Question de Mme LHERBIER Brigitte (Nord - Les Républicains) publiée le 22/02/2018

Mme Brigitte Lherbier attire l'attention de Mme la ministre du travail sur la procédure de contestation des avis du médecin du travail, prévue à l'article 8 de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail.
Le conseil des prud'hommes est compétent pour se prononcer sur la contestation des avis, propositions, conclusions écrites ou indications du médecin du travail, là où l'inspection du travail, et notamment, le médecin-inspecteur du travail l'était auparavant. Cette procédure prise en la forme des référés supposait que le requérant demande au conseil des prud'hommes de désigner un médecin-expert afin qu'il puisse trancher le litige.
L'ordonnance prévoit la compétence directe du conseil des prud'hommes, qui a la faculté, en cas de besoin, de confier toute mesure d'instruction au médecin-inspecteur du travail territorialement compétent pour l'éclairer dans sa prise de décision (code du travail, art. L. 4624-7). À la demande de l'employeur, les éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail peuvent être notifiés au médecin que l'employeur mandate à cet effet.
La compétence accordée aux conseils de prud'hommes revient à leur faire analyser et juger des avis et des conclusions médicales. Certes, les conseillers prud'homaux sont des acteurs de terrain conscients de la réalité des affaires auxquelles ils sont confrontés, mais ils sont plus rarement des professionnels de santé, familiers des termes et des analyses médicales. Cette nouvelle disposition inquiète certains d'entre eux.
C'est pourquoi elle lui demande si la compétence directe accordée au conseil des prud'hommes pour se prononcer sur la contestation des avis du médecin du travail ne vient pas davantage complexifier la procédure auparavant existante, ainsi que la mission du juge prud'homal.
Par ailleurs et surtout, elle souhaite savoir quelle sera la marge de manœuvre du conseil des prud'hommes dans sa prise de décision, dans le cas où des avis médicaux divergents entre le médecin du travail, le médecin-inspecteur du travail, et le médecin mandaté par l'employeur seraient rendus.

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Réponse du Ministère du travail publiée le 07/02/2019

La contestation des avis du médecin du travail relevait jusqu'au 31 décembre 2016 de l'inspection du travail après avis du médecin inspecteur du travail. Cette procédure était peu satisfaisante. En effet, il incombait à l'inspecteur du travail de rendre une décision de nature médicale pour laquelle il ne possédait aucune compétence (l'inspecteur du travail n'a en particulier pas accès au dossier médical en santé au travail du salarié). En outre, le contentieux qui en résultait devant les juridictions administratives recoupait parfois celui de la rupture du contrat de travail liée à l'inaptitude qui relève de la compétence des conseils de prud'hommes. Les délais de la procédure contentieuse devant les juridictions administratives apparaissaient également excessivement longs. L'article L. 4624-7 du code du travail, créé par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, a transféré la contestation des avis du médecin du travail vers le conseil de prud'hommes. En vertu de ces dispositions, si le salarié ou l'employeur conteste les éléments de nature médicale justifiant les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail, il peut saisir le conseil de prud'hommes d'une demande de désignation d'un médecin expert inscrit sur la liste des experts près la cour d'appel. Ce transfert juridictionnel a permis de simplifier et d'unifier la procédure de contestation. Il est ainsi mis fin à l'enchevêtrement des voies de recours devant les deux ordres de juridiction, permettant désormais au juge judicaire de rendre une décision sur le bien-fondé du licenciement lié à l'aptitude plus rapidement, sans attendre le jugement du juge administratif. Enfin, dans le cadre de l'article 8 de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, le Gouvernement a souhaité renforcer l'effectivité du dispositif notamment : en remettant au centre du dispositif le médecin inspecteur du travail qui dispose, au contraire du médecin expert, d'une spécialisation en médecine du travail. Il est donc le mieux placé pour donner un avis sur l'adéquation entre l'état de santé du salarié et son poste de travail. Le médecin inspecteur du travail dispose, par ailleurs, d'une légitimité renforcée, de par sa spécialité en médecine du travail, pour échanger avec le salarié, l'employeur et le médecin du travail et pour obtenir les informations nécessaires sur le poste de travail du salarié ; en permettant au juge de statuer, sur la base de l'avis du médecin inspecteur du travail, par une décision qui se substitue totalement à la décision du médecin du travail (à l'instar de l'ancienne procédure administrative), tant sur les aspects strictement médicaux que sur leur incidence sur l'aptitude du salarié à occuper son emploi. Un avis d'aptitude ou inaptitude a une nature mixte, non seulement médicale mais également juridique en ce qu'il s'impose aux parties au contrat de travail et a des conséquences directes sur son exécution, voire justifie sa rupture. La compétence du conseil de prud'hommes, juge du contrat de travail, se justifie donc parfaitement, celui-ci exerçant pleinement leur office de dire le droit, après avoir été utilement éclairé par des médecins qualifiés en médecine du travail désignés par le législateur pour que toutes conséquences juridiques puissent être tirées sur le contrat de travail.

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