Question de M. DECOOL Jean-Pierre (Nord - Les Indépendants-A) publiée le 08/02/2018

M. Jean-Pierre Decool attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la procédure d'abus de droit prévue par le code de la sécurité sociale. S'inspirant de la notion d'abus de droit et de l'existence d'un comité de l'abus de droit fiscal dans le livre des procédures fiscales (article 64 issu de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008), les dispositions actuelles relatives à l'abus de droit en matière de sécurité sociale trouvent leur origine dans l'article 75 de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, tant pour le régime général que pour le régime agricole. Les dispositions légales ont été complétées par le décret n° 2011-41 du 10 janvier 2011 qui fixe la composition du comité des abus de droit. L'arrêté du 22 décembre 2011 (JO 12 janvier 2012 p.601) a nommé les membres de ce comité. La procédure de répression des abus de droit en matière sociale est donc applicable depuis le 13 janvier 2012. Suivant l'article L. 243-7-2 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, les actes constitutifs d'un abus de droit sont, soit ceux qui ont un caractère fictif, soit ceux qui, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que d'éluder ou d'atténuer les contributions et cotisations sociales d'origine légale ou conventionnelle auxquelles le cotisant est tenu au titre de la législation sociale ou que le cotisant, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. Aussi, les organismes de recouvrement sont en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. Selon l'article R. 243-60-3 I du code de la sécurité sociale, la décision de mettre en œuvre la procédure de répression des abus de droit est prise par le directeur de l'organisme de recouvrement qui contresigne à cet effet la lettre d'observations remise ou envoyée au cotisant suite au contrôle. Ce document mentionne la possibilité pour le cotisant de saisir le comité des abus de droit et les délais impartis pour ce faire. Si les organismes de recouvrement ne se conforment pas à l'avis du comité, ils doivent apporter la preuve du bien-fondé de leur rectification (CSS art. L. 243-7-2, al.2). En cas d'avis favorable aux organismes, la charge de la preuve devant le juge revient au cotisant. Or, la pratique montre que, dans bien des cas de redressement qui entrent dans le champ d'application de l'article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale, les unions pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) ne mentionnent pas au cotisant l'existence de ce comité, le privant ainsi d'une garantie. Les Urssaf invoquent fréquemment et implicitement un abus de droit sans pour autant déclencher la procédure afférente. Dans le cadre d'un contrôle fiscal, la jurisprudence administrative a décidé que lorsque l'administration se place implicitement sur le terrain de l'abus de droit, sans indiquer expressément au contribuable, avant la mise en recouvrement de l'imposition, que le redressement a pour fondement l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, l'intéressé est privé de la garantie tenant à la faculté de provoquer la saisine du comité consultatif pour la répression des abus de droit. Il y a lieu, par conséquent, de prononcer la décharge des redressements fondés sur l'opération litigeuse sans examen du bien-fondé de la position de l'administration (CAA Nancy 21 décembre 2000, n° 96-2140 et 8211; CAA Lyon 2 mars 2006 n° 01-1962). Logiquement, les mêmes causes produisant les mêmes effets, l'absence de toute référence à ce comité des abus de droit en matière de sécurité sociale, devrait entraîner la décharge des redressements. Il lui demande donc ce que le Gouvernement entend proposer afin que ce comité puisse jouer pleinement son rôle, dans la transparence, et que les cotisants soient informés de son existence et puissent demander sa saisine.

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Transmise au Ministère de l'action et des comptes publics


Réponse du Ministère de l'action et des comptes publics publiée le 20/12/2018

Les URSSAF sont en droit d'écarter, comme ne leur étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit. Le comité des abus de droit peut alors être saisi par tout cotisant qui conteste le redressement notifié sur le fondement de l'abus de droit. Ce comité peut également être saisi par les URSSAF pour avis sur un litige. Tout redressement fondé sur l'abus de droit entraine une pénalité égale à 20 % des cotisations et contributions dues. La mise en œuvre de la procédure d'abus de droit par les URSSAF n'est initiée que lorsque l'ensemble des conditions est considéré comme réuni par l'agent de contrôle et le directeur de l'organisme. Cependant, la question soulevée porte sur des cas de recours implicite à cette procédure. De fait, il est constaté dans plusieurs procédures contentieuses que des cotisants prétendent, à l'occasion de redressements opérés au titre d'une divergence d'appréciation sur les règles d'assiette des cotisations, que l'organisme de recouvrement a, au soutien d'un redressement de cotisations, notamment dans sa lettre d'observations, implicitement mais nécessairement, invoqué des éléments caractérisant un abus de droit sans mettre en œuvre les dispositions protectrices du justiciable prévues par la procédure de répression des abus de droit. Or, il ressort de ces cas que l'URSSAF n'a nullement retenu comme réunies les conditions de l'abus de droit, puisqu'elle n'a pas eu recours à la procédure. Dans le cadre des contrôles en cause, l'organisme s'est borné à procéder, comme il le devait, à la notification de redressements dans les conditions de droit commun sans recourir à la procédure spécifique d'abus de droit et à la pénalité de 20 % qui y est attachée. Les droits des cotisants restent, dans ce contexte, garantis par la possibilité dont ils disposent de soumettre à l'appréciation du juge le caractère justifié ou non de l'absence de recours à cette procédure spécifique. Toutefois, l'URSSAF n'ayant pas pour sa part souhaité engager cette procédure, le comité de l'abus de droit, qui a pour seul rôle de permettre la mise en œuvre des pénalités, n'a pas été réuni. À cet égard, la Cour de cassation a récemment affirmé que la divergence d'appréciation des règles d'assiette des cotisations n'est pas au nombre des contestations susceptibles de donner lieu à la procédure d'abus de droit prévue à l'article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale (Cass ; civ.2e ch 12 octobre 2017).

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