Question de M. DEVINAZ Gilbert-Luc (Rhône - SOCR) publiée le 01/03/2018

M. Gilbert-Luc Devinaz attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la situation des services municipaux de médecine scolaire. Au niveau national, la médecine scolaire connait une anémie profonde qui provoque une prise en charge inégale dans la prévention des enfants. Si 71 % des enfants sont vus par un médecin pendant leur scolarité, l'amplitude varie de 0 à 90 % selon les départements ce qui conduit à une double inégalité. Inégalité du service rendu selon les territoires quand il est géré par l'Etat et inéquité dans l'effort financier quand les communes volontaires se substituent à l'Etat.
Car onze villes (Antibes, Bordeaux, Clermont-Ferrand, Lyon, Nantes, Rennes, Grenoble, Paris, Strasbourg, Vénissieux, Villeurbanne) disposent de services de médecine scolaire pour répondre aux besoins des enfants. Aujourd'hui la pérennité de ce service, pourtant indispensable au bon développement des enfants, est compromise. En effet, l'inquiétude de la pérennité du service géré par l'État se double d'une crainte sur le maintien de ce service dans les communes à cause d'un contexte financier de plus en plus contraint.
Les villes souhaitent maintenir la gestion de ce service et ainsi éviter d'aggraver la situation. Mais ce volontarisme ne peut pas être assuré à n'importe quel coût. Les données budgétaires ont établi que le coût de la prise en charge pour l'État s'élevait à 39,76 euros par enfant et par an alors que l'État verse une subvention moyenne de 9,50 euros seulement aux 11 villes gestionnaires du service de médecine scolaire. Pour assurer l'égalité des enfants face à la prévention, M. Gilbert-Luc Devinaz demande au Gouvernement à ce que des véritables conventions soient établies avec ces communes et que les subventions soient revalorisées à la hauteur de 39,76 euros par enfant pris en charge.

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Réponse du Ministère de l'éducation nationale publiée le 04/07/2018

Réponse apportée en séance publique le 03/07/2018

M. Gilbert-Luc Devinaz. Ma question concerne le financement des services municipaux de médecine scolaire.

La médecine à l'école connaît une anémie profonde, qui conduit à une prise en charge inégale des élèves. En dix ans, le nombre de médecins scolaires a chuté de près d'un tiers. Si 57 % des enfants sont vus par un médecin pendant leur scolarité, l'amplitude des visites varie de 0 % à 90 % selon les départements. Vous-même, monsieur le ministre, avez reconnu, lors d'une audition au Sénat, que la visite médicale « n'était pas une réalité pour tous les élèves de France ».

Nous sommes donc d'accord sur le constat. Notre approche diffère toutefois quant à la solution proposée. Vous souhaitez mobiliser la protection maternelle et infantile, ou PMI, et les médecins libéraux. Je vous propose une autre solution, simple et efficace, qui est déjà mise en application dans onze villes, parmi lesquelles Villeurbanne, Antibes, Bordeaux, Rennes, Grenoble, Vénissieux ou Lyon, qui disposent d'un service de médecine scolaire. Ceux-ci répondent aux besoins des enfants, qui sont parfois dans des situations de grande pauvreté.

Cette prévention bénéficie aux enfants, mais aussi à la société tout entière : détectées plus tôt, certaines pathologies sont mieux traitées, alors qu'elles coûteraient plus cher, notamment à l'État, si elles étaient diagnostiquées plus tard.

Aujourd'hui, ces services municipaux sont pourtant sur la sellette. Leur situation révèle une double inégalité : inégalité dans la prise en charge des enfants quand l'État gère le service de médecine scolaire, mais aussi inégalité financière entre les communes, dont certaines se substituent à l'État. Certes, ces dernières sont volontaires, mais pas à n'importe quel coût. Celui de la prise en charge par l'État a été évalué à près de 40 euros par enfant et par an, mais l'État verse une subvention moyenne de 9,50 euros seulement aux onze villes volontaires.

Ma question est simple, monsieur le ministre : le Gouvernement entend-il revaloriser ces subventions à hauteur du coût de la prestation ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale. Monsieur Devinaz, comme vous l'avez dit au début de votre intervention, nous sommes d'accord sur le constat. Le grand objectif est notamment de parvenir à la visite médicale systématique pour tous les enfants avant l'âge de six ans.

L'école a une responsabilité en matière de santé, celle-ci étant entendue au sens large, considérée dans sa dimension psychique, physique et environnementale. J'en suis conscient et je souhaite que nous l'assumions pleinement, pour favoriser la réussite scolaire des élèves et permettre, de ce fait, la réduction des inégalités sociales.

Notre politique de santé repose sur trois axes : l'éducation à la santé, la prévention et la protection. Ces axes sont mis en œuvre dans le cadre du parcours éducatif de santé, qui constitue un ensemble continu de la maternelle à la terminale, cohérent et progressif.

Pour veiller à la santé des élèves et à leur bien-être, l'institution scolaire s'appuie sur les médecins et les infirmiers de l'éducation nationale, qui participent à la mise en œuvre de ce parcours de santé, mais elle peut également recourir à d'autres intervenants. Le code de l'éducation, dans son article L. 141-1, lui fait obligation d'assurer à tous les élèves au cours de leur sixième et douzième année une visite médicale ou de dépistage, une prise en charge et un suivi adapté, notamment en prenant les mesures appropriées pour que les familles soient aussitôt informées des constatations médicales.

Il est arrivé, en effet, que les collectivités prennent en charge cette mission pour l'école primaire, vous l'avez rappelé. Le ministère de l'éducation nationale leur verse alors une subvention. C'est encore le cas de onze villes, qui continuent à prendre en charge les missions de santé scolaire.

Comme il s'agit d'une compétence de l'État, le versement de la subvention est assis sur une convention de délégation négociée par chaque service académique en tenant compte des spécificités locales.

Or il n'est pas possible de comparer les dépenses des collectivités en la matière et celle de l'État, d'abord parce qu'elles ne concernent pas le même périmètre : les prestations des communes sont circonscrites au premier degré, tandis que celles de l'État concernent le premier et le second degré. De plus, et surtout, la plus grosse part de la dépense de santé scolaire du ministère de l'éducation nationale concerne les personnels : c'est le salaire des infirmières, des médecins et des secrétaires médico-scolaires du premier degré comme du second degré.

Toutefois, si certaines des communes déposaient des demandes argumentées de réexamen des conditions de partenariat auprès des services rectoraux, ces dossiers seraient étudiés de manière approfondie ; à la suite de votre question, je vais examiner ce dossier avec attention. Bien entendu, cette évolution des rectorats se fera en liaison avec l'administration.

Je profite de votre question pour insister sur la politique du Gouvernement, qui vise à atteindre l'objectif de 100 % de visites médicales. Elle consiste à rassembler les forces, celles que vous avez évoquées, mais également celles de la protection maternelle et infantile, ainsi que de la médecine générale de ville, en effet. Nous devons parvenir à la médecine scolaire pour tous les enfants. Il s'agit d'un enjeu social et de santé qui est fondamental.

M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, pour répondre à M. le ministre.

M. Gilbert-Luc Devinaz. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse et de l'ouverture que vous proposez au réseau des onze communes qui se substituent, en quelque sorte, à l'État, en exerçant une compétence qui n'est pas obligatoire.

Je nourris toutefois quelques inquiétudes quant à la pérennité du service proposé par ces communes, en raison des difficultés financières qui s'accentuent et qui pèsent sur leurs budgets. Je crains que, un jour ou l'autre, ces communes n'y mettent un terme. Il me semble donc qu'une aide de l'État est nécessaire.

Vous proposez de vous reposer sur les médecins libéraux. Là encore, je suis circonspect. Ces médecins rencontrent déjà des difficultés à faire face à la désertification médicale, en ville comme en zone rurale. Je ne vois pas comment ils pourraient dégager du temps pour suivre les problématiques de santé scolaire.

Si l'État impose des dépenses aux collectivités territoriales, il est légitime qu'il soutienne ces dernières quand elles s'impliquent dans le bien-être de leurs populations.

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