Question de Mme GUILLOTIN Véronique (Meurthe-et-Moselle - RDSE) publiée le 08/02/2018

Mme Véronique Guillotin attire l'attention de M. le ministre de la cohésion des territoires sur la question de l'éligibilité de certaines dépenses des collectivités au fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). En effet, certaines collectivités, n'ayant pas les ressources budgétaires suffisantes, confient leurs opérations de portage foncier à des établissements publics fonciers. Ces dépenses réalisées pour le compte de collectivités ne sont pour l'instant pas éligibles au FCTVA : pour pouvoir en bénéficier, la collectivité doit être propriétaire de l'équipement pour lequel la dépense a été engagée, ce qui n'est pas le cas avec un portage. Cette exclusion accroît le montant de l'opération. Une modification du code général des collectivités territoriales ou la création d'une dérogation à la règle générale, en faveur des collectivités, permettraient de replacer ces dépenses dans le champ des opérations éligibles au FCTVA. Un contrôle a posteriori, afin de s'assurer que le bien et les travaux entrent effectivement dans le patrimoine de la commune, est également envisageable. Dans ce contexte difficile pour les collectivités, il apparaît essentiel de lever les obstacles techniques et juridiques dans les politiques d'investissement. Elle souhaite donc connaître la position du Gouvernement sur cette question.

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Transmise au Ministère de l'action et des comptes publics


Réponse du Ministère de l'action et des comptes publics publiée le 31/05/2018

Conformément aux dispositions des articles L. 324-1 et suivants du code de l'urbanisme, les établissements publics fonciers locaux (EPFL) sont des établissements publics locaux à caractère industriel et commercial, compétents pour réaliser, pour leur compte, pour le compte de leurs membres ou de toute autre personne publique, toute acquisition foncière ou immobilière en vue de la constitution de réserves foncières ou de la réalisation d'actions ou d'opérations d'aménagement. Un élargissement aux dépenses issues d'un EPFL créerait un précédent dans l'attribution du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) à des organismes extérieurs aux collectivités et créerait une rupture avec le principe de patrimonialité qui demeure une des conditions essentielles de l'éligibilité au FCTVA. Élargir l'éligibilité à une dépense réalisée par un bénéficiaire sur un bien faisant l'objet d'un portage foncier complexifierait le dispositif d'une nouvelle dérogation. L'automatisation du FCTVA actuellement en cours, est soutenue par une majorité de collectivités, et vise à simplifier la gestion du dispositif pour une mise en œuvre en 2019. Elle nécessite une stabilisation de l'assiette. Par ailleurs, lors de la revente à la collectivité, les biens éligibles peuvent déjà bénéficier du FCTVA sous condition d'un transfert de propriété de l'actif prévu dans la convention de portage. Cette mesure pourrait en outre être en contradiction avec le droit communautaire. En effet, dans le cadre de ces missions, un EPFL est amené à réaliser des acquisitions foncières qu'il a vocation à revendre aux personnes publiques pour le compte desquelles il intervient après les avoir portées et, le cas échéant, avoir réalisé des travaux de pré-aménagement (remise en état par dépollution notamment). Ces opérations d'achat revente caractérisent l'exercice d'une activité économique au sens de l'article 256 A du code général des impôts (CGI). Toutefois, conformément à l'article 13 de la directive TVA, transposé à l'article 256 B du CGI, une personne publique peut demeurer non assujettie alors même qu'elle exerce une activité économique lorsque son non assujettissement ne conduit pas à des distorsions de concurrence. À cet égard, le juge communautaire considère qu'un organisme public doit être soumis à la TVA dès lors que l'activité qu'il exerce entre, ne serait-ce que de manière potentielle, en concurrence avec celle d'opérateurs privés assujettis, pour autant que la possibilité pour ces derniers d'entrer sur le marché considéré soit réelle, et non purement théorique (CJUE, 16 septembre 2008, Aff.C-288/07, « Isle of Wight Council »). Or, alors même que les EPFL pourraient être regardés comme agissant en tant qu'autorité publique à raison des procédures mises en œuvre dans le cadre de leurs opérations d'achat revente de biens immeubles, il n'en demeure pas moins que de telles opérations sont susceptibles d'être réalisées par des opérateurs privés et doivent, par conséquent, être regardées comme emportant potentiellement des distorsions de concurrence au sens des critères dégagés par la jurisprudence communautaire. Il en résulte que les opérations immobilières réalisées par les EPFL, ou une collectivité territoriale qui s'inscrit dans une démarche économique d'aménagement de l'espace ou de maîtrise d'ouvrage, entrent nécessairement dans le champ d'application de la TVA. Le principe de neutralité fiscale s'opposant à ce que des opérations identiques fassent l'objet d'un traitement distinct au regard de la TVA, toute mesure visant à soustraire un organisme public à la taxe serait contraire au droit communautaire. Cela étant, l'assujettissement à la TVA des EPFL n'est pas de nature à augmenter la charge fiscale pesant sur les acquisitions d'immeubles et les interventions qu'ils sont amenés à réaliser dès lors que la taxe grevant ces opérations est déductible dans les conditions de droit commun. Tel est le cas lorsque la collectivité territoriale qui recourt à un EPFL destine les terrains aménagés ou les immeubles à la revente, dans le cadre d'opérations d'aménagement foncier (création de zones d'activités économiques ou de lotissement par exemple). Pour ces motifs, le Gouvernement n'est pas favorable à cette proposition.

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