Question de M. BIGNON Jérôme (Somme - Les Indépendants) publiée le 28/03/2018

Question posée en séance publique le 27/03/2018

M. Jérôme Bignon. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Monsieur le ministre d'État, en 2002, à Johannesburg, la maison brûlait. En 2015, vous déclariez : « La maison brûle et nous avons tendance à continuer à alimenter le feu. » Il y a quelques jours, le CNRS et le Muséum d'histoire naturelle ont publié un rapport extrêmement alarmant sur la disparition des oiseaux et des insectes en France. La semaine dernière, la plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques, ou IPBES, en a remis une couche, si j'ose dire : selon les conclusions de sa sixième session, tenue à Medellín, en Colombie, nous sommes en train d'assister à un effondrement de la biodiversité sans précédent depuis la disparition des dinosaures.

J'étais il y a peu de temps à Azraq, en Jordanie, où se trouve un marais classé comme « site Ramsar » ; or ce marais n'occupe plus que 10 % de sa surface originelle. Encore hier matin, j'étais avec Ronan Dantec dans les marais d'Irak ; nous avons assisté à des scènes très tristes dans ces marais multimillénaires de Mésopotamie, qui furent aux sources de la civilisation sumérienne.

Que faire ? Nous attendons des signes, monsieur le ministre d'État. En effet, vous avez déclaré la semaine dernière à nos collègues députés que vous n'y arriverez pas tout seul – cela, j'en conviens volontiers –, mais aussi que tout le monde s'en fiche : or, selon moi, ce n'est désormais plus exact, même si tel fut le cas dans le passé. Aujourd'hui, au sein de la société, faisons en sorte – tous doivent y contribuer – que les attitudes changent sur ces sujets.

Ne plus entendre les oiseaux chanter dans les chemins creux de nos campagnes, c'est insupportable pour nos citoyens. Laisser à nos enfants et à nos petits-enfants une campagne sans oiseaux, sans insectes, sans vie de la nature, ce n'est pas possible, parce que, au-delà, ce sont nos propres vies qui sont en jeu et celles de nos descendants. Il faut réagir d'urgence ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain, du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)

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Réponse du Ministère de la transition écologique et solidaire publiée le 28/03/2018

Réponse apportée en séance publique le 27/03/2018

M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Bignon, oui, l'érosion de la biodiversité est un poison lent dans les veines de l'humanité. Je vous l'accorde, malgré les différents rapports qui s'accumulent, la réponse n'est pas à la hauteur de cet enjeu universel ; nous avons parfois la tentation de céder à une forme de fatalisme.

Prenons-en acte, si nous continuons dans ce sens, vos enfants ou vos petits-enfants n'auront plus aucune chance de voir de grands animaux à l'état sauvage en Afrique. Or si nous n'avons pas réussi à sauver, par exemple, les grands singes, qu'en sera-t-il de la biodiversité ordinaire, qui est tout aussi indispensable pour l'avenir de l'humanité ? En effet, la biodiversité est certes un patrimoine, il s'agit de notre héritage, mais c'est surtout notre livret d'épargne pour l'avenir. Vous le savez, monsieur le sénateur, parce que vous avez été rapporteur de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Il n'en reste pas moins que, jusqu'à présent, nous n'avons pas été à la hauteur.

J'ai pris une décision, dont j'entends bien qu'elle ne réglera pas tout, mais qui vise à montrer que nous ne sommes pas résignés : la réintroduction de deux ourses dans les Pyrénées, de manière à essayer de sauver définitivement la souche originelle des ours des Pyrénées. (MM. Ronan Dantec et Joël Labbé applaudissent. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) En effet, si nous voulons avoir du crédit dans les instances internationales et demander aux Asiatiques et aux Africains de cohabiter avec la faune sauvage, nous devons prendre notre part de responsabilité.

Au-delà de ce geste, pour que la biodiversité ne se résume pas à quelques espèces symboliques, nous devons, comme l'avait dit René Dubos, penser globalement et agir localement. La nature n'a pas besoin qu'on l'aime ; elle a besoin qu'on cesse de l'empoisonner et de la détruire !

Je soutiens évidemment, dans ce sens, la poursuite de la création d'agences régionales de la biodiversité. Effectivement, la biodiversité doit se faire au quotidien et la protection de notre patrimoine naturel est au cœur des politiques publiques et territoriales. C'est aussi la raison pour laquelle je présenterai, dans très peu de temps, un nouveau plan de lutte contre l'érosion de la biodiversité. Toutefois, comme je l'ai déclaré à l'Assemblée nationale, je n'y arriverai pas si chacun, à son niveau, ne prend pas sa part de responsabilité !

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