Question de M. CANÉVET Michel (Finistère - UC) publiée le 15/03/2018

M. Michel Canevet attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire concernant la réglementation applicable aux moulins situés sur des cours d'eau classés en liste 2.

La question de la continuité écologique, qui est caractérisée par l'absence de perturbations de la migration des poissons et du transport sédimentaire n'est pas récente puisque les premiers textes concernant la migration des poissons datent de 1865. La législation sur l'eau, notamment la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, définit ainsi un classement des cours d'eau selon deux listes, déterminées à l'article L 214-17 du code de l'environnement. La première n'autorisant aucune construction si celle-ci crée un obstacle à la continuité, la seconde (liste 2) obligeant la mise en conformité des ouvrages qui font obstacle à cette continuité avec pour échéance initiale juillet 2017.

Deux lois sont venues compléter ce cadre juridique : la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages accorde un délai supplémentaire de cinq ans aux propriétaires engagés dans une démarche de mise en conformité et la loi n° 2017-227 du 24 février 2017 ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l'autoconsommation d'électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables. Ce dernier texte introduit dans le code de l'environnement l'article L. 214-18-1, qui restreint le champ d'application de l'article 214-17 et instaure une dérogation au principe de restauration de la continuité, les moulins produisant de l'électricité à la date de la loi n'étant plus soumis aux règles liées à la liste 2 des cours d'eau.

Or, les services de l'État semblent interpréter de manière particulièrement restrictive cette disposition législative, ce qui ne correspondrait ni à la lettre, ni à l'esprit de la loi.
Plus particulièrement, la direction de l'eau et de la biodiversité et les associations de sauvegarde des moulins apprécient de façon très différente le champ d'application de l'article L. 214-18-1, ces dernières considérant que tout moulin doit être affranchi et exonéré de mise en conformité.

Outre des enjeux financiers particulièrement importants - les mises en conformité pouvant dépasser plusieurs milliers d'euros pour chaque moulin -, il se pose un problème d'interprétation des textes. Les services de la direction de l'eau et de la biodiversité du ministère de la transition écologique et solidaire ont en effet transmis aux services déconcentrés de l'État une note relative à « l'application de l'article L. 214-18-1 du code de l'environnement dans les dossiers d'instruction loi sur l'eau ». Celle-ci sert désormais de référence pour les préfets et les services concernés, mais n'a jamais été signée, ni même publiée au Journal officiel, ce qui peut poser la question de sa légalité formelle. De plus, il y est indiqué que selon l'article L. 210-1 du code de l'environnement, l'utilisation et la valorisation de la ressource en eau, dans le respect des équilibres naturels, est d'intérêt général. Enfin, selon l'article L. 211-1 de ce même code, la gestion équilibrée et durable de l'eau vise la préservation et la restauration des écosystèmes aquatiques, des sites et zones humides et fait de l'obligation d'assurer la continuité écologique sur les bassins versants un objectif de la gestion équilibrée et durable de l'eau dont l'autorité administrative doit assurer le respect sur l'ensemble des cours d'eau. Il y aurait donc une opposition entre les objectifs fixés par ces deux articles et ceux posés par l'article L. 214-18-1, issus d'une loi postérieure.

Aussi, face à ce problème d'interprétation, il souhaite connaître son analyse et son avis sur cette situation.

- page 1175


Réponse du Ministère de la transition écologique et solidaire publiée le 09/08/2018

L'article L. 214-18-1 du code de l'environnement exonère les moulins équipés par leurs propriétaires ou des tiers, pour la production hydroélectrique, des obligations de restauration de la continuité écologique issues du classement du cours d'eau en liste 2 au titre de l'article L. 214-17 du même code. Une fiche nationale a été rédigée par le ministère de la transition écologique et solidaire afin de faciliter la lecture de cet article législatif et d'homogénéiser les décisions des services déconcentrés prises en application de celui-ci. Les éléments portés dans cette fiche de lecture sont présentés ci-dessous. La notion de moulin a été précisée afin de délimiter l'objet de la loi, dans la mesure où elle n'est pas définie juridiquement. La définition proposée dans la fiche de lecture est tirée de celle donnée dans le guide à l'attention des propriétaires de moulins réalisé par les deux fédérations de défense des moulins et l'association française des établissements publics territoriaux de bassin (AFEPTB) en 2013 (installations utilisant la force mécanique de l'eau). Il a été considéré qu'un moulin équipé est un moulin d'ores et déjà équipé pour la production hydroélectrique ou en train d'être équipé à la date de publication de la loi. La notion de moulin « régulièrement installé », portée dans le deuxième paragraphe de l'article législatif est issue de la jurisprudence. La fiche de lecture a précisé le cadre de mise en œuvre de cette disposition au regard des obligations européennes et engagements internationaux de la France en matière de bon état des cours d'eau, de protection d'espèces et de reconquête de la biodiversité, dont le règlement européen pour l'anguille qui est de portée juridique supérieure à toute disposition légale française. Les modalités de lecture et d'application de cet article législatif sont sensibles. Le comité national de l'eau a travaillé pendant plusieurs mois, en associant l'ensemble des parties prenantes dont les représentants des fédérations de moulins, à l'élaboration d'un « Plan d'action pour une mise en œuvre apaisée de la continuité écologique ». Ce plan, approuvé par le ministère de la transition écologique et solidaire, se trouve à l'adresse internet suivante : https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/continuite-ecologique-des-cours-deau-0#e5. Celui-ci prévoit notamment un axe dédié à la connaissance des spécificités des moulins parmi d'autres actions transversales pouvant également concerner les moulins. Il est souhaitable que la mise en œuvre rapide des actions identifiées soit de nature à faciliter un dialogue apaisé.

- page 4198

Page mise à jour le