Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UC) publiée le 01/03/2018

M. Hervé Maurey attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les conséquences des achats de terres agricoles par des investisseurs étrangers.
Il apparaît que des mouvements importants d'achat de terres agricoles en France par des investisseurs étrangers, notamment chinois, ont été observés ces dernières années. Ces opérations peuvent concerner plusieurs centaines d'hectares de terre.
En 2016, une société chinoise a ainsi acheté 1 700 hectares de terres dans l'Indre à travers quatre opérations d'investissements. Dernièrement, dans l'Allier, 900 hectares auraient été rachetés en quatre mois par des entreprises chinoises à des prix bien plus élevés que ceux du marché. Ce phénomène serait la conséquence du manque de terres arables dans ce pays, alors que dans le même temps la demande augmente avec le développement de la classe moyenne.
Ces décisions d'investisseurs étrangers sont indissociables du prix du foncier agricole, moindre que dans d'autres pays européens, et de l'attractivité du modèle agricole français : savoir-faire, rendement, subventionnement ou encore organisation de la filière. Il n'est pas à écarter que ces investissements répondent également à des logiques purement financières, les terres agricoles représentant en effet des actifs non risqués.
En conséquence, le prix du foncier agricole augmente rapidement et devient inaccessible aux agriculteurs indépendants.
Si aux termes des articles L. 143-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime, les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) sont dotées d'un droit de préemption, celui-ci est limité notamment dans les cas d'une cession partielle de parts ou d'actions d'une société dont l'objet principal est la propriété agricole. En se constituant en société et en ne cédant pas la totalité des parts de l'exploitation à l'acheteur, le vendeur écarte toute possibilité pour la SAFER de préempter le terrain.
Une proposition de loi relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle adoptée en février 2017, en son article 3, apportait une réponse à cette limite juridique. Toutefois, celui-ci a été censuré par le Conseil constitutionnel (décision n° 2017-748 DC du 16 mars 2017) qui estimait qu'il portait une atteinte disproportionnée au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre.
Un dispositif de contrôle des investissements étrangers par la puissance publique existe déjà dans un certain nombre de secteurs considérés comme stratégiques (défense, eau, énergie, communications électroniques, santé publique…) ; son extension à l'agriculture pourrait être étudiée.
Aussi, il lui demande les mesures qu'il compte prendre afin de remédier à cette situation.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 12/04/2018

Les achats récents de terres agricoles françaises par des investisseurs chinois dans l'Indre en 2016 puis dans l'Allier en 2017 ont révélé que les outils de régulation du foncier sont inadaptés face au développement des phénomènes de concentration par le biais sociétaire. La loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 a permis aux sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) d'exercer leur droit de préemption pour l'acquisition de la totalité des parts sociales d'une société dont l'objet principal est la propriété agricole. Néanmoins, force est de constater que des cessions partielles sont aisément organisées pour contourner ce dispositif. Des initiatives ont été récemment engagées pour protéger les terres agricoles contre ces phénomènes de financiarisation et de concentration d'exploitations agricoles mais elles se sont avérées infructueuses. En effet, une proposition de loi relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles avait été déposée le 21 décembre 2016 visant à instaurer une plus grande transparence dans l'achat de terres par des sociétés et à étendre le droit de préemption des SAFER aux parts sociales ou aux actions en cas de cession partielle. Cette dernière disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel dans une décision n°  2017-748 DC du 16 mars 2017. Toutefois, la loi n°  2017-348 du 20 mars 2017 relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle permet de renforcer la transparence dans l'acquisition de foncier agricole par les sociétés dans la mesure où elle leur impose de rétrocéder, sous certaines conditions, ce bien à une société dédiée au portage du foncier. Le Président de la République a, sur cette question précise, souhaité que des verrous réglementaires puissent être établis afin de connaître avec précision la finalité des achats de terres agricoles. Pour appréhender de manière globale ce phénomène de fond, le Gouvernement a annoncé qu'une réflexion sera menée en 2018 sur l'ensemble des outils de régulation du foncier dans laquelle les questions de protection, de transmission, du portage, des usages et du contrôle du foncier seront étudiées. En parallèle, la mission d'information de l'Assemblée nationale sur le foncier agricole viendra également alimenter cette réflexion.

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