Question de Mme TOCQUEVILLE Nelly (Seine-Maritime - SOCR) publiée le 22/03/2018

Mme Nelly Tocqueville attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur les choix du Gouvernement suite au lancement, à l'automne dernier, des cinq grands chantiers de la justice et ses conséquences sur la carte judiciaire, notamment en Normandie.

Le barreau de Rouen s'est récemment ému du possible transfert du siège de la cour d'appel de Rouen vers Caen. Cette décision serait un signal particulièrement négatif pour la capitale régionale. En effet, au-delà de la présence historique en Seine-Maritime, un certain nombre d'éléments objectifs prouvent combien il est indispensable de maintenir ce siège à Rouen :

- Le poids des procédures : avec ses 39 magistrats du siège, 12 du parquet général et ses 86 fonctionnaires, la cour d'appel de Rouen a accueilli en 2017, 6165 affaires nouvelles, tandis qu'elle en clôturait 6346. Une volumétrie représentant environ 60 % des affaires régionales, contre 40 % pour la cour d'appel de Caen. On notera par ailleurs que la cour d'appel de Rouen, ce sont aussi 833 avocats (dont l'activité rapporte chaque année à l'État plus de 200 millions d'euros de TVA), 289 notaires, 85 huissiers de justice et 454 experts judiciaires qui lui sont directement rattachés;

- La présence de l'État : on trouve à Rouen l'ensemble des services régaliens de l'État alors que, de son côté, Caen bénéficie de la présence des directions de l'éducation (Rectorat), de la culture (DRAC) et de la santé (ARS). En effet, siègent à Rouen les services de la préfecture de Région mais également un nombre important de services qui sont liés à la cour d'appel : La direction régionale des finances publiques, la cour régionale des comptes, le commandement de gendarmerie, la direction régionale de la police judiciaire, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi;

- enfin, la Seine-Maritime compte plus de 1,2 millions d'habitants, représentant ainsi 40 % de la population normande. Il est à noter que le dynamisme démographique de l'ex Haute-Normandie est bien plus élevé que celui de l'ex Basse-Normandie. Par ailleurs, le bassin de la cour d'appel de Rouen reste le plus important bassin d'emploi régional, avec près de 700 000 emplois, pesant 57 % du PIB régional et accueillant de nombreux centres de décisions économiques.

Il est bien évident que le regroupement des régions conduit l'État à réorganiser ses implantations en Normandie. De ce point de vue, l'implantation d'une cour d'appel dotée d'un rôle de coordination et d'animation régionale et du pilotage de la gestion budgétaire trouve naturellement sa place à Rouen, en parfaite cohérence avec les précédents choix de l'État. Elle lui demande de rassurer les acteurs locaux sur ce sujet.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 27/09/2018

Le rapport ayant pour objet le « renforcement de l'efficacité de l'organisation judiciaire et adaptation du fonctionnement des juridictions » remis à Mme la Garde des Sceaux, Ministre de la justice, contenait plusieurs pistes en vue d'arriver à cet objectif, dont une était d'instituer des cours d'appel de région et des cours d'appel territoriales. Cette proposition n'a cependant pas été retenue par le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice au regard de ses incidences considérables. L'option retenue dans le projet de loi présenté au Conseil des Ministres du 20 avril 2018 maintient toutes les cours d'appel existantes dans la plénitude de leurs compétences. Il prévoit cependant d'expérimenter sur un ressort pouvant s'étendre à plusieurs cours d'appel au sein d'une même région administrative une nouvelle forme d'organisation. Il s'agirait ainsi de confier des pouvoirs d'animation et de coordination aux chefs de cour du ressort élargi, désignés par décret, et de permettre la spécialisation de certaines de ces cours dans un ou plusieurs contentieux civils en vue d'harmoniser la réponse judiciaire. Cette expérimentation, si elle est votée, serait menée dans deux régions pour une durée de trois ans à compter de la publication de la loi. Cela permettra d'évaluer l'efficacité de ce dispositif. L'expérimentation de cours d'appel « de région » vise à limiter le nombre d'interlocuteurs judiciaires dans la conduite des politiques publiques impliquant l'intervention de l'institution judiciaire. Le ministère de la justice souhaite pouvoir mesurer si ce dispositif répond aux besoins exprimés par les services et administrations de l'État qui ont adapté leur organisation à la réforme territoriale des régions administratives. Les territoires, à partir des outils qui seront mis à leur disposition, pourront proposer une organisation plus efficace s'ils l'estiment nécessaire. Ainsi, en spécialisant les cours d'appel sur certains contentieux, seront assurées une meilleure harmonisation des jurisprudences et une plus grande rapidité du traitement des contentieux au bénéfice des justiciables. Aucune décision n'a été arrêtée à ce jour quant au choix des cours d'appel qui seraient retenues pour mettre en œuvre l'expérimentation prévue à l'article 54 du projet de loi.

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