Question de M. VOGEL Jean Pierre (Sarthe - Les Républicains) publiée le 08/03/2018

M. Jean Pierre Vogel attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. En France, aux termes du troisième alinéa de l'article L. 125-1 du code des assurances, « sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles [...] les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises. » S'il est vrai que l'initiative de la procédure revient au maire, qui constitue le dossier de demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, c'est le préfet qui fait instruire la requête de chaque commune par les experts des services spécialisés.
Puis, au vu des rapports techniques de ces services, il dispose d'un mois pour déterminer si l'événement survenu présente réellement un caractère exceptionnel eu égard à sa rareté dans le temps et à son intensité. S'il estime que c'est le cas, il transmet au ministre de l'intérieur les demandes des communes accompagnées des rapports techniques et de son propre rapport circonstancié.
Ces demandes sont ensuite examinées par une commission interministérielle chargée d'émettre un avis sur les dossiers de chaque commune. C'est sur la base de cet avis qu'il est procédé à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle par arrêté interministériel des ministres chargés de l'intérieur, de l'économie et des finances ainsi que du budget. Au fil des catastrophes naturelles, il apparaît que le système mis en place pour reconnaitre l'état de catastrophe naturelle et permettre aux personnes sinistrées d'être indemnisés révèle une opacité : demandes souvent rejetées par les services de l'État, pour des motifs jugés obscurs par un grand nombre de propriétaires sinistrés, arrêté ministériel très rarement motivé par le préfet. Si la décision finale de reconnaissance de catastrophe naturelle appartient aux ministres, en réalité, c'est une commission interministérielle, sans existence légale, qui prend la décision. L'absence de clarté des critères utilisés pour reconnaître, ou refuser de reconnaître cet état, est patente. Sans grille de lecture déterminée, il est extrêmement difficile de former un recours devant le juge administratif.
Il lui demande donc de bien vouloir lui faire part de ses intentions d'une évolution de la procédure de reconnaissance de catastrophe naturelle voire d'une réforme qui serait porteuse d'espoirs pour de nombreuses communes touchées par ce phénomène et qui sont jusqu'ici impuissantes face à des décisions de refus très opaques.

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 13/09/2018

Le régime de la garantie catastrophe naturelle est fixé par les articles L. 125-1 et suivants du code des assurances. Ces dispositions précisent les conditions dans lesquelles les demandes communales de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle sont traitées et posent le principe d'une obligation d'information des communes concernées des motivations des décisions de reconnaissance ou de non-reconnaissance adoptées par les ministres. S'agissant des conditions d'instruction des demandes communales de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, aucun texte législatif ne détaille ses modalités pratiques. Les ministres compétents ont adopté deux circulaires les 27 mars 1984 et 19 mai 2018 afin d'organiser le dispositif prévu par la loi. La première circulaire institue une commission interministérielle chargée de formuler des avis à l'attention des ministres (intérieur, finances et écologie) sur les demandes communales et la seconde précise les modalités d'instruction et de transmission des demandes communales par les services de l'État à l'échelon central et déconcentré. Ce dispositif a conduit à la reconnaissance de 61,9 % des demandes communales présentées aux ministres en 2016 et à 66,5 % des dossiers présentés en 2017, tous aléas confondus. La commission interministérielle est une instance administrative qui rend des avis simples qui ne lient pas l'autorité administrative. Les décisions de reconnaissance ou de non-reconnaissance sont adoptées par les ministres compétents sous la forme d'arrêtés publiés au Journal officiel. La jurisprudence du Conseil d'État a constamment confirmé la légalité de la commission et des circulaires adoptées pour encadrer les modalités d'instruction des demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle qui est une manifestation du pouvoir réglementaire des ministres (Conseil d'État - 14 mai 2003 - ville d'Agen, n°  235051 ; Conseil d'État - 14 mars 2005 - commune de Draguignan, n°  252462). Les critères mis en œuvre par la commission interministérielle pour formuler ses avis sont fondés sur les dispositions de l'article L. 125-1 du code des assurances qui précisent que « sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles (…) les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises  ». Il ressort de la loi que pour décider de la reconnaissance d'une commune en état de catastrophe naturelle, les ministres sont tenus de se prononcer sur l'intensité anormale de l'agent naturel à l'origine des dégâts et non sur l'importance des dégâts eux-mêmes. La reconnaissance intervient seulement lorsque le caractère exceptionnel de l'événement est avéré sur le fondement de critères techniques adaptés, propres à chaque type d'aléa susceptible d'être à l'origine d'une catastrophe naturelle. Ces critères s'appuient sur les connaissances scientifiques disponibles et sont donc susceptibles d'évoluer afin de prendre en compte leur amélioration. Le juge administratif a affirmé que les dispositions de l'article L. 125-1 du code des assurances, qui ne détaillent pas le contenu des critères techniques pris en compte par la commission interministérielle pour caractériser une catastrophe naturelle, ont « nécessairement conféré aux ministres le pouvoir de déterminer les critères objectifs sur la base desquels peut être admise l'intensité anormale d'un agent naturel » (cour administrative d'appel de Paris – 30 décembre 2011 – commune de Saint-Fargeau-Ponthierry, n°  10PA01015). Il ne fait pas obstacle à ce que « les ministres compétents déterminent une méthodologie et des critères lui permettant d'apprécier de façon objective la situation de chaque commune, dès lors que ces critères sont en adéquation avec les objectifs » fixés par la loi (cour administrative d'appel de Paris – 2 février 2015 – commune de Bonneuil-sur-Marne, n°  14PA00620). En cas de contentieux, le juge administratif exerce d'ailleurs un contrôle normal portant sur la rectitude de la qualification de catastrophe naturelle. Il contrôle ainsi la réalité de l'action dommageable d'un agent naturel dans la zone litigieuse, l'intensité anormale de l'agent naturel ou son caractère inassurable. S'agissant de la motivation des décisions de reconnaissance ou de non-reconnaissance adoptées par les ministres, l'article L. 125-1 du code des assurances prévoit que les décisions sont ensuite notifiées « auprès de chaque commune concernée par le représentant de l'État dans le département, assortie d'une motivation ». Les préfets sont destinataires des motivations des décisions de reconnaissance des communes prises par les ministres concernés. Les critères techniques ayant fondé chaque décision, propres à chaque type d'aléa, et les modalités de leur mise en œuvre particulière pour chaque commune concernée sont ainsi systématiquement notifiés aux services municipaux par les préfectures. La réalisation de cette obligation est contrôlée par le juge administratif en cas de contentieux. Les sinistrés qui souhaitent connaître les raisons de ces décisions peuvent les solliciter auprès de leur mairie. Dans la mesure où il s'agit de critères permettant de mesurer de la manière la plus objective possible l'intensité et la durée de retour des phénomènes naturels, ils sont nécessairement complexes et fondés sur des notions techniques dont l'appréhension n'est pas toujours aisée de prime abord. Afin de prendre en compte cette situation, les ministères ont conduit une démarche de clarification des critères mis en œuvre, dans un souci de lisibilité. C'est d'ailleurs dans ce cadre que les critères relatifs aux phénomènes de sécheresse et de réhydratation des sols font actuellement l'objet d'une révision qui aboutira avant la fin de l'année 2018. Ces travaux, outre l'approfondissement de la connaissance scientifique des phénomènes, visent à les exposer de la manière la plus simple et compréhensible possible.

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