Question de Mme MONIER Marie-Pierre (Drôme - SOCR) publiée le 29/03/2018

Mme Marie-Pierre Monier appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'application des nouvelles modalités d'indemnisation des dommages causés par le loup sur les troupeaux domestiques.

En effet, le plan national d'actions 2018-2023 sur le loup et les activités d'élevage prévoit dans son action 3-1 de conditionner l'indemnisation des éleveurs dont le troupeau a subi une attaque de loup à la mise en place préalable de mesures de protection.

Outre que cette disposition engendre un traitement différent pour des éleveurs confrontés à une même calamité, elle laisse supposer qu'une grande partie des éleveurs ne protégeraient pas leur troupeau face à la menace du loup.

Or, la réalité est toute autre puisque : 90 % des attaques interviennent sur des troupeaux protégés ; certains territoires pastoraux ne sont pas protégeables ; de nombreuses attaques se déroulent hors des cercles dits « 1 » et « 2 », c'est-à-dire sur des communes où le loup est présent pour la première fois.

Les éleveurs confrontés à une pression de prédation de moins en moins soutenable, notamment dans la Drôme, lui ont fait part de leur désarroi et de leur incompréhension devant une disposition dont ils estiment qu'elle marque une absence totale de considération pour leur profession et leur rôle dans la biodiversité, le maintien de l'ouverture des espaces et la lutte contre l'incendie.

Ce sentiment est d'autant plus fort que la rédaction du plan national d'actions loup 2018-2023 apparaît particulièrement floue s'agissant de l'application et de la mise en œuvre de l'indemnisation conditionnelle.

Aussi, elle lui demande de lui préciser la manière dont ces nouvelles modalités relatives à l'indemnisation des dommages causés par le loup sur les troupeaux domestiques vont réellement s'appliquer pour les éleveurs.

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Réponse du Ministère des outre-mer publiée le 25/07/2018

Réponse apportée en séance publique le 24/07/2018

Mme Marie-Pierre Monier. Madame la ministre, le plan national d'actions 2018-2023 sur le loup et les activités d'élevage, publié le 19 février dernier, apporte des modifications importantes aux modalités d'indemnisation des dommages causés par le loup sur les troupeaux domestiques. L'action 3.1 de ce plan conditionne en effet l'indemnisation des éleveurs dont le troupeau a subi une attaque de loup à la mise en place préalable de mesures de protection.

Cette disposition est très mal acceptée par une profession confrontée à une pression de prédation de moins en moins soutenable, notamment dans mon département, la Drôme. Elle est interprétée comme un manque total de considération pour les éleveurs, dont le Gouvernement semble suspecter qu'ils ne protégeraient pas suffisamment leur troupeau face à la menace du loup.

Or, madame la ministre, vous savez que la réalité est tout autre. Tout d'abord, plus de 90 % des attaques de loup visent des troupeaux protégés. Ensuite, certains territoires pastoraux ne sont pas protégeables, ce que le préfet coordonnateur du plan Loup semble avoir acté. Enfin, de nombreuses attaques se déroulent hors des cercles 1 et 2, c'est-à-dire dans des communes où le loup est présent pour la première fois.

En outre, les éleveurs s'interrogent sur l'application et la mise en œuvre de cette indemnisation conditionnelle. Peu claire, la rédaction du plan Loup fait craindre un traitement différent selon les territoires pour des éleveurs pourtant confrontés à une même calamité.

Ainsi, on lit à la page 54 de ce plan que l'indemnisation sera conditionnée à la mise en place des mesures de protection « de manière progressive et adaptée à la situation des élevages, en fonction des territoires – ancienneté de la colonisation, intensité et fréquence des attaques ». À la page suivante, il est précisé que « la nécessité de mise en place de mesures de protection ne pourrait s'appliquer qu'au-delà d'un certain nombre d'attaques par an sur le même troupeau et qu'à partir d'un certain nombre d'années de présence régulière ».

Vous conviendrez, madame la ministre, que nous sommes dans le flou le plus absolu, d'autant que les services de l'État dans les départements ne savent ni quand ni comment pourront être effectués des contrôles, ni surtout par qui – directions départementales des territoires, Office national de la chasse et de la faune sauvage, Agence de services et de paiement ? –, alors que les effectifs des différentes administrations déconcentrées se réduisent de plus en plus.

Dans ces conditions, madame la ministre, pouvez-vous me préciser la manière dont ces nouvelles modalités d'indemnisation des dommages causés par le loup sur les troupeaux domestiques vont réellement s'appliquer pour les éleveurs ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Madame la sénatrice, je vous prie d'excuser mon collègue Stéphane Travert, actuellement à Matignon.

Votre question porte sur la mise en place des nouvelles modalités d'indemnisation des éleveurs confrontés à la prédation par le loup sur les troupeaux domestiques.

Pour commencer, je tiens à rappeler que l'indemnisation des dommages aux troupeaux causés par le loup est une démarche volontaire de l'État, pilotée par le ministère de la transition écologique et solidaire, qui en assure le financement.

Le nouveau plan national d'actions 2018-2023 sur le loup et les activités d'élevage prévoit en effet de conditionner l'indemnisation à la mise en place préalable de mesures de protection. Cette disposition résulte de l'application des lignes directrices agricoles européennes. Le nouveau régime d'indemnisation est en cours de notification à la Commission européenne, qui a déjà reçu les propositions d'autres États membres, notamment la Finlande et l'Allemagne.

La conditionnalité de l'indemnisation ne doit pas être comprise comme révélatrice d'un manque de considération envers la profession agricole. Il s'agit d'une mesure obligatoire visant à assurer la sécurisation juridique et financière du dispositif d'appui à l'élevage.

Madame la sénatrice, le Gouvernement est bien conscient des contraintes que cette mesure peut entraîner pour les éleveurs. C'est pourquoi nous sommes mobilisés pour assurer une mise en œuvre de ce régime proportionnée, juste et adaptée aux spécificités de certains territoires.

Ainsi, sous réserve d'un avis favorable de la Commission européenne, le régime ne s'appliquera pas sur certains fronts de colonisation, dans les zones pour lesquelles, sur décision du préfet, il aura été reconnu que la mise en place de mesures de protection représente des difficultés importantes, du fait notamment des modes de conduite des troupeaux.

La mise en œuvre des nouvelles modalités d'indemnisation dépendra aussi de l'historique de la présence du loup dans les territoires. Nous sommes pragmatiques : nous n'allons pas demander à des éleveurs de se protéger si les risques ne sont pas réels.

Les services de l'État pilotent actuellement un groupe de travail visant à définir les critères à retenir pour qualifier ces zones. Les représentants de la profession y sont intégrés, ce qui était important.

Par ailleurs, je signale que ce nouveau régime d'aide intègre une revalorisation des barèmes d'indemnisation destinée à mieux prendre en compte le coût des pertes subies par les éleveurs.

Madame la sénatrice, le Gouvernement est donc pleinement mobilisé pour agir en faveur de la sauvegarde du pastoralisme, dont le maintien est déterminant pour le développement économique, social et écologique de nos territoires.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour répondre à Mme la ministre.

Mme Marie-Pierre Monier. Madame la ministre, je vous remercie de m'avoir répondu au nom de votre collègue chargé de l'agriculture, alors que le loup n'est pas le prédateur majeur dans les territoires d'outre-mer… (Sourires.) Je n'en regrette pas moins vivement l'absence de M. Travert, qui n'a déjà pas respecté l'engagement qu'il avait pris auprès de moi de venir rencontrer les éleveurs drômois au cours du premier semestre de 2018.

Je puis comprendre qu'une partie d'entre eux aient l'impression qu'eux-mêmes et le pastoralisme sont quelque peu laissés pour compte. J'ai bien noté que les nouvelles modalités d'indemnisation sont en cours d'élaboration et qu'elles seront adaptées au cas par cas, mais il reste que le plan Loup 2018-2023 les conforte dans cette impression, notamment en ce qui concerne les indemnisations.

Ce plan multiplie en effet les cas particuliers, selon le type d'élevage, le territoire, la présence régulière ou non du loup, la fréquence des attaques, les protections… Loin de rassurer les éleveurs, cette diversité de cas sera source d'incertitudes. Puisqu'une négociation est en cours, je vous prie, madame la ministre, de transmettre ces messages à qui de droit.

Par ailleurs, je répète qu'il y a un manque de lisibilité sur les éventuels contrôles. Les services de l'État ont-ils les capacités techniques de les réaliser ?

Les éleveurs craignent que, derrière une volonté d'adapter plus finement la réglementation aux différents cas d'espèce, la réforme n'aboutisse en définitive à une réduction des indemnisations et à un allongement supplémentaire des délais de versement, déjà extrêmement longs.

Madame la ministre, n'oublions jamais que les territoires concernés par le pastoralisme, donc les plus sensibles aux attaques des loups, ne vivent généralement que de deux activités : l'agriculture à dominante d'élevage et le tourisme. Si les éleveurs finissent par renoncer – certains ont déjà abandonn頖, ces territoires se videront, y compris du tourisme, qui ne pourra plus exister sans la présence des locaux pour entretenir les infrastructures et les paysages !

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