, associant un groupe transpartisan de parlementaires et des représentants des professionnels agricoles. Elle a conduit à proposer, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019, une réforme équilibrée conforme aux attentes du secteur. Le nouveau dispositif proposé, la « déduction pour épargne de précaution », répond aux critiques faites à la déduction pour aléas (DPA), qui, du fait d'un encadrement considéré comme trop strict, était peu utilisée. Ainsi, par rapport à la DPA, les plafonds de la nouvelle déduction sont revalorisés et s'adaptent à la capacité bénéficiaire des agriculteurs, l'utilisation des sommes déduites est libre, les conditions de constitution de l'épargne sont assouplies et le délai d'utilisation des sommes est portée à 10 ans. Les exploitants agricoles disposeront donc désormais d'un outil de gestion des risques performant et adapté aux spécificités de leur profession.

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