Question de M. ANTISTE Maurice (Martinique - SOCR) publiée le 07/02/2018

Question posée en séance publique le 06/02/2018

M. Maurice Antiste. Ma question s'adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

La presse locale de Martinique et de Guadeloupe s'est fait l'écho, depuis le 26 décembre dernier, de vives préoccupations relatives à une augmentation des limites maximales de résidus, dites LMR, de chlordécone intervenue dans la plus totale opacité en 2013. Cette augmentation a par ailleurs été confirmée par le ministère de l'agriculture en septembre dernier.

L'étude Kannari affirme clairement que 90 % de la population martiniquaise a du chlordécone dans le sang, soit neuf Martiniquais sur dix ! L'étude Karuprostate, quant à elle, a révélé le lien significatif qui existe entre les cancers de la prostate et le chlordécone. Notre île détient le triste record mondial du nombre d'hommes atteints de cette pathologie ; son incidence et sa mortalité, autant en Guadeloupe qu'en Martinique, y sont plus élevées que dans l'Hexagone. Il en est de même pour les taux d'accouchements prématurés et les cas de puberté précoce, qui sont une fois et demie plus élevés que dans l'Hexagone !

Depuis 2008, la ligne de conduite adoptée par l'État était celle de la diminution de l'exposition des populations au chlordécone. Madame la ministre, cette logique est-elle en train de s'inverser ? Pouvons-nous décemment, et en toute honnêteté, inciter nos habitants à consommer des viandes présentant des valeurs toxicologiques de référence, ou VTR, cinq à dix fois plus élevées qu'avant 2013 ? Pourquoi ne pas introduire une demande auprès de l'Union européenne afin de revenir aux normes de 2008, beaucoup plus protectrices pour nos populations ?

Par ailleurs, vous avez plusieurs fois affirmé ces dernières semaines que le lien entre le chlordécone et le cancer n'était pas clairement établi, à cause notamment du manque d'informations sur le sujet. Dès lors, ne serait-il pas judicieux de relancer l'étude Madiprostate ?

Enfin, le Centre international de recherche sur le cancer, le CIRC, a classé le chlordécone comme « cancérogène possible pour l'homme » en 1979, mais ce classement n'a jamais été reconsidéré, en dépit des nombreuses informations acquises depuis cette date.

Au regard de ces éléments et au vu des résultats de l'étude Karuprostate, le Gouvernement entend-il saisir légitimement le CIRC pour un éventuel reclassement du chlordécone comme cancérogène probable ou cancérogène certain ?

J'espère, madame la ministre, que vos réponses seront à la hauteur des attentes des Martiniquais et des Guadeloupéens, qui nous regardent avec inquiétude. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)

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Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée le 07/02/2018

Réponse apportée en séance publique le 06/02/2018

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, je tiens, en premier lieu, à assurer à tous nos compatriotes des Antilles mon plein engagement et celui du Gouvernement à propos du chlordécone.

Vous le savez, j'ai déjà travaillé sur ce sujet avant d'être ministre et je continuerai de le faire en tant que ministre. Il est impératif d'avancer, de réduire l'exposition des Antilles.

Des études scientifiques sont en cours dans le cadre du plan Chlordécone, avec, notamment, un recueil de données épidémiologiques sur les femmes enceintes, les enfants, les personnes, lesquelles vont permettre de mieux identifier les effets à long terme. Car, vous le savez, seuls les effets à court terme sont réellement bien connus. Il nous faut donc aller plus loin dans les connaissances scientifiques.

Vous le savez également, d'un point de vue méthodologique, ces études sont compliquées, car il s'agit d'expositions très anciennes, qui touchent l'ensemble de la population, à des degrés variables.

Je m'y suis engagée, une nouvelle cartographie des sols pollués aura lieu en 2018.

Concernant les seuils alimentaires, les seuils définis en 2013 au niveau européen concernent non pas tous les produits, mais uniquement les produits carnés. Les services de mon ministère sont très mobilisés, comme le sont ceux des ministères des outre-mer, de l'agriculture et de l'écologie.

Par ailleurs, comme je vous l'ai déjà dit lors d'une précédente séance, nous avons sollicité la Commission européenne afin de clarifier la directive sur les seuils concernant les denrées alimentaires. Toutefois, je tiens aussi à rassurer la population : en 2016, 659 prélèvements sur ces produits ont été réalisés en Guadeloupe et 875 en Martinique, qui ont révélé un taux de conformité de 98 %.

Monsieur le sénateur, je souhaite que nous avancions ensemble sur ce sujet. Je puis vous annoncer qu'une réunion sera très prochainement organisée au ministère des outre-mer avec l'ensemble des élus de la Martinique et de la Guadeloupe, ainsi que les différents ministères concernés, afin de faire la transparence sur ce sujet et de décider ensemble de la stratégie qu'il convient de mettre en place. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Je rappelle que la prochaine séance de questions d'actualité au Gouvernement aura lieu jeudi 15 février 2018.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures cinquante, sous la présidence de M. Philippe Dallier.)

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