Question de M. NOUGEIN Claude (Corrèze - Les Républicains) publiée le 01/03/2018

M. Claude Nougein attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur les modalités de mise en œuvre du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, selon lesquelles les tiers collecteurs sont les employeurs. Cette mesure mise en place par le gouvernement précédent est une épine supplémentaire, notamment pour les plus petites entreprises, en termes de temps et de coût, évalué entre 300 millions d'euros et 1,2 milliard d'euros !

À l'analyse, on s'aperçoit qu'environ 75 % du coût total de la mesure reposera sur les très petites entreprises par l'effet de multiplication d'un coût fixe faible par un très grand nombre d'entreprises. La moitié du coût de la mesure correspondra au paiement des experts-comptables et des éditeurs de logiciels notamment, l'autre moitié du coût correspondant à un accroissement des coûts salariaux des entreprises.
Mais lorsque l'on regarde d'un peu plus près cette mesure, on constate que le risque juridique repose sur l'entreprise, que les salariés perdront la confidentialité de leurs revenus annexes, et que les femmes dont le conjoint perçoit une rémunération confortable seront les victimes de ce dispositif, notamment pour leurs évolutions salariales.
S'il est prévu la possibilité pour le salarié contribuable de rendre anonyme son impôt en recourant au taux forfaitaire neutre, ce choix pourrait néanmoins faire peser sur lui une sorte de suspicion.
Enfin, se pose la question des particuliers employeurs, qui ne sauraient être assimilés à des entreprises, et dont la moyenne d'âge, mis à part le cas des gardes d'enfants, est de 65 ans, voire beaucoup plus dans les zones rurales.
De plus, le particulier employeur devrait déclarer le salaire de chaque mois huit à dix jours avant de l'avoir versé, alors que, le plus souvent, le nombre d'heures de travail effectuées durant ce mois, notamment pour les emplois à domicile, n'est pas encore connu. Il souhaiterait savoir s'il a trouvé des solutions pour tenter d'anticiper les difficultés graves qui vont apparaître pour nos administrés.

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Transmise au Ministère de l'action et des comptes publics


Réponse du Ministère des outre-mer publiée le 21/03/2018

Réponse apportée en séance publique le 20/03/2018

M. Claude Nougein. Madame la ministre, j'aimerais tout particulièrement appeler votre attention sur les modalités de mise en œuvre du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, qui prévoit que les tiers collecteurs soient les employeurs.

Cette mesure, mise en place par le gouvernement précédent, est une épine supplémentaire, notamment pour les plus petites entreprises, en termes de temps et de coût, évalué, selon les instituts, entre 300 millions d'euros et 1,2 milliard d'euros, et va à l'encontre de la simplification voulue par le Président de la République pour les entreprises. Pourquoi un tel gage à l'intention de l'ancien gouvernement ?

Aurait-on dû aussi comprendre que la refonte des rapports entre les entreprises et l'administration, prônée par le Gouvernement, était en réalité une opération de délestage des tâches de l'administration sur le dos des entreprises ?

Lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2017, nous avions proposé au Gouvernement de retirer cette épine du pied avec une solution alternative tout à fait viable, mais la main tendue a été refusée.

Toutefois, en analysant le coût de cette réforme, on s'aperçoit qu'environ 75 % du coût total de la mesure reposera sur les très petites entreprises par l'effet de multiplication d'un coût fixe faible par un très grand nombre d'entreprises.

La moitié du coût de la mesure correspondra au paiement des experts-comptables et des éditeurs de logiciels notamment, l'autre moitié, à un accroissement des coûts salariaux.

Mais lorsque l'on regarde d'un peu plus près cette mesure, on constate que le risque juridique repose sur l'entreprise, que les salariés perdent la confidentialité de leurs revenus annexes, et que les femmes dont le conjoint perçoit une rémunération confortable seront les victimes de ce dispositif, notamment pour leurs évolutions salariales.

S'il est prévu la possibilité pour le salarié contribuable de rendre anonyme son impôt en recourant au taux forfaitaire neutre, ce choix pourrait néanmoins faire peser sur lui une sorte de suspicion. Demain, ce sont les chefs d'entreprise, les ressources humaines qui connaîtront le taux d'impôts, les revenus annexes, fonciers ou immobiliers, avec des conséquences néfastes, vous pouvez l'imaginer.

Enfin, se pose la question des particuliers employeurs, qui ne sauraient être assimilés à des entreprises, et dont la moyenne d'âge, mis à part pour les gardes d'enfants, est de soixante-cinq ans, voire beaucoup plus en zone rurale. Et je ne vous parle pas de ceux qui n'ont pas la maîtrise d'un ordinateur ou qui ne résident pas dans une zone couverte par internet, ce qui est le cas de la quasi-totalité du territoire dont je suis élu, la Corrèze.

Ma question est toute simple : avez-vous trouvé des solutions pour tenter d'anticiper les graves difficultés qui vont apparaître pour nos administrés ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur, mon collègue de l'économie et des finances vous prie de bien vouloir l'excuser pour son absence et m'a demandé de vous lire sa réponse.

En tout premier lieu, permettez-moi de préciser que les chiffres que vous avancez sont tirés d'une étude de juin 2017 qui a été produite, à la demande de la délégation sénatoriale aux entreprises, avant l'annonce du report de la réforme, et dont la méthode est « discutable », selon les services du ministère de l'économie et des finances.

Le Gouvernement a fixé au 1er janvier 2019 l'entrée en vigueur du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu.

S'agissant de la question des coûts que vous évoquez pour les différentes structures, monsieur le sénateur, il convient de rappeler que cette charge restera très faible par rapport aux gains récurrents enregistrés du fait, principalement, du déploiement de la déclaration sociale nominative, la DSN. L'administration fiscale restera par ailleurs l'interlocuteur unique des usagers pour toutes leurs questions.

Les entreprises devront appliquer une retenue à la source au taux calculé et transmis par l'administration fiscale sur les revenus qu'elles versent et qui sont soumis au prélèvement à la source. En l'absence de transmission de taux par l'administration fiscale, elles devront appliquer la grille de taux non personnalisé. De plus, elles devront déclarer les montants individuels ainsi prélevés à l'administration fiscale. Elles devront enfin reverser l'ensemble des prélèvements effectués au titre d'un mois, ou d'un trimestre par exception, à l'administration fiscale.

En cas d'inaction des entreprises, des pénalités sont prévues afin d'assurer l'effectivité du dispositif, à l'image des pénalités existant actuellement en matière de contributions et cotisations sociales.

Rassurez-vous, monsieur le sénateur, les salariés ne communiqueront aucune information concernant leurs revenus annexes, et l'employeur n'en aura donc pas connaissance.

En dernier lieu, pour ce qui concerne les employeurs particuliers qui le souhaiteraient, il sera proposé l'option « tout en un » incluant également le paiement au salarié de son salaire net de prélèvement à la source, afin de faciliter, là encore, les démarches de ces employeurs.

Monsieur le sénateur, le Gouvernement va déployer un plan d'accompagnement ambitieux et poursuivre une communication forte à destination des collecteurs, c'est normal, des publics concernés, bien sûr, mais aussi des éditeurs, afin de réduire au maximum les impacts négatifs et ainsi permettre à chaque acteur de comprendre cette réforme.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Nougein.

M. Claude Nougein. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Je ne doute pas de la volonté du Gouvernement de simplifier les relations entre l'administration et les entreprises. Toutefois, après une première simplification, mais assortie d'un changement de logiciel pour les fiches de paie, en janvier 2018, il y en aura une nouvelle en octobre 2018, due à la modification des charges sociales, et une troisième en janvier 2019 avec la retenue à la source de l'impôt sur le revenu. Vous avouerez que, pour simplifier les choses, modifier trois fois les fiches de paye en treize mois, ce n'est pas idéal…

Je souhaiterais aussi, madame la ministre, que le Gouvernement soutienne l'amendement sénatorial concernant le droit à l'erreur. Le droit à l'erreur pour les petites entreprises est une proposition du Sénat qui a été votée ici même. Il conviendrait, alors qu'il n'était pas prévu dans le texte, que ce droit à l'erreur soit retenu au moins pour les petites entreprises.

En cas de litige, le contentieux doit-il être porté devant les tribunaux civils ou soumis au conseil des prud'hommes ? Vous avez évoqué cette question, mais pour nous ce n'est pas très clair. Qui aurait commis l'erreur ? Est-ce l'administration ou l'employeur ? Il va falloir le déterminer avant toute saisine du tribunal compétent.

Certes, les entreprises ont collecté la TVA, qui était un impôt simple. Mais elles n'ont pas pour rôle de collecter tous les impôts ; c'est le rôle de l'État. Cette collecte, avez-vous dit, allégera la tâche. Certes, la tâche de l'État et de l'administration sera allégée, mais celle de nos entreprises et de nombre de particuliers employeurs sera alourdie.

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