Question de M. DUBOIS Daniel (Somme - UC) publiée le 15/02/2018

M. Daniel Dubois attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur la filière des biocarburants, et notamment du bioéthanol, que soutenait la France jusqu'alors. La France défend ouvertement un plafond à 7 % pour les biocarburants de première génération (à base de plantes agricoles) et elle avait reconnu que ceux issus de déchets et résidus de la production alimentaire (par exemple la mélasse qui contient les sucres non extractibles de la betterave) ne tombaient pas dans ce plafond. Cette position équilibrée permettait de répondre au débat sur le risque potentiel de conflit avec l'alimentaire, de poursuivre la décarbonation des transports (le bioéthanol à base de déchets et résidus réduit les émissions de gaz à effets de serre de plus de 80 %) tout en préservant les investissements.
La France vient soudainement de prendre un virage radical en décidant de considérer l'éthanol de mélasse comme de l'éthanol de première génération. Il craint que ce revirement ne se fonde sur une interprétation excessive du principe des usages en cascades selon lequel toute matière première ayant un lien (direct ou indirect) avec l'alimentaire (pour l'homme ou l'animal) ne pourrait pas être utilisée à la production de matière non alimentaire notamment en énergie. D'après certains représentants du ministère de la transition écologique et solidaire, l'éthanol produit à partir de déchets et résidus n'est pas vertueux, car émanant à l'origine de betterave sucrière et il devrait, à terme, disparaitre. Non seulement une telle approche affaiblirait considérablement le modèle sucrier face à ses concurrents européens et mondiaux - qui ne sont pas confrontés à ce problème - mais elle détruirait également tout espoir de développer la bioéconomie, naturellement fondée sur la transformation de matières végétales, y compris des déchets et résidus, un virage pourtant jugé nécessaire dans la stratégie bas carbone de la France.
Il lui demande comment le Gouvernement peut en même temps défendre les biocarburants produits à partir d'huile de palme importée et déclasser et condamner l'éthanol produit en France à partir de déchets et résidus issus d'une production de sucre locale et durable.

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Réponse du Ministère de la transition écologique et solidaire publiée le 10/05/2018

Les biocarburants de première génération, fabriqués à partir de cultures ou de produits agricoles, entrent en concurrence avec l'usage alimentaire de ces mêmes matières premières et doivent donc être limités. Au niveau européen, la directive ILUC fixe depuis 2015 un plafond d'incorporation pour les biocarburants conventionnels qui s'élève à 7 % dans les transports et court jusqu'à 2020. L'éthanol produit à partir de mélasse est comptabilisé depuis l'origine dans la catégorie plafonnée des biocarburants conventionnels. La directive ILUC donnait la possibilité aux États membres de définir une liste des matières premières considérées comme déchets ou résidus, non comptabilisées parmi les biocarburants conventionnels et donc non comptées dans le plafond des 7 %. Il a finalement été décidé de ne pas retenir la mélasse dans cette catégorie. Par ailleurs, la révision de la directive énergies renouvelables (RED II), en cours actuellement, doit fixer les objectifs d'énergies renouvelables pour 2030. Dans le cadre de ces discussions, le Conseil européen n'a pas cité la mélasse dans les listes de biocarburants non conventionnels. Il a ainsi conclu en décembre 2017 au classement de la mélasse comme matière première permettant de faire des biocarburants de première génération sans possibilité de dérogation. En effet, la mélasse est le produit obtenu après trois extractions du sucre contenu dans le jus de betterave. Elle apparaît essentiellement comme un coproduit du processus de fabrication de sucre, qui est valorisé dans certaines filières agro-alimentaires et notamment dans l'industrie de la levure. Elle peut également être transformée en éthanol pour la production d'alcool de bouche. La France s'est engagée depuis plusieurs années dans le développement de biocarburants dits avancés utilisant des ressources de biomasse n'entrant pas en concurrence avec l'alimentation. L'utilisation du sucre de mélasse n'entre pas dans la définition des biocarburants avancés. La décision prise par le Gouvernement de maintenir la mélasse dans le plafond des 7 % se fait donc en continuité avec la situation actuelle et en cohérence avec les discussions menées au niveau européen. La France s'inscrit par ailleurs dans une politique ambitieuse de lutte contre la déforestation importée au travers d'exigences sur les caractéristiques des matières premières. Il est souhaité que toutes les matières utilisées en France, y compris l'huile de palme, puissent garantir qu'elles n'ont pas été produites sur des terres déforestées au travers de certifications exigeantes.

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