Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UC) publiée le 15/03/2018

M. Hervé Maurey attire l'attention de M. le ministre de l'action et des comptes publics sur les conclusions de la Cour des comptes en matière de rémunération des dirigeants des autorités administratives indépendantes, dans le cadre de son rapport de février 2018 intitulé « Autorités administratives et publiques indépendantes : politiques et pratiques de rémunération (2011-2016) ».
Dans ce rapport, la Cour des comptes fait le constat d'une augmentation globale de la masse salariale des autorités administratives indépendantes (AAI) entre 2011 et 2016. Si celle-ci reste « contenue », selon les termes de la Cour des comptes, « celle de leurs dirigeants s'est révélée dynamique ».
Ainsi, la Cour des comptes relève qu'à fonctions et responsabilités relativement proches, les rémunérations des dirigeants (directeurs, secrétaires généraux, etc.) des AAI sont significativement supérieures à celles pratiquées dans les administrations classiques. Elle note qu'aucune autorité contrôlée n'a mis en place un « comité des rémunérations » pour examiner les principes de la politique de rémunération des équipes de direction et des cadres dirigeants de l'AAI.
S'agissant des rémunérations plus particulières des présidents des AAI, le rapport estime qu'elles sont comparables à celles des fonctions administratives les plus élevées. Les exemples suivants de rémunération annuelle brute de président cités par le rapport sont notables : plus de 200 000 euros pour celui de la Haute autorité de santé, près de 190 000 euros pour celui de l'autorité de régulation des jeux en ligne. A minima, la Cour des comptes estime qu'un fondement réglementaire de leur rémunération devrait être systématique pour l'ensemble des AAI.
Elle remarque également que les revenus d'activité des présidents des AAI, anciens fonctionnaires, peuvent être cumulés intégralement avec la retraite de la fonction publique. Sur ce point, le rapport recommande que la fixation de l'indemnité de fonction allouée tienne compte de la liquidation de la pension de retraite de la fonction publique.
Ces différents constats posent question quant à la légitimité des politiques de rémunération des dirigeants pratiquées dans les AAI, au regard des pratiques salariales dans les administrations classiques, du manque d'encadrement et de transparence de celles-ci.
Aussi, il lui demande les mesures qu'il compte prendre afin de mieux encadrer la rémunération des dirigeants des AAI et de la rendre plus conforme à celle observée dans l'administration.

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Réponse du Ministère de l'action et des comptes publics publiée le 31/05/2018

Dans son rapport de février 2018 intitulé « Autorités administratives et publiques indépendantes : politiques et pratiques de rémunération (2011-2016) », la Cour des comptes fait le constat d'une augmentation globale de la masse salariale des autorités administratives indépendantes (AAI) entre 2011 et 2016. Les personnels des AAI sont placés dans des situations statutaires très diverses qui conditionnent les modes de détermination de la rémunération des intéressés. La loi n°  2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, qui constitue le nouveau cadre légal régissant le statut des personnels des AAI, n'a pas fait, comme le note la Cour, de l'affectation des fonctionnaires dans les AAI le principe, et le recrutement de contractuels l'exception. Tout emploi d'une AAI peut donc être indifféremment pourvu par un fonctionnaire, placé dans une position conforme à son statut, ou par un contractuel. Le choix d'un plus large recours au contrat peut se justifier par la recherche de compétences professionnelles particulières que ne présentent pas les corps de l'administration classique, permettant d'associer à la gouvernance des AAI des personnalités issues des secteurs professionnels couverts par le champ de missions des AAI. En adoptant un cadre juridique dérogatoire au droit commun du statut général des fonctionnaires, le législateur a favorisé le développement de certaines positions statutaires, comme le détachement sur contrat, et le recrutement d'agents contractuels qui ont, selon la Cour, un effet « inflationniste » sur les rémunérations des fonctionnaires exerçant dans ces AAI. Le statut juridique d'AAI prévoyant une exemption du contrôle budgétaire de droit commun, les actes de recrutement des personnels contractuels et les conditions de leur rémunération ne sont pas soumis au visa préalable des services de contrôle budgétaire et comptable ministériel (CBCM). Il appartient, dans ces conditions, aux responsables d'AAI de veiller à la bonne adéquation du niveau de rémunération proposé aux agents qu'ils recrutent aux niveaux de responsabilités exercées et de qualifications exigées. De même, il appartient à ces responsables d'interroger les conditions de recours au contrat lorsque celui-ci est proposé à un fonctionnaire détaché : les spécificités de l'emploi occupé par rapport aux missions que le fonctionnaire a vocation à accomplir dans son corps doivent justifier le recours au contrat ainsi que le gain de détachement.  Afin de mettre en place des modalités d'autocontrôle, l'adoption par chaque autorité indépendante d'un cadre de gestion, visant à définir des espaces de rémunération des agents contractuels de chaque AAI devrait permettre de donner plus de lisibilité aux conditions de rémunération de ces agents et de veiller à la cohérence de celles-ci avec celles des fonctionnaires affectés au sein de l'AAI qui y exerceraient des missions analogues. S'agissant des conditions de rémunération des fonctionnaires affectés dans les AAI pour y accomplir des missions correspondant à leur corps, elles sont directement déterminées par les textes statutaires et indemnitaires applicables aux corps : les fonctionnaires affectés dans les AAI ne sont donc pas traités différemment des fonctionnaires affectés dans d'autres administrations du point de vue de leur rémunération principale et des plafonds indemnitaires qui leur sont appliqués.  Si la Cour constate que les compléments de rémunération indemnitaire des fonctionnaires affectés dans les AAI prennent rarement en compte la performance individuelle, la pratique des AAI ne diffère pas de celle des autres administrations de l'État, qui ne fondent qu'assez peu leur politique indemnitaire sur la prise en compte des performances des agents, bien que les textes indemnitaires rendent possible une telle modulation. C'est pourquoi une concertation est actuellement conduite avec les organisations syndicales pour examiner dans quelles conditions la manière de servir pourrait être, en pratique, mieux prise en compte dans la rémunération des fonctionnaires, dans toutes les administrations de l'État y compris les AAI. En ce qui concerne l'évolution des effectifs, la Cour constate que les effectifs des AAI ont évolué, de manière contrastée, selon la montée en charge des autorités. Il s'agit donc, comme le recommande la Cour, d'étayer le suivi de la gestion des activités des AAI par des indicateurs représentatifs des activités et de la performance de l'autorité, afin de documenter toute demande de ressources supplémentaires. À cet égard, le suivi de la gestion des AAI est d'ores et déjà rendu possible à travers les indicateurs de performance présentés dans les documents budgétaires annexés aux lois de finances au titre des programmes dont elles relèvent (notamment le programme 308 « Protection des droits et libertés » de la mission « Direction de l'action du gouvernement »). S'agissant des autorités publiques indépendantes (API), la présentation d'indicateurs de performance est une obligation législative. En effet, la loi n°  2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des AAI et des API prévoit que le rapport général annexé au projet de loi de finances comporte, pour les API, « la définition d'objectifs et d'indicateurs de performance ». S'agissant du jaune AAI-API annexé au PLF 2018, cette disposition s'est traduite par la présentation par les API de 1 à 9 indicateurs par autorité. Ces indicateurs traitent de l'activité des autorités (par exemple : indicateur « nombre d'échantillons reçus et analysés » pour l'agence française de lutte contre le dopage (AFLD) ) ou de leur performance (par exemple : indicateur « efficience de la gestion des fonctions supports » pour l'autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) ). Enfin, pour mieux maîtriser les dépenses de rémunération, l'architecture budgétaire des AAI a été clarifiée, les AAI disposant désormais d'un budget opérationnel (BOP) propre, ce qui permet aux responsables des programmes concernés de définir un cadre de gestion permettant de favoriser l'exercice de l'autonomie budgétaire des AAI.

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