Question de M. BOTREL Yannick (Côtes-d'Armor - SOCR) publiée le 01/02/2018

M. Yannick Botrel appelle l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la situation fiscale des « Américains accidentels », bénéficiant contre leur gré d'une double nationalité franco-américaine du fait d'une naissance sur le sol américain.

Les personnes dans cette situation n'ont jamais tiré profit de leur nationalité américaine, et se voient pourtant appliquer, comme tout citoyen américain, le principe de la « citizen based taxation ». Ainsi, il leur faut déclarer leurs revenus auprès de l'administration fiscale américaine. L'application de ce principe a été renforcée depuis la promulgation de la loi dite « FATCA » (Foreign Account Tax Compliance Act). L'objectif de ce texte est louable puisqu'il s'agit de lutter contre l'évasion fiscale des Américains vivant à l'étranger et omettant de déclarer leurs revenus auprès de l'administration fiscale américaine. La France est également confrontée à cette problématique et il apparaîtrait malvenu de contester le bien-fondé de cet objectif.

Néanmoins en l'espèce, l'application de cette loi a mis de nombreux « Américains accidentels » dans des situations critiques, soumettant ces personnes à une obligation de régularisation vis-à-vis de l'administration fiscale américaine, et ceci sous peine de se voir « expulsés » par leur établissement bancaire.

De plus, la procédure de renoncement à la nationalité américaine implique par ailleurs une mise en conformité fiscale préalable et le paiement d'une taxe, qui rend ce processus très coûteux pour ceux qui souhaiteraient l'entamer.

Dans les deux cas, cela représente des sommes souvent extrêmement conséquentes pour les personnes concernées.

Un rapport d'information n° 4082 de l'Assemblée nationale (déposé le 5 octobre 2016, XIVe législature) a proposé des pistes de résolution de cette difficulté, en favorisant notamment une action diplomatique pour le vote d'une disposition législative américaine ad hoc afin d'obtenir un traitement dérogatoire pour les « Américains accidentels » leur permettant soit de renoncer à la citoyenneté américaine par une procédure simple et gratuite, soit d'être exonérés d'obligations fiscales.

De plus, une association représentant les intérêts des américains accidentels a saisi le Conseil d'État.

C'est pourquoi il lui demande quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 07/03/2018

Réponse apportée en séance publique le 06/03/2018

M. Yannick Botrel. Monsieur le secrétaire d'État, ma question porte sur la situation fiscale des « Américains accidentels » bénéficiant d'une double nationalité franco-américaine. Ils le doivent aux circonstances, en raison d'une naissance sur le sol américain où ils n'ont parfois jamais résidé.

Très souvent, les personnes dans cette situation n'ont jamais usé de leur nationalité américaine et se voient pourtant appliquer, comme tout citoyen américain, le principe de la Citizen based taxation. Ainsi, il leur faut déclarer leurs revenus auprès de l'administration fiscale américaine. L'application de ce principe a été renforcée depuis la promulgation de la loi dite « FATCA », pour Foreign Account Tax Compliance Act.

L'objectif de ce texte est louable puisqu'il s'agit de lutter contre l'évasion fiscale des Américains vivant à l'étranger et omettant de déclarer leurs revenus auprès de l'administration fiscale américaine.

La France est également confrontée à cette problématique et il apparaîtrait malvenu de contester le bien-fondé de l'objectif.

Néanmoins, en l'espèce, l'application de cette loi a mis dans des situations inextricables de nombreux « Américains accidentels », qui n'ont aucun lien avec les États-Unis, soumettant ces personnes à une obligation de régularisation vis-à-vis de l'administration fiscale américaine, et ce sous peine de se voir « expulsés » par leur établissement bancaire ici même en France.

De plus, la procédure de renoncement à la nationalité américaine implique une mise en conformité fiscale préalable et le paiement d'une taxe qui rend ce processus très coûteux, voire difficilement atteignable pour ceux qui souhaiteraient l'entamer. Dans les deux cas, cela représente des sommes souvent extrêmement importantes pour les personnes concernées.

Le 5 octobre 2016, un rapport parlementaire a proposé des pistes de résolution de cette difficulté, en favorisant notamment une action diplomatique pour le vote d'une disposition législative américaine ad hoc afin d'obtenir un traitement dérogatoire pour les « Américains accidentels », disposition qui leur permettrait, soit de renoncer à la citoyenneté américaine par une procédure simple et gratuite, soit d'être exonérés d'obligations fiscales.

De plus, une association représentant les intérêts des « Américains accidentels » a saisi le Conseil d'État.

Ainsi, monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais connaître les intentions et la position du Gouvernement en la matière.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Yannick Botrel, vous avez parfaitement résumé la situation, qui est kafkaïenne pour ceux qui la vivent.

Comme vous le savez, en matière de fiscalité, les États-Unis reconnaissent le principe de l'imposition sur la base de la citoyenneté, laquelle peut s'acquérir par la seule naissance sur le sol américain.

Les citoyens français qui ont aussi la nationalité américaine sont tenus, en principe, par le droit américain de procéder à une déclaration de leurs revenus auprès des services fiscaux américains et d'acquitter, le cas échéant, les impôts dus.

L'accord intergouvernemental FATCA, que la France a signé en 2013 et qui est entré en vigueur en 2014, vise à lutter contre l'évasion fiscale. Vous l'avez dit, l'objectif en lui-même ne peut pas être contestable. Il instaure néanmoins un certain nombre d'obligations qui peuvent poser problème, ce qui a d'ailleurs conduit un certain nombre de citoyens français, « Américains accidentels », à se fédérer, portant à la connaissance des uns et des autres toutes les difficultés rencontrées.

Toutefois, la convention fiscale bilatérale de 1994 entre la France et les États-Unis vise à éviter ces doubles impositions. Ce n'est que dans les cas où l'impôt français est inférieur à celui qui est dû aux États-Unis ou quand certains revenus ne sont pas imposés de façon effective en application du droit fiscal français, mais sont taxables selon la législation des États-Unis, qu'une imposition complémentaire pourrait être demandée par les autorités fiscales américaines.

Néanmoins, au regard des difficultés très pratiques rencontrées dans la vie quotidienne par un certain nombre d'« Américains accidentels », le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a sollicité toute l'attention des autorités américaines. Nous le faisons également dans un cadre européen. Un courrier a été adressé au secrétaire au Trésor américain par la présidence de l'Union européenne appelant son attention sur toutes ces difficultés concrètes.

Nous avons notamment proposé qu'une renonciation facilitée à la nationalité américaine puisse avoir lieu. Il s'agit de rendre cette renonciation plus simple et moins coûteuse eu égard au fait qu'il faut, en principe, s'acquitter des impôts dus avant de pouvoir renoncer. Nous travaillons à ce type de dispositif, étant entendu que les conditions d'octroi ou de retrait de la nationalité relèvent évidemment de la compétence souveraine et exclusive des États-Unis.

J'implore votre clémence, monsieur le président, pour donner une ultime information à votre collègue, lui indiquant que le Gouvernement exerce également sa vigilance pour s'assurer de la possibilité pour ces « Américains accidentels » d'avoir accès à un compte bancaire. En effet, il est arrivé que certaines banques sortent en quelque sorte le parapluie. Nous rappelons donc, à cette occasion, que ces personnes doivent bénéficier d'un compte et peuvent, le cas échéant, utiliser les procédures de recours devant la Banque de France pour contraindre un établissement bancaire d'accepter l'ouverture d'un compte. En tous les cas, le combat continue pour trouver une solution très concrète et pratique à ces difficultés.

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel.

M. Yannick Botrel. Je remercie M. le secrétaire d'État de sa réponse très complète. Je prends acte des intentions du Gouvernement qu'il vient d'exprimer.

Vous avez utilisé un mot que je reprends à mon compte. Vous avez parlé de situation kafkaïenne, pour ne pas dire ubuesque. Il est vrai que ces personnes, probablement peu nombreuses, se trouvent confrontées à une situation qui les dépasse complètement et qui ne correspond pas du tout à leur vécu. Ces gens sont des citoyens français. Comme ils travaillent et payent leurs impôts en France, ils ne comprennent absolument pas ce qui leur arrive.

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de votre réponse. Nous suivrons, bien entendu, cette affaire avec attention pour voir comment le Gouvernement parvient à trouver une solution réglant définitivement ce problème épineux.

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