Question de M. LEFÈVRE Antoine (Aisne - Les Républicains) publiée le 08/02/2018

M. Antoine Lefèvre attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire sur la récente décision du Gouvernement sur le bioéthanol, filière que la France soutient depuis plusieurs années. Le bioéthanol permet une décarbonation immédiate et peu coûteuse du parc automobile essence existant. La France défend ouvertement un plafond à 7 % pour les biocarburants de première génération (à base de plantes agricoles) et elle avait reconnu que ceux issus de déchets et résidus de la production alimentaire (par exemple la mélasse qui contient les sucres non extractibles de la betterave) ne tombaient pas dans ce plafond.
Cette position équilibrée permettait de répondre au débat sur le risque potentiel de conflit avec l'alimentaire, de poursuivre la décarbonation des transports (le bioéthanol base déchets/résidus réduit les émissions de gaz à effets de serre de plus de 80) tout en préservant les investissements industriels réalisés.
Or, à rebours de ce qu'il avait été décidé lors de loi no 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte et dans le Plan climat de 2017, il vient d'être annoncé que l'éthanol de mélasse serait maintenant considéré comme de l'éthanol de première génération, soit non vertueux et destiné, à terme, à disparaître. Ce revirement incompréhensible intervient à un moment critique pour les sucriers français au moment de la fin des quotas. La valorisation de leurs déchets/résidus est en effet plus que jamais essentielle pour renforcer la compétitivité de leur modèle sucrier et préserver leur activité alimentaire en France. En effet, les concurrents européens et mondiaux ne sont pas soumis à ce problème et, de plus, le Gouvernement défend désormais l'huile de palme importée, dont les modes de production et les usages font largement débat, pour produire des biocarburants devant être consommés en France. Les industriels de la betterave sont stupéfaits de ces positions inéquitables pour notre agriculture et notre industrie, au moment même où l'Union européenne s'apprête à concéder un contingent de 600 000 tonnes d'éthanol au Mercosur, soit l'équivalent de 12 % du marché européen !
Il lui demande donc de bien vouloir lui infirmer ces informations, à tout le moins des explications recevables et rassurantes pour la filière betterave et, plus largement pour la qualité de l'air de nos villes, au moment où il vient d'annoncer que la France a dépassé son seuil d'émission de gaz à effet de serre de 3,6 % en 2016.

- page 525

Transmise au Ministère de la transition écologique et solidaire


Réponse du Ministère de la transition écologique et solidaire publiée le 15/11/2018

Les biocarburants de première génération, fabriqués à partir de cultures ou de produits agricoles, entrent en concurrence avec l'usage alimentaire de ces mêmes matières premières et doivent donc être limités. Au niveau européen, la directive ILUC fixe depuis 2015 un plafond d'incorporation pour les biocarburants conventionnels qui s'élève à 7 % dans les transports et court jusqu'à 2020. L'éthanol produit à partir de mélasse est comptabilisé depuis l'origine dans la catégorie plafonnée des biocarburants conventionnels. La directive ILUC donnait la possibilité aux États membres de définir une liste des matières premières considérées comme déchets ou résidus, non comptabilisées parmi les biocarburants conventionnels et donc non comptées dans le plafond des 7 %. Il a finalement été décidé de ne pas retenir la mélasse dans cette liste. Par ailleurs, la révision de la directive énergies renouvelables (RED II), en cours actuellement, doit fixer les objectifs d'énergies renouvelables pour 2030. Dans le cadre de ces discussions, le Conseil européen n'a pas cité la mélasse dans les listes de biocarburants non conventionnels. Il a ainsi conclu en décembre 2018 au classement de la mélasse comme matière première permettant de faire des biocarburants de première génération sans possibilité de dérogation. En effet, la mélasse est le produit obtenu après trois extractions du sucre contenu dans le jus de betterave. Elle apparaît essentiellement comme un coproduit du processus de fabrication de sucre, qui est valorisé dans certaines filières agro-alimentaires et notamment dans l'industrie de la levure. Elle peut également être transformée en éthanol pour la production d'alcool de bouche. La France s'est engagée depuis plusieurs années dans le développement de biocarburants dits avancés utilisant des ressources de biomasse n'entrant pas en concurrence avec l'alimentation. L'utilisation du sucre de mélasse n'entre pas dans la définition des biocarburants avancés. La décision prise par le Gouvernement de maintenir la mélasse dans le plafond des 7 % se fait donc en continuité avec la situation actuelle et en cohérence avec les discussions menées au niveau européen. La France s'inscrit par ailleurs dans une politique ambitieuse de lutte contre la déforestation importée au travers d'exigences sur les caractéristiques des matières premières. Il est souhaité que toutes les matières utilisées en France, y compris l'huile de palme, puissent garantir qu'elles n'ont pas été produites sur des terres déforestées au travers de certifications exigeantes.

- page 5829

Page mise à jour le