Question de M. CORBISEZ Jean-Pierre (Pas-de-Calais - RDSE) publiée le 08/02/2018

M. Jean-Pierre Corbisez interroge Mme la ministre du travail sur l'avenir du dispositif des contrats aidés, notamment au regard des propositions formulées dans le rapport sur les politiques d'inclusion qui lui a été remis le 16 janvier 2018.
Certes, on peut reprocher aux contrats aidés de n'avoir pas suffisamment joué leur rôle en matière de qualification ou de professionnalisation mais il ne faudrait pas tomber dans l'excès inverse et réserver le nouveau dispositif exclusivement aux employeurs susceptibles d'être les plus performants dans l'accompagnement de leurs salariés.
Le risque serait de poser un niveau d'exigence tel qu'il priverait les petites structures, notamment associatives, du recours à ces nouveaux « parcours emploi compétences » préconisés par le rapport.
Si on ne peut que soutenir l'objectif d'accroissement des compétences, il ne faudrait pas oublier l'utilité sociale des contrats aidés qui ont souvent été une véritable bouffée d'oxygène pour des personnes très éloignées de l'emploi et menacées de désocialisation.
Ils leur donnent une occasion de reprendre confiance et de se sentir utiles aux autres.
Cette vocation des contrats aidés s'est principalement exprimée dans le cadre de missions confiées par des associations, qui auront apporté une réelle plus-value en matière d'insertion sociale. Ces contrats aidés, en offrant aux associations des coûts du travail supportables, leur ont aussi permis de pérenniser certaines de leurs actions, des actions qui bénéficient, est-il besoin de le rappeler, à nombre de nos concitoyens, et qui concourent au maintien de la cohésion sociale.
Aussi appelle-t-il à la plus grande vigilance quant à l'éventuel processus de sélection des employeurs qui pourrait découler de la mise en œuvre de cette proposition du rapport. Elle ne pourrait se concevoir sans un accompagnement renforcé des petites structures leur permettant de satisfaire au triptyque « employer, former, accompagner ».
Enfin, il souligne le décalage persistant entre l'ambition affichée de lutte contre le chômage et les moyens alloués dès lors que le nombre de contrats budgétés sur 2018 reste inférieur de 100 000 à celui de 2017 et que l'aide financière publique pour ces parcours serait réduite de 75 à 50 %.
Il souhaite donc l'interroger sur les trois points suivants : les suites données à ce rapport et, le cas échéant, le calendrier et la méthode de la réforme ; les mesures concrètes qui seront mises en œuvre pour préserver la capacité des structures associatives à s'inscrire dans les dispositifs d'accompagnement à l'insertion professionnelle ; et, enfin, les moyens qui seront réellement investis en matière d'inclusion économique et sociale des personnes les plus éloignées de l'emploi. Cette ambition et cette responsabilité collectives ne sauraient se contenter de la maxime « faire mieux avec moins » !

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Réponse du Ministère du travail publiée le 21/03/2018

Réponse apportée en séance publique le 20/03/2018

M. Jean-Pierre Corbisez. Ma question portera sur l'avenir des contrats aidés, notamment au regard des propositions formulées par M. Borello dans le rapport qu'il vous a remis, madame la ministre, le 16 janvier dernier.

Certes, on peut reprocher aux contrats aidés de n'avoir pas suffisamment joué leur rôle en matière de qualification ou de professionnalisation, mais il ne faudrait pas tomber dans l'excès inverse et réserver le nouveau dispositif exclusivement aux employeurs susceptibles d'être les plus performants. Le risque serait de poser un niveau d'exigence tel qu'il priverait les petites structures, notamment associatives, du recours aux nouveaux « parcours emploi compétences » préconisés dans le rapport.

Si l'on ne peut que soutenir l'objectif d'accroissement des compétences, il ne faudrait pas oublier l'utilité sociale des contrats aidés, qui ont souvent été une véritable bouffée d'oxygène pour des personnes très éloignées de l'emploi et menacées de désocialisation : une occasion de reprendre confiance, de se sentir utile aux autres. Cet aspect a d'ailleurs été très bien rappelé par nos collègues Alain Dufaut et Jacques-Bernard Magner dans leur rapport d'information sur les contrats aidés, remis en février dernier.

Cette vocation des contrats aidés s'est principalement exprimée dans le cadre des missions confiées par des associations, sans doute moins « apprenantes » que des structures plus importantes, mais qui auront apporté une réelle plus-value en matière d'insertion sociale. En offrant aux associations des coûts du travail supportables, ces contrats leur ont aussi permis de pérenniser certaines de leurs actions, qui bénéficient – est-il besoin de le rappeler ? – à nombre de nos concitoyens et concourent au maintien de la cohésion sociale.

Aussi, j'appelle à la plus grande vigilance quant à l'éventuel processus de sélection des employeurs qui pourrait découler de la mise en œuvre de la proposition du rapport Borello. Elle ne pourrait se concevoir sans un accompagnement renforcé des petites structures, leur permettant de satisfaire au triptyque « employer, former, accompagner ».

Enfin, je souligne le décalage persistant entre l'ambition affichée par le Gouvernement de lutter contre le chômage et les moyens alloués dès lors que le nombre de contrats budgétés sur 2018 reste inférieur de 100 000 postes à celui de 2017 et que l'aide financière publique pour ces parcours serait réduite de 75 % à 50 %.

Madame la ministre, je souhaite donc vous interpeller sur trois points.

Tout d'abord, quelles suites seront données à ce rapport ? Si réforme il y a, quels en seront le calendrier et la méthode ?

Ensuite, quelles mesures concrètes seront mises en œuvre pour préserver la capacité des structures associatives à s'inscrire dans les dispositifs d'accompagnement à l'insertion professionnelle ?

Enfin, quels moyens seront réellement investis en matière d'inclusion économique et sociale des personnes les plus éloignées de l'emploi ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre du travail.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Monsieur Corbisez, le rapport de Jean-Marc Borello intitulé Donnons-nous les moyens de l'inclusion repose sur un principe que je partage et que nous partageons, me semble-t-il, pleinement avec lui : nul n'est inemployable.

Tout part de là. Mais il faut prévoir des conditions pour les plus vulnérables, les plus éloignés du travail, parce qu'ils connaissent le chômage de longue durée ou qu'ils n'ont jamais pu s'insérer complètement dans le monde du travail. Il faut effectivement des paliers, des étapes pour les aider à accéder au monde du travail tel qu'il existe aujourd'hui.

À cet égard, de nombreux dispositifs sont déjà en vigueur : Jean-Marc Borello les a rappelés, et nous souhaitons les poursuivre. Je pense, pour les jeunes, aux établissements pour l'insertion dans l'emploi, les EPIDE, aux écoles de la deuxième chance, et évidemment à tout le secteur de l'insertion par l'économique qui joue ce rôle, les entreprises adaptées pour les travailleurs handicapés. Dans la palette d'outils susceptibles de leur mettre le pied à l'étrier, il y a les contrats aidés, que nous avons remplacés, mais qui reposent sur la même base législative, par les « parcours emploi compétences ».

Vous le savez, car j'ai eu l'occasion de m'exprimer à plusieurs reprises sur ce sujet, les changements que nous avons opérés sont le fruit de quarante ans d'expériences associatives. Comment peut-on aider les personnes plus vulnérables, qui manquent de confiance en elles et d'expérience, à trouver ou retrouver le chemin du travail ?

Ce parcours repose sur un triptyque : une situation de travail – découvrir que l'on est utile et capable donne de la fiert頖, un accompagnement très personnalisé – les personnes concernées rencontrent aussi des problèmes en matière de logement, de santé, ce que l'on appelle dans le jargon administratif « les freins périphériques » – et de la formation.

Cette formation ne doit pas forcément être dispensée de manière classique, dans des salles, mais il faut développer des compétences minimales, de savoir-être et de savoir-faire, pour favoriser l'accès à l'emploi.

C'est pour cette raison que nous avons réorienté les contrats aidés. En effet, nous avons constaté que seul un contrat aidé sur quatre débouchait sur un emploi. Cela signifie que des personnes en situation de précarité se retrouvaient sur des emplois précaires qui ne débouchaient pas sur un emploi durable. Nous maintiendrons l'orientation que nous avons prise, car l'objectif est un meilleur taux d'insertion que par le passé, notamment pour les 200 000 personnes qui s'engagent cette année sur le marché du travail.

Par ailleurs, vous avez posé une autre question, tout aussi légitime, à savoir le financement du secteur associatif.

Le crédit d'impôt de taxe sur les salaires est de nature à donner des moyens supplémentaires au secteur associatif. Au-delà de cette mesure, une large concertation sur la vie associative est engagée sous l'égide du ministre de l'éducation nationale, qui est chargé de la vie associative.

Oui, une question se pose : l'utilité sociale du secteur associatif est très grande, et il faut régler ce problème. Mais on ne peut pas faire reposer la solution sur les salariés en situation de précarité. C'est pour cette raison que je distingue la politique de l'emploi de la politique de la vie associative : les deux sont nécessaires, mais elles ne peuvent pas tout à fait se confondre.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez.

M. Jean-Pierre Corbisez. Je veux simplement remercier Mme la ministre de ses réponses.

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