Question de M. KARAM Antoine (Guyane - LaREM-A) publiée le 22/02/2018

M. Antoine Karam interroge Mme la ministre des outre-mer sur le renforcement de la lutte contre la pêche illégale en Guyane.

Évaluée à environ 20 % des captures mondiales, soit entre 11 et 26 millions de tonnes, la pêche illégale ou pêche dite « illicite, non déclarée et non réglementée » (INN) représente une perte de 10 à 23 milliards d'euros chaque année au niveau mondial et met en péril les mesures de gestion et de conservation en place.

Depuis plusieurs années, la pêche illégale étrangère en provenance du Brésil, du Surinam et du Guyana perdure et s'intensifie dans les eaux guyanaises. En juin 2012, le rapport publié par l'institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER) concluait que la ressource halieutique était davantage exploitée par les navires étrangers, les captures illégales étant ainsi 2,5 à 3 fois plus importantes que la pêche effectuée par les navires guyanais.

Pourtant, plusieurs leviers d'action existent déjà pour contrer ce phénomène.

Au niveau de la France d'abord, les autorités luttent activement en mer contre ces pratiques illicites. Récemment, leurs moyens ont été renforcés par le Gouvernement dans le cadre de l'accord de Guyane prévoyant également 3,5 millions d'euros d'aides dédiées aux pêcheurs de Guyane.

Par ailleurs, en novembre 2017, la France a signé avec le Surinam un accord sur la délimitation maritime depuis l'embouchure du Maroni dont l'un des objectifs est justement de lutter contre le développement de la pêche illégale.

Enfin, la lutte contre les activités de pêche INN est une priorité de la politique commune de pêche. À ce titre, l'Union européenne soutient les efforts des autorités françaises et la coopération avec les États voisins. S'agissant des régions ultrapériphériques, et bien que non appliqué en Guyane, le règlement (UE) n° 1380/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 relatif à la politique commune de la pêche, modifiant les règlements (CE) n° 1954/2003 et (CE) n° 1224/2009 du Conseil et abrogeant les règlements (CE) n° 2371/2002 et (CE) n° 639/2004 du Conseil et la décision 2004/585/CE du Conseil précise que « dans les eaux situées à moins de 100 milles marins des lignes de base des régions ultrapériphériques de l'Union visées à l'article 349, premier alinéa, du traité, les États membres concernés sont autorisés, jusqu'au 31 décembre 2022, à limiter la pêche aux navires immatriculés dans les ports de ces territoires. Ces limitations ne s'appliquent pas aux navires de l'Union pêchant traditionnellement dans ces eaux, pour autant que ces navires ne dépassent pas l'effort de pêche qui y est traditionnellement exercé. Les États membres informent la Commission des limitations mises en place au titre du présent paragraphe ».

Dans ce contexte, il lui demande de lui préciser de quelle manière le nouvel accord avec le Surinam permettra de lutter concrètement contre la pêche illégale.

Il souhaite également savoir si le Gouvernement est prêt à mobiliser tous les leviers d'action prévus par le règlement européen en matière de lutte contre la pêche illégale, d'une part, en limitant la pêche aux seuls navires guyanais dans les eaux situées à moins de 100 milles marins et, d'autre part, en encourageant la Commission européenne à examiner dans le cadre du règlement INN le respect par le Brésil, le Surinam et le Guyana des obligations internationales et européennes en matière de pêche et à envisager, le cas échéant, leur inscription à la liste des pays tiers non coopérants.

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Réponse du Ministère des outre-mer publiée le 21/03/2018

Réponse apportée en séance publique le 20/03/2018

M. Antoine Karam. Madame la ministre, depuis plusieurs années, la pêche illégale étrangère en provenance du Brésil, du Surinam et du Guyana perdure et s'intensifie dans les eaux guyanaises, à tel point que l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, l'IFREMER, concluait dans un rapport de juin 2012 que la ressource halieutique était davantage exploitée par les navires étrangers, les captures illégales étant ainsi 2,5 à 3 fois plus importantes que la pêche effectuée par les navires guyanais.

Vous le savez, pour contrer ce phénomène, des efforts sont réalisés et plusieurs leviers d'action existent.

Au niveau de la France, d'abord, les autorités luttent activement en mer contre ces pratiques illicites. Le plan d'urgence mis en œuvre avec l'accord de Guyane a, lui aussi, prévu un soutien important à hauteur de 3,5 millions d'euros d'aides dédiées aux pêcheurs de Guyane.

Par ailleurs, la France a signé un accord en novembre 2017 avec le Surinam sur la délimitation maritime depuis l'embouchure du Maroni, dont l'un des objectifs est justement de lutter contre le développement de la pêche illégale.

Enfin, la lutte contre les activités de pêche illicite, non déclarée et non réglementée est une priorité de la politique commune de la pêche. À ce titre, l'Union européenne soutient les efforts des autorités françaises et la coopération avec les États voisins.

Cependant, force est de constater que certaines dispositions, pourtant protectrices, ne sont pas appliquées en Guyane. En effet, le règlement européen prévoit que, dans les eaux situées à moins de 100 milles marins des lignes de base des régions ultrapériphériques, les États membres concernés sont autorisés, jusqu'au 31 décembre 2022, à limiter la pêche à leurs propres navires. Notons que, pour appliquer cette réglementation, la France n'aurait qu'à informer la Commission des limitations mises en place.

C'est pourquoi, face à une situation qui reste chaque jour insupportable pour les pêcheurs guyanais, je souhaiterais avoir davantage de précisions, madame la ministre, sur les éléments suivants.

S'agissant d'abord de l'accord signé avec le Surinam, pouvez-vous préciser de quelle manière celui-ci permettra de lutter plus efficacement contre la pêche illégale ?

Enfin, le Gouvernement est-il prêt à mobiliser tous les leviers d'action prévus par le règlement européen en matière de lutte contre la pêche illégale, à savoir, d'une part, limiter la pêche aux seuls navires guyanais dans les eaux situées à moins de 100 milles marins et, d'autre part, encourager la Commission européenne à examiner le respect par le Brésil, le Surinam et le Guyana des obligations internationales et européennes en matière de pêche, et à envisager, le cas échéant, leur inscription sur la liste des pays tiers non coopérants.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur Antoine Karam, vous connaissez ma sensibilité personnelle sur ce sujet. Je vous l'affirme, le Gouvernement est particulièrement mobilisé dans la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, dite INN. Afin de lutter contre les incursions de navires de pêche non autorisés dans les eaux guyanaises, plusieurs opérations de police des pêches ont été réalisées en 2017, dont une opération d'ampleur menée en coopération avec le Brésil. Le bilan de l'année 2017 fait état de 146 contrôles réalisés ; la quasi-totalité de ces contrôles ont donné lieu à la rédaction de procès-verbaux : 31 navires ont été déroutés, 128 tonnes de poissons et 423 vessies natatoires ont été saisies ; 359 kilomètres de filets ont été relevés.

La signature récente de l'accord de délimitation avec le Surinam, vous l'avez évoqué, permettra d'œuvrer en faveur de la lutte contre la pêche illégale au travers de missions conjointes de police, à l'instar de ce qui se fait avec le Brésil ; les modalités concrètes de sa mise en œuvre sont en cours de discussion avec les autorités surinamaises. Nous vous tiendrons informés très rapidement de ces conclusions.

Le renforcement de la lutte contre la pêche INN dans la zone maritime guyanaise demeure une priorité pour l'État. Ainsi, en 2017, la zone maritime s'est vu attribuer deux nouveaux patrouilleurs, La Confiance et La Résolue, ainsi qu'une vedette des douanes DF45.

Par ailleurs, comme vous l'avez cité, dans le cadre des accords de Cayenne d'avril 2017, la direction des affaires maritimes a renforcé les moyens spécifiquement consacrés au contrôle des pêches en triplant ses effectifs dédiés et en dotant l'unité littorale des affaires maritimes, nouvellement créée, de deux moyens nautiques qui devront arriver en mars et en mai prochain.

Enfin, le règlement européen du 11 décembre 2013 relatif à la politique commune des pêches, que vous avez évoqué, permet en effet de limiter aux seuls navires guyanais le droit de pêche dans les eaux situées à moins de 100 milles des lignes de base. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation est actuellement en train d'étudier avec ses services l'opportunité de la mise en œuvre de ce dispositif.

J'attire toutefois votre attention sur la portée de ce texte – vous connaissez mon souci de transparence –, qui aura deux limites. En premier lieu, ces dispositions ne s'appliqueront pas aux navires européens ayant des antécédents de pêche dans la zone des 100 milles. En second lieu, les navires extracommunautaires, notamment vénézuéliens, qui pêchent dans les eaux guyanaises, ne seront pas soumis à ce dispositif réglementaire, car une autorisation résulte tout simplement d'un accord international validé par la France. Ces deux limites entraîneront la non-application totale du texte européen.

Monsieur le sénateur, je reste à votre disposition pour débattre de ces sujets plus longuement.

Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Karam.

M. Antoine Karam. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.

Permettez-moi simplement d'insister sur l'ampleur de ce phénomène. La pêche illégale représente 20 % des captures mondiales, soit entre 11 millions et 26 millions de tonnes. Elle met ainsi en péril les mesures de gestion et de conservation en place.

Vous l'avez dit, le Parlement européen a récemment demandé, et nous avons fortement soutenu cette demande, l'interdiction de la pêche électrique dans les eaux de l'Union européenne. Je tiens à saluer cette avancée.

La France doit, elle aussi, accompagner ce mouvement et lutter activement contre toutes les formes de pêche illégale. Nous ne pouvons plus rester indifférents, voire spectateurs, face au pillage de notre ressource halieutique, y compris dans les eaux guyanaises. Nous devons préserver celle-ci, comme nous l'avons toujours affirmé, en protégeant et en accompagnant nos pêcheurs dans une activité responsable.

À ce titre, j'attire votre attention, madame la ministre, sur les doléances des pêcheurs guyanais. En ce moment même, ceux-ci sont en proie à des retards de versements, datant pour certains de 2016, dans le cadre du Plan de compensation des surcoûts des filières Pêche et Aquacole de Guyane 2014/2020 – le PCS. Nous devons pourtant soutenir leur développement et leur compétitivité si nous souhaitons lutter activement contre la pêche illégale.

Enfin, sur la question des navires vénézuéliens, un vieil accord est intervenu : il est respectable et nous le respectons, car les pêcheurs vénézuéliens pour le service de la pêche guyanaise travaillent à nos côtés. C'est une bonne action, il faut le souligner quand c'est le cas.

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