Question de M. LAFON Laurent (Val-de-Marne - UC) publiée le 22/03/2018

M. Laurent Lafon attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le projet d'implantation d'une prison à Limeil-Brevannes.

Effectivement, elle a annoncé le 7 mars 2018 à l'Assemblée nationale qu'une quinzaine d'établissements « à sécurité adaptée » sur le modèle des « prisons ouvertes » seraient prochainement ouverts.

Il souhaite donc l'alerter sur le projet de construction d'une structure de ce type dans le département du Val-de-Marne, à Limeil-Brévannes, sur la parcelle dénommée « Ballastière nord ». Cette perspective suscite un vif mécontentement des élus locaux et des Brévannais qu'il partage entièrement.

Les griefs exprimés ne portent pas sur l'opportunité de développer ces nouveaux centres de détention mais sur le choix de la localisation du centre en question qui paraît inopportune à plus d'un titre.

À l'échelle de la région parisienne, la construction d'un second centre de détention dans le Val-de-Marne en sus de la maison d'arrêt de Fresnes lui paraît poser un problème d'équité géographique. La répartition de la population carcérale francilienne serait très nettement déséquilibrée. Les efforts budgétaires qu'entend consentir le Gouvernement en faveur de l'immobilier pénitentiaire dans le Val-de-Marne seraient appréciés à la maison d'arrêt de Fresnes où les conditions de détention se détériorent année après année.

À l'échelle de la commune de Limeil-Brévannes, le choix de cette parcelle pour implanter une prison ouverte remet en cause les efforts fournis par l'équipe municipale renouvelée en 2014 pour développer l'attractivité du nouveau quartier résidentiel contigu au terrain ciblé par l'État. Le choix d'implanter un établissement pénitencier est d'autant plus dommageable que la commune et le territoire « Grand Paris sud est avenir » projettent de développer une zone d'attractivité économique sur la parcelle.

C'est pourquoi, au vu des préoccupations légitimes exprimées par les élus et les Brévannais, il lui demande de lui indiquer où en sont concrètement la réflexion de l'État et le degré d'avancement de ce projet.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministre de l'économie et des finances publiée le 01/08/2018

Réponse apportée en séance publique le 31/07/2018

M. Laurent Lafon. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ma question porte sur le projet de construction d'un établissement pénitentiaire dans le Val-de-Marne.

Mme la garde des sceaux avait annoncé, au mois de mars dernier, qu'une quinzaine de quartiers de préparation à la sortie seraient prochainement ouverts, sur le modèle des « prisons ouvertes » scandinaves. Je ne conteste pas l'objectif, à savoir mieux lutter contre la récidive, alors que plus 60 % des sortants de prison sont réincarcérés dans les cinq ans. Ce qui pose question, c'est le choix de la localisation, tout particulièrement dans le Val-de-Marne, où deux emplacements sont envisagés.

À Limeil-Brévannes, la construction d'une prison serait un coup dur porté aux projets de la ville, et ce pour deux raisons principales : il y a déjà un projet de développement d'une zone d'attractivité économique sur la parcelle envisagée et la prison menacerait la construction de la future station de téléphérique des Temps durables.

À Choisy-le-Roi, le site envisagé est discutable. La construction d'un établissement pénitentiaire risque de freiner l'essor de la ZAC du quartier du Port. La ville de Choisy a besoin du développement de ces anciennes friches en bord de Seine, alors qu'elle souffre d'un réel déficit d'investissement en termes d'équipements publics.

Surtout, je m'interroge sur le choix de construire un nouvel établissement dans le Val-de-Marne. La création de quartiers prioritaires de sécurité ne passe pas forcément par la construction de nouveaux sites. Elle peut passer aussi par des réhabilitations de sites pénitentiaires existants, comme c'est le cas en Isère.

Dans le Val-de-Marne, nous avons justement le deuxième plus grand établissement pénitentiaire de France, celui de Fresnes. Alors que la maison d'arrêt fait l'objet d'un recours devant la Cour européenne des droits de l'homme, la CEDH, pour conditions indignes de détention, Mme la garde des sceaux a annoncé il y a un mois que le principe de la rénovation était retenu. C'est évidemment une bonne nouvelle. L'intégration d'un quartier de préparation à la sortie dans un centre pénitentiaire de Fresnes pleinement rénové apparaît aujourd'hui comme une éventualité.

Ma question est donc simple et double : quels sont les projets de l'État pour la construction de nouveaux établissements pénitentiaires dans le Val-de-Marne ? Comment justifier cette construction ? Pourquoi ne pas rénover le centre pénitentiaire de Fresnes pour y intégrer un quartier de préparation à la sortie ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur Laurent Lafon, j'interviens au nom de Mme la garde des sceaux, qui a eu l'occasion de répondre à des questions d'autres parlementaires sur le sujet et m'indique que son cabinet a reçu l'ensemble des élus qui en ont fait la demande.

Pour la seule Île-de-France, au regard des besoins projetés de la population pénale, ce sont six structures de ce type qu'il faut bâtir. Il s'agit d'établissements fermés, accueillant un public de personnes condamnées à de courtes peines ou d'autres, en fin de peine, dont le potentiel de réinsertion est avéré.

Mme la garde des sceaux vous sait gré de reconnaître l'opportunité de développer notre parc pénitentiaire en adaptant les structures aux différents types de publics qu'il doit accueillir. Elle regrette que vous considériez que ce nécessaire effort doit prendre place ailleurs que dans votre circonscription.

Elle rappelle qu'une des réponses à la surpopulation carcérale forte que nous connaissons, au-delà de la refonte du dispositif de sanction et de l'échelle des peines qu'elle présentera dans le cadre du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, réside dans un programme immobilier ambitieux de 15 000 places supplémentaires d'ici à 2027, dont 7 000 livrées à l'horizon de la fin de 2022.

Limeil-Brévannes, au regard des propositions foncières qui nous ont été faites, est l'une des deux implantations envisagées pour le Val-de-Marne. Les études préliminaires montrent la faisabilité du projet, sans remettre en cause les perspectives de développement de la zone, particulièrement du projet de téléphérique urbain défendu par Mme le maire.

Le choix d'implantation, comme pour l'ensemble du programme immobilier pénitentiaire et afin d'en garantir la cohérence, sera arrêté prochainement et en une seule fois. Les annonces correspondantes seront faites au moment de la présentation du projet de loi de programmation, au mois d'octobre.

S'agissant, enfin, de la maison d'arrêt de Fresnes, Mme la garde des sceaux précise que des crédits d'étude ont été débloqués dès cette année afin de déterminer le programme de rénovation envisageable.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Lafon, pour répondre à Mme la secrétaire d'État.

M. Laurent Lafon. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de ces éléments de réponse. J'ai bien pris soin de préciser, au début de mon intervention, que je ne suis pas contre les projets d'établissements à sécurité adaptée défendus par le Gouvernement, qui sont utiles et tout à fait complémentaires des établissements existants.

Ma question porte sur la localisation et la problématique spécifique du Val-de-Marne liée à la présence du centre pénitentiaire de Fresnes. L'installation d'un nouvel établissement sur le site de Fresnes aurait un sens en termes de complémentarité. Elle permettrait en outre d'éviter la question toujours délicate, quelle que soit la commune, de l'implantation d'un nouvel établissement pénitentiaire. C'est pourquoi j'invite le Gouvernement à envisager l'installation d'une « prison ouverte » dans le cadre de la rénovation de l'établissement pénitentiaire de Fresnes.

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