Question de M. GUÉRINI Jean-Noël (Bouches-du-Rhône - RDSE) publiée le 01/03/2018

M. Jean-Noël Guérini appelle l'attention de M. le ministre de la cohésion des territoires sur la situation préoccupante du mal-logement.
Dans son vingt-troisième rapport sur l'état du mal-logement en France, la fondation abbé Pierre constate que 4 millions de personnes restent mal logées ou privées de domicile, tandis que 12 millions sont touchées à des degrés divers par la crise du logement.
Plus alarmant encore, la plupart des indicateurs de mal-logement traduisent une dégradation de la situation C'est ainsi que le nombre de personnes sans domicile a augmenté de 50 % entre 2001 et 2012 (143 000 selon l'institut national de la statistique et des études économiques - INSEE), celui des personnes en hébergement contraint chez des tiers de 19 % entre 2002 et 2013, celui des personnes en surpeuplement accentué de 17 % entre 2006 et 2013… Les Français sont 44 % de plus qu'en 2006 à se priver de chauffage pour faire des économies. Autre sujet d'inquiétude, le rapport relève que les expulsions locatives avec le concours de la force publique ont bondi de 41 % depuis 2006 pour atteindre le chiffre record de 15 222 en 2016.
Face à ce constat implacable, il lui demande quelles politiques il compte mener afin, comme le recommande le rapport, de « redresser le tir et d'engager enfin une vraie politique sociale du logement couplée à une politique, cohérente et fédératrice, de logement d'abord ».

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Réponse du Ministère de la cohésion des territoires publiée le 11/10/2018

Les situations de mal-logement sont régulièrement mises en exergue par la Fondation Abbé Pierre. Les gouvernements successifs se sont pourtant employés à prendre des mesures, en particulier au travers de la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur). Le Gouvernement continue à soutenir la réalisation de logements abordables. En 2017, 113 041 logements locatifs sociaux dont 30 458 logements très sociaux financés en prêt locatif aidé d'intégration (PLAI) ont été financés. L'adoption du projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan) complétera les avancées de la loi Alur, notamment en matière de prévention des expulsions locatives et de programmation de l'offre de logement et d'hébergement. Par ailleurs, le plan quinquennal pour le logement d'abord et la lutte contre le sans-abrisme (2018-2022) lancé par le Président de la République le 11 septembre 2017 à Toulouse, propose une réforme structurelle de l'accès au logement pour les personnes sans domicile stable. Il répond au constat d'un sans-abrisme persistant en France et d'une saturation toujours croissante des dispositifs d'hébergement d'urgence dans les territoires. De réels efforts ont été réalisés au cours des dernières années pour améliorer la prise en charge des personnes sans-abri ou mal logées, avec une augmentation importante des capacités d'hébergement d'urgence pour faire face à la hausse de la précarité et à la pression migratoire. Entre 2012 et 2018, l'État a créé plus de 60 000 places pérennes d'hébergement, ce qui représente une croissance du parc de 75 %. Cette réponse nécessaire s'est faite dans l'urgence, parfois au détriment de la bonne qualité des solutions proposées. Le recours aux nuitées d'hôtel constitue ainsi une grande part de cette augmentation. Elles ont doublé depuis 2012 pour atteindre 45 000 nuitées quotidiennes en 2017. Si le plan de réduction des nuitées hôtelières produit des effets, il a jusqu'à présent uniquement permis de contenir la hausse. La progression de la demande d'hébergement a conduit à une très forte hausse de la dépense consacrée par l'État à l'hébergement d'urgence et à la veille sociale. Les sommes inscrites sur le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » ont augmenté de près de 70 % depuis 2012 pour atteindre près de 2 milliards d'euros dans la loi de finances 2018. Pourtant, ces efforts importants n'ont pas permis de réduire significativement la tension sur les dispositifs. Le manque de sorties vers le logement des personnes déjà hébergées, dont les facteurs sont multiples, provoque l'allongement des durées de séjour et contribue à engorger le système. Pour relever ces défis, le plan Logement d'abord propose un changement de modèle qui vise à réorienter rapidement et durablement les personnes sans domicile depuis la rue ou l'hébergement vers le logement, et à proposer un accompagnement adapté, modulable et pluridisciplinaire. De nombreuses expérimentations outre-Atlantique et en Europe ont démontré qu'il s'agit d'une stratégie proposant une solution plus digne et plus efficace pour les personnes éprouvant des difficultés d'accès au logement, tout en permettant une rationalisation des finances publiques. Cette politique se fonde sur les besoins exprimés par la personne afin d'adapter les dispositifs à ses besoins et de travailler avec elle sans délai sur son projet d'accès au logement, en s'appuyant sur ses compétences et en prévenant les difficultés. Le plan Logement d'abord vise au développement de solutions pérennes d'accès ou de retour au logement. Le développement de l'offre de logements abordables est une des priorités de ce plan : financement de 40 000 logements très sociaux (PLAI) par an, création sur cinq ans de 40 000 places en intermédiation locative par la mobilisation du parc privé et de 10 000 places en pensions de famille pour les personnes isolées en situation de grande précarité. En accélérant l'accès au logement des personnes à la rue et hébergées, le plan Logement d'abord entend rendre à l'hébergement d'urgence sa vocation première d'accueil inconditionnel et immédiat pour les personnes en détresse. Il s'agit d'une part d'éviter les passages par l'hébergement lorsque l'accès direct au logement peut se faire, et d'autre part de réduire les durées de séjour en accélérant les sorties vers les solutions de logement stables et pérennes. Dès 2018, un objectif chiffré d'accélération des attributions de logements sociaux en faveur des ménages dans l'hébergement a été fixé. Faisant suite à un appel à manifestation d'intérêt,  vingt-quatre territoires ont été retenus pour une mise en œuvre accélérée du plan Logement d'abord en 2018-2019. L'État leur apportera 8 millions d'euros consacrés aux dépenses « support » en 2018, au moins 7 millions d'euros de crédits de fonctionnement dédiés au développement des pensions de famille et de l'intermédiation locative, et 8 millions d'euros par an apportés par l'agence nationale de l'habitat (Anah) pour la mobilisation du parc privé à vocation sociale et notamment la remise sur le marché de logements vacants. Le Logement d'abord implique des évolutions structurelles et organisationnelles des dispositifs existants et des pratiques professionnelles. Il a pour enjeu de décloisonner les approches et mieux coordonner les dispositifs pour offrir aux personnes un accompagnement au plus proche de leurs besoins. Les évolutions positives intervenues ces dernières années, notamment la constitution d'un service intégré d'accueil et d'orientation (SIAO) unique dans chaque département et l'élaboration des stratégies territoriales partagées via les plans départementaux d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD), doivent se poursuivre et s'amplifier pour porter pleinement leurs effets.

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