Question de M. SAVOLDELLI Pascal (Val-de-Marne - CRCE) publiée le 21/03/2018

Question posée en séance publique le 20/03/2018

M. Pascal Savoldelli. Madame la ministre du travail, ce matin, j'ai eu le plaisir d'apprendre que le gouvernement auquel vous appartenez va encore prendre une mesure très courageuse et engagée vers le progrès social, une mesure qui va enfin mettre un terme à la précarité de l'emploi et à la situation terrible de celles et ceux qui en sont privés.

J'ai en effet appris ce matin que vous alliez renforcer les contrôles et les sanctions à l'égard des chômeurs. Quelle audace ! Il faut en avoir du courage politique pour s'attaquer ainsi aux catégories les plus fragiles de la population. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

Les cas de fraude qui requièrent, selon vous, que l'on triple les effectifs chargés du contrôle concernent près de 5 % des prestations versées et 0,4 % des demandeurs d'emploi. Un véritable fléau, assurément ! Surtout en comparaison des 60 à 80 milliards d'euros de fraude fiscale, sans compter toutes les techniques d'optimisation que les grandes entreprises et autres fortunes de ce pays mettent en œuvre grâce à leurs avocats spécialisés.

Avec vous, madame la ministre, toute personne n'acceptant pas n'importe quel travail, même précaire, sous-payé, situé à une heure de chez elle, devra être radiée, alors que les employeurs ont, quant à eux, un droit à l'erreur, une fiscalité avantageuse et un pouvoir renforcé dans l'entreprise.

Pour appuyer votre mesure, le patronat nous dit que certains secteurs manquent de main-d'œuvre, mais sans jamais remettre en question les conditions de travail et les salaires proposés. Évidemment, pas de mépris de classe, pas de culpabilisation des « privés d'emploi »…, mais ce simple qualificatif est déjà en lui-même stigmatisant ! Or, rappelons-le, une personne qui perçoit des indemnités de chômage a cotisé pour avoir ce droit. Car c'est un droit, madame la ministre !


M. le président. Posez votre question, mon cher collègue !


M. Pascal Savoldelli. Les grandes fortunes de France et les résultats du CAC 40 n'ont jamais été aussi opulents, mais on demande toujours aux mêmes de faire des efforts. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Vous avez déclaré ce matin, madame la ministre : « L'intelligence n'est pas interdite. » Aussi, je vous le dis, ce sont non pas les chômeurs qu'il faut battre, mais le chômage. C'est simple et basique ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)

- page 2435


Réponse du Ministère du travail publiée le 21/03/2018

Réponse apportée en séance publique le 20/03/2018

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Monsieur le sénateur Savoldelli, comme nous y a invités M. le président du Sénat, je souhaite commencer mon intervention par une approche littéraire et philosophique, avant de répondre très directement à votre question.

« Nos devoirs - ce sont les droits que les autres ont sur nous ».

Mme Éliane Assassi. Cela dépend dans quel sens !

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Ce n'est pas un Français qui a dit cela, mais Friedrich Nietzsche. Toute l'Europe enrichit la langue et la philosophie françaises…

Ce que vous dites est faux, monsieur le sénateur : ce qui stigmatise les chômeurs, ce n'est pas ce dont vous parlez.

Ce qui les stigmatise d'abord, c'est qu'ils ne parviennent pas suffisamment, faute d'accompagnement précoce, à trouver un emploi, même lorsque la croissance repart.

C'est pour cela que nous allons investir 15 milliards d'euros dans la formation des demandeurs d'emploi.

C'est pour cela que Pôle Emploi va mettre en place à titre expérimental un journal de bord qui permettra à ses conseillers de passer moins de temps à vérifier les actes positifs de recherche d'emploi, et davantage à conseiller les demandeurs d'emploi de façon personnalisée.

Ce qui stigmatise les demandeurs d'emploi, c'est l'actuelle règle bureaucratique de l'offre raisonnable d'emploi : on l'applique en effet de la même façon à toutes les personnes, quelle que soit leur situation, qu'il s'agisse d'une femme élevant seule ses trois enfants qui doit emmener l'un d'eux à la crèche le matin, ou d'un demandeur d'emploi dans une zone rurale dépourvue de transports en commun et qui n'a pas le permis de conduire. De toutes ces personnes, on exige les mêmes choses ; or cela ne marche pas.

Nous allons aussi, demain, lutter contre une autre stigmatisation, que vous connaissez très bien, car les entreprises et les demandeurs d'emploi en parlent. Elle est due à la toute petite minorité de demandeurs d'emploi qui non seulement ne font pas d'actes positifs de recherche d'emploi, mais également refusent les emplois qualifiés et bien payés. Ce sont eux qui nuisent à l'image des chômeurs, qui font qu'on les stigmatise, qui découragent les employeurs et les autres salariés ! (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Marie-Noëlle Lienemann s'exclame.)

Nous allons mener une politique équilibrée, avec davantage d'accompagnement et de contrôles, une politique plus juste et plus efficace. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

- page 2435

Page mise à jour le