Question de M. GUÉRINI Jean-Noël (Bouches-du-Rhône - RDSE) publiée le 01/03/2018

M. Jean-Noël Guérini appelle l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire sur l'impact environnemental des métaux rares.
Dans un ouvrage publié en janvier 2018, « La guerre des métaux rares », un journaliste met au jour, après six années d'enquête dans une douzaine de pays, ce qu'il qualifie de « face cachée de la transition énergétique et numérique ». Il démontre que, contrairement aux idées reçues, le recours au numérique (smartphones, ordinateurs, tablettes et autre objets connectés) et même à la « green-tech » (éoliennes, panneaux solaires, véhicules électriques) s'avère très peu respectueux de l'écosystème. En effet, ces technologies recourent à une trentaine de métaux rares (cobalt, gallium, graphite, indium, prométhium, tungstène, terres rares légères ou lourdes…) dont l'extraction et le raffinage sont dévastateurs pour l'environnement. Les pays occidentaux ont délocalisé ces procédés dans des pays comme la Chine, qui produit 95 % des terres rares mondiales, au mépris de leur indépendance comme des standards écologiques et sanitaires les plus élémentaires ; autour de Baotou, on trouve des lacs de rejets toxiques et des villages dont les habitants meurent du cancer. Le tribut réel pour un monde supposé virtuel et plus vert est donc considérable, au point que la révolution numérique pourrait se révéler encore plus polluante que la révolution industrielle.
Le renouvelable nécessitant des matières qui ne le sont pas, il aimerait savoir comment il compte traiter la question des métaux rares, afin que la France ne soit pas dépendante d'une extraction minière délocalisée et écologiquement irresponsable.

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Réponse du Ministère de la transition écologique et solidaire publiée le 10/05/2018

L'ouvrage cité met en lumière des stratégies de captation des ressources minières et progressivement de toute la chaîne de valeur sur toutes les technologies émergentes par la production de matières premières raffinées ou minières (terres rares, aimants permanents, cuivre, cobalt-batteries, etc.). L'ouvrage met également en évidence le fait que l'approvisionnement en métaux induit par nos modes de consommation et nos politiques de transitions énergétique et numérique se traduit par un transfert, ignoré et non maîtrisé, des pressions environnementales et sociales. En fait, dès 2008, la Commission européenne a adopté un document stratégique « Initiative matières premières – répondre à nos besoins fondamentaux pour assurer la croissance et créer des emplois en Europe », qui propose une approche globale pour répondre aux défis qui se présentent dans le domaine des matières premières industrielles. Cette stratégie européenne s'appuie sur trois piliers : garantir aux entreprises européennes un accès au marché international, améliorer les procédés de production de ressources minérales et valoriser les ressources européennes. La France participe activement à l'orientation stratégique de cette initiative et à sa mise en œuvre. Au niveau national, la France a créé en 2011 le comité des métaux stratégiques (COMES), composé de représentants des fédérations professionnelles et des industriels producteurs, recycleurs et utilisateurs des métaux, des administrations concernées, des opérateurs publics et des centres de compétences (pôles de compétitivité). Ce comité est un lieu de concertation et d'échanges des acteurs français. En 2017, il s'est penché sur les besoins en métaux pour la transition énergétique et la criticité des métaux (note de position sur les métaux de la transition énergétique publiée sur www.mineralinfo.fr). Par ailleurs, dans le cadre de son programme d'investissement d'avenir, le Gouvernement soutient financièrement la recherche et le développement sur la production de métaux stratégiques. Plusieurs projets industriels ont d'ores et déjà vu le jour, permettant à la France d'augmenter et d'élargir sa production de métaux stratégiques (par exemple : augmentation de la capacité de production d'indium du site Nyrstar (Auby), inauguration d'écotitanium, première usine de recyclage de chute de titane de qualité aéronautique, qui s'ajoutent aux productions (déjà présentes) de silicium métal et d'hafnium). Le Gouvernement accompagne également le regain d'activité d'exploration du territoire minier avec la délivrance depuis 2012 d'une dizaine de permis exclusifs de recherche. Les conclusions de l'ouvrage susvisé sur les enjeux environnementaux, économiques et sociaux relatifs à la mobilisation accrue de métaux pour les transitions écologique et numérique rejoignent donc les préoccupations du Gouvernement. Les matières premières nécessaires à la transition énergétique, comme toutes les matières premières, doivent être produites dans des conditions environnementales et sociales soutenables. Ainsi, la feuille de route sur l'économie circulaire (FREC), publiée en avril 2018, propose des actions concrètes pour réduire les impacts environnementaux et sociaux de l'extraction et de la production des métaux, et plus généralement des matières premières : une meilleure prise en compte de l'environnement et de la participation du public dans les activités minières à travers la réforme du code minier français, un accompagnement des entreprises françaises dans la mise en place d'une démarche de certification environnementale et sociale pour réduire les impacts environnementaux et sociaux des matières premières lorsqu'elles sont produites dans des pays où le cadre réglementaire environnemental et social est défaillant, et la mise en place d'une démarche de responsabilité sociale et environnementale spécifique à l'industrie minière. Le plan Ressources pour la France propose en outre un ensemble d'actions visant à mieux adapter offre et besoins en ressources naturelles. S'agissant plus spécifiquement de l'impact de la transition numérique sur l'environnement, il fait l'objet de plusieurs travaux. Ainsi a été remis le 19 mars 2018 au Gouvernement par l'Institut de développement durable et des relations internationales, la Fondation Internet Nouvelle Génération, WWF France et GreenIT.fr, un livre blanc « numérique et environnement ». Plusieurs des vingt-six recommandations qui y sont formulées font l'objet de chantiers dans le cadre de la FREC et les autres vont inspirer l'action des pouvoirs publics. Par ailleurs, un rapport complémentaire a été sollicité pour juin 2018 à France Stratégie, qui organise actuellement un cycle de séminaire sur l'impact environnemental du numérique.

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