Question de M. PATIENT Georges (Guyane - LaREM) publiée le 21/02/2018

Question posée en séance publique le 20/02/2018

M. Georges Patient. Monsieur le Premier ministre, les Guyanais, en rébellion permanente contre un système qu'ils jugent inopérant dans les domaines les plus essentiels, notamment ceux de la santé, de l'éducation, de la sécurité et du développement économique, sont très préoccupés, voire « remontés » contre le rythme et l'état d'avancement des accords de Guyane, obtenus après deux mois de mobilisation d'une grande ampleur, une véritable révolution.

Ils attendaient de la concrétisation de ces accords, signés par votre prédécesseur et confirmés par le Président Macron, des avancées notables, rapides dans certains domaines les plus vitaux tels la santé et la sécurité, puisque faisant partie d'un plan d'urgence.

Certes, monsieur le Premier ministre, des mesures ont été prises dans le cadre de ces accords. Deux comités de suivi se sont même tenus, dont le dernier en septembre 2017, un mois avant la venue du Président de la République en Guyane.

Mais depuis, certains critiques de l'action gouvernementale disent que les accords marquent le pas, tout semblant être suspendu aux assises des outre-mer, dont le calendrier de réalisation serait à plus longue échéance que celle qu'escomptaient les Guyanais. Cela est d'autant plus vrai que dans le même temps se tiennent les états généraux de Guyane. Tout cela crée une réelle confusion qui vient s'ajouter au sentiment d'exaspération, au « ras-le-bol », au fameux « nou gon ke sa », comme on l'exprime si bien dans notre langue guyanaise.

Alors, manifestations, débrayages, grèves, violences urbaines et scolaires ont repris de plus belle et renvoient actuellement à la situation qui a précédé les événements de l'an dernier, ce qui fait craindre le pire.

Aussi, monsieur le Premier ministre, pouvez-vous apporter aux Guyanais des assurances sur le respect par votre gouvernement des accords de Guyane, et ce dans leur totalité, c'est-à-dire des garanties sur la prise en compte, à la fois, du plan d'urgence, du plan complémentaire et du projet institutionnel ou statutaire pour lequel ils opteront ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe La République En Marche.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 21/02/2018

Réponse apportée en séance publique le 20/02/2018

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Vous l'avez dit, monsieur le sénateur Georges Patient, le Président de la République, lors de son déplacement en Guyane à la fin du mois d'octobre, a fixé les orientations du Gouvernement pour la Guyane et, plus globalement, pour les outre-mer. Cette « page nouvelle de la relation entre la République et les outre-mer » – je cite ses mots – est celle de la responsabilité partagée.

Vous me demandez au fond, monsieur le sénateur, où en est l'État dans l'exercice de sa responsabilité à l'égard de la Guyane.

Vous l'avez rappelé, les Guyanais, que je connais, ont de fortes attentes à l'égard de l'État dans ses responsabilités les plus fondamentales : la santé, la sécurité et l'éducation.

Je sais aussi les aspirations de la population de Guyane à un modèle de développement plus équilibré.

Tout d'abord, je voudrais dire que l'État a honoré sa parole pour ce qui est du plan d'urgence Guyane. Le budget 2017 tel qu'il a été revu par le Gouvernement et le budget 2018 tel qu'il l'a conçu offrent les traductions concrètes du respect de la parole de l'État. J'en veux pour preuve la mobilisation exceptionnelle des crédits de l'État pour les constructions scolaires, notamment dans l'ouest guyanais : 250 millions d'euros engagés sur cinq ans pour les lycées et les collèges, et 150 millions d'euros sur dix ans pour les écoles.

Nous allons redonner à la collectivité territoriale de Guyane de la capacité à investir pour l'avenir en recentralisant, conformément aux engagements pris par le Président de la République, les dépenses de RSA pour la Guyane.

Dès 2017, dans le cadre du fonds d'urgence prévu par l'État, nous avons apporté 50 millions d'euros supplémentaires pour faire face à l'augmentation rapide, massive, de la dépense en Guyane. Nous allons évidemment poursuivre sur ce chemin.

Mais la politique de l'État, monsieur le sénateur, vous l'avez dit et je pense qu'il est essentiel de l'avoir à l'esprit, ne se résume pas au plan d'urgence du premier trimestre 2017. Celui-ci a permis de répondre rapidement à l'urgence – c'est le cas de le dire ! –, quand l'avenir exige une construction de long terme.

D'abord, un mot sur le pouvoir d'achat : dans beaucoup de collectivités d'outre-mer, le niveau de la taxe d'habitation est très élevé – c'est le cas en Guyane. Cette année, une grande partie des habitants des communes de Guyane pourront constater la baisse massive de cette taxe, compensée aux communes. (Mme Sophie Primas s'exclame.)

Notre engagement en matière de sécurité est renforcé : la Guyane figure parmi les vingt départements reconnus comme prioritaires dans le cadre de la police de sécurité du quotidien.

En matière d'immigration – une question importante –, dans le cadre d'une expérimentation circonscrite à la Guyane, nous allons essayer, expérimenter, à compter de juin prochain, la réduction des délais d'instruction des demandes d'asile.

Monsieur le sénateur, vous le constatez, nous avançons, nous agissons. Il est vrai, j'en conviens volontiers, qu'avant de nous engager très en avant et très loin, nous prenons le temps de la réflexion. C'est d'ailleurs une volonté du Gouvernement dans le cadre des assises des outre-mer, mais aussi de la collectivité dans le cadre des états généraux. Les deux exercices ne sont pas indépendants : ils doivent, je le crois, se compléter à certains égards.

Je veux vous dire, monsieur le sénateur, que les outre-mer sont au cœur de nos politiques publiques. Ils le seront encore davantage avec le Livre bleu outre-mer qui marquera la conclusion des assises en mai prochain. Mme la ministre des outre-mer y est évidemment particulièrement investie.

Nous espérons, à partir de ce Livre bleu, pouvoir construire des politiques publiques dans la durée, efficaces et dotées des moyens appropriés afin que la Guyane, comme toutes les autres collectivités d'outre-mer, soit à la fois une fierté et une richesse pour l'ensemble de la France. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe La République En Marche. – MM. Emmanuel Capus et Joseph Castelli applaudissent également.)

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