Question de M. LAURENT Daniel (Charente-Maritime - Les Républicains) publiée le 22/03/2018

M. Daniel Laurent attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'usage du cuivre en viticulture. Le cuivre est un des seuls produits minéraux autorisé par la réglementation européenne pour lutter contre les bactéries et autres maladies fongiques. Il est utilisé aussi bien en viticulture biologique qu'en viticulture dite conventionnelle. Pour la viticulture biologique, un rapport de l'Institut national de recherche agronomique (INRA), publié en janvier 2018, montre qu'à court terme, le remplacement du cuivre n'est pas envisageable. Seule une gestion des doses au plus près en fonction des circonstances de l'année permet de limiter les apports. Il faudra probablement attendre quelques années avant que des solutions de bio-contrôle ou que des variétés résistantes puissent remplacer le cuivre. Sans cuivre, ou en quantité insuffisante, les producteurs ne pourraient que se détourner du mode de production biologique, ce qui serait contradictoire avec les objectifs fixés par les pouvoirs publics. Pour la viticulture conventionnelle, la consommation de cuivre devrait mécaniquement continuer à augmenter compte tenu de l'orientation souhaitée vers une forte réduction des produits classés substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR). Le 16 janvier 2018, l'Autorité européenne de sécurité des aliments a transmis à la Commission européenne ses conclusions en vue d'une nouvelle homologation. La Commission européenne devra se prononcer avant le 31 janvier 2019 sur la ré-approbation du cuivre au niveau européen comme substance active dans les produits de protection des plantes. Sans renouvellement de l'autorisation d'utilisation du cuivre, la filière viticole française se trouverait dans une impasse technique avec des incidences importantes pour la filière biologique viticole. Actuellement la dose de 6 kg/ha/an lissée sur cinq ans, soit 0,6 gramme par m², est la seule qui soit soutenue par la profession. En conséquence, il lui demande quelle position compte prendre la France, au niveau européen, concernant le renouvellement de l'homologation du cuivre.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 04/07/2018

Réponse apportée en séance publique le 03/07/2018

M. Daniel Laurent. Ma question porte sur l'usage du cuivre en viticulture.

Le cuivre est l'un des seuls produits minéraux autorisés par la réglementation européenne pour lutter contre les bactéries et autres maladies fongiques. Il est utilisé aussi bien en viticulture biologique qu'en viticulture dite « conventionnelle », mais également pour les cultures maraîchères et même fruitières.

Concernant la viticulture biologique, un rapport de l'Institut national de la recherche agronomique, ou INRA, publié en janvier 2018, montre que, à court terme le remplacement du cuivre n'est envisageable, la piste génétique restant une stratégie à moyen terme.

Ainsi, à ce jour, seule une gestion optimisée des doses en fonction des circonstances de l'année permettrait de diminuer l'impact du cuivre tout en lui conservant son efficacité. Il faudra probablement attendre quelques années avant que des solutions de biocontrôle ou que des variétés résistantes ne puissent remplacer le cuivre.

Sans cuivre, ou en quantité insuffisante, les producteurs ne pourraient que se détourner du mode de production biologique, ce qui serait contradictoire avec les objectifs fixés par les pouvoirs publics.

Concernant la viticulture conventionnelle, la consommation de cuivre devrait mécaniquement continuer à augmenter compte tenu de l'orientation souhaitée vers une forte réduction des produits classés « substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction », ou CMR.

Le 16 janvier 2018, l'Autorité européenne de sécurité des aliments, ou EFSA, a transmis à la Commission européenne ses conclusions en vue d'une nouvelle homologation. Celle-ci devra se prononcer avant le 31 janvier 2019 sur une nouvelle approbation du cuivre au niveau européen comme substance active dans la protection des plantes.

Sans renouvellement de l'autorisation d'utilisation du cuivre, la filière viticole française se trouverait dans une impasse technique, avec des incidences importantes pour la filière biologique viticole.

Actuellement, la dose de 6 kilogrammes par hectare et par an lissée sur cinq ans, soit 0,6 gramme par mètre carré, est la seule qui soit soutenue par la profession. L'élément de lissage est très important, car il permet de faire face à une pression des maladies, qui change d'année en année en fonction des aléas climatiques.

Enfin, pour la profession, il serait inconcevable d'interdire immédiatement l'usage du cuivre, utilisé depuis plus d'un siècle et demi, sans solution de rechange efficace et à un coût acceptable.

Monsieur le ministre, pouvez-vous me préciser quelle position compte prendre la France à l'échelon européen concernant le renouvellement de l'homologation du cuivre ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur Daniel Laurent, vous connaissez bien ces problématiques, en tant que président du groupe d'études de la vigne et du vin.

Vous me demandez quelle sera la position du Gouvernement concernant le renouvellement de l'approbation européenne du cuivre, en tant que produit phytopharmaceutique.

Le cuivre et ses différents composés, comme la bouillie bordelaise, sont connus de longue date comme produits de protection des plantes, en particulier pour traiter le mildiou de la vigne ou de la tomate. Cependant, vous le savez comme moi, le cuivre est persistant dans l'environnement et toxique, ce qui le classe dans la catégorie des substances dont on doit envisager la substitution chaque fois que c'est possible.

L'approbation européenne expire en janvier 2019. L'évaluation scientifique de l'EFSA conclut que certaines données sont manquantes et que des risques sont identifiés pour les utilisations demandées à 6 kilogrammes par hectare et par an sur la vigne et les tomates notamment. Cependant, elle indique qu'il est possible de limiter les risques, en réduisant les doses utilisées.

Le Gouvernement est favorable au renouvellement de l'approbation du cuivre. Il sera toutefois nécessaire de réduire les quantités utilisées, pour maintenir le risque à un niveau acceptable, en travaillant avec la filière en ce sens.

La Commission européenne a proposé une dose maximale de 4 kilogrammes par hectare et par an. Le Gouvernement souhaite que soit explorée sur cette base la possibilité d'autoriser un « lissage » pluriannuel dans le cas des cultures pérennes comme la vigne. Il s'agit d'autoriser un dépassement limité de la quantité admise au cours d'une année, à condition que l'apport total sur l'ensemble de la période ne dépasse pas la quantité maximale permise.

Si elle est retenue, cette possibilité de lissage nécessitera toutefois, pour pouvoir être mise en œuvre, que les demandeurs d'autorisations de mise sur le marché fournissent à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, ou ANSES, les résultats favorables de tests et d'études conduits avec ce protocole.

Compte tenu des contraintes liées à l'utilisation du cuivre, mais aussi de son importance cruciale pour les différentes filières de l'agriculture conventionnelle et surtout de l'agriculture biologique, il est nécessaire d'accélérer les travaux pour réduire son utilisation en protection des cultures.

L'expertise scientifique collective de l'INRA publiée en janvier 2018 a identifié des leviers d'action qui permettraient de réduire les quantités utilisées, sans remettre en cause l'efficacité de la protection phytosanitaire.

Les différentes combinaisons de moyens, y compris la « reconception » des systèmes de culture – assolement ; choix de variété ; conditions de semis – doivent désormais être validées avant d'être généralisées.

M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent, pour répondre à M. le ministre.

M. Daniel Laurent. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.

Vous avez compris l'importance du cuivre pour toutes ces productions. Vous me tranquillisez quelque peu en me disant que le Gouvernement est favorable à soutenir la reconduction de son autorisation au niveau européen. C'est une bonne nouvelle. En revanche, vous l'aurez aussi compris, les professionnels sont arc-boutés sur les quantités qui peuvent être utilisées, car il y va de l'efficacité de ce produit.

En outre, vous le savez, les vignobles de Gironde, de Charente-Maritime et de Charente viennent de vivre une période dramatique, puisque près 17 000 hectares de vignes sont sinistrés. Justement, le cuivre montre aussi son efficacité en matière de cicatrisation. Et il n'existe aucun autre produit aussi efficace.

Je vous remercie de votre vigilance.

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